Forces en présence et agent central de changement (III)
Ces mêmes intellectuels écrivent articles et essais, jusqu’à la nausée, en évoquant essentiellement la personnalité d’un président, les orientations du commandement de l’armée, des "clans", du "tribalisme", du "régionalisme", sans quasi jamais parler de classes sociales, de lutte de classes, donc des efforts des classes dominées de s’affranchir de leur condition subalterne. Notons que cette attitude élitaire n’est pas spécifique à l’Algérie ; elle est mondiale.
IV. Le sel de la terre
Est-ce parce que ce serait marxiste et que celui-ci n’est plus à la mode ?… Qui le croit se trompe. L’existence des classes et de la lutte entre elles, de l’aveu même de Karl Marx, est une découverte de penseurs libéraux bourgeois (1). Pourquoi la classe laborieuse est ignorée, sinon négligée, en tout cas mise comme ultime élément de recours pour un changement social ? (2) La conception "démocratique" et "progressiste" est victime de trois erreurs.
La première provient de Marx. Elle consiste à croire que l’économie est l’aspect fondamentale d’une société. Au contraire, c’est la forme de gestion de celle-ci, ce qu’on appelle, en un autre terme, la "politique" qui détermine le type d’économie. La preuve : aux U.S.A. comme dans l’ex-Union "soviétique" de Lénine-Trotski puis leurs successeurs, la gestion de l’économie eut un point commun : la classe laborieuse est restée exploitée par une caste dominante (bourgeoisie privée dans le premier cas, étatique, dans le second).
La seconde erreur a comme auteur Lénine et Trotski. Elle réduit les désirs des exploités à des revendications vulgairement économiques, celles concernant le ventre et le corps. Au contraire, ces exploités économiquement, d’une manière ou d’une autre, - les plus conscients de façon explicite (les autogestionnaires) -, conçoivent ces droits matériels à l’intérieur de quelque chose de plus ample, plus noble : une totalité de vie qui soit digne.
Troisième erreur. Elle a comme auteur Marx et ses disciples, Lénine et autres. Cette erreur a été reprise par eux à la pensée bourgeoise jacobine française. Elle consiste à croire que le changement social ne peut venir que par la conquête du pouvoir de l’État, donc par un changement au sommet. Dans ce cas-là, la classe laborieuse sert uniquement comme « masse » de manœuvre, instrument "guidé", autrement dit manipulé, par un groupe de professionnels de la révolution (parti d’"avant-garde").
Par conséquent, toutes les mentalités élitistes-autoritaires ne conçoivent le changement social que par l’intervention au niveau de l’État, donc des agents qui le gèrent. Le peuple, lui, demeure le pis aller, tout au plus un instrument, le bras armé. Cette conception domine dans le monde, malheureusement. Elle a pour elle plus de trois millénaires d’histoire. L’on comprend que cette conception semble éternelle, naturelle, aller de soi, y compris pour ceux qui se croient révolutionnaires radicaux, tels Robespierre, Marx et Engels, Lénine, Trotski et autres. Dès lors, il n’y a point à s’étonner qu’en Algérie, comme dans le monde, l’écrasante majorité de l’"élite" croit à cette conception.
Pourtant, l’expérience historique montre qu’elle est erronée et illusoire. Si elle a permis des changements sociaux, ils ne furent jamais radicaux, entendons par là qu’ils n’éliminèrent jamais l’exploitation d’une majorité par une caste minoritaire. Certes, pendant une soixantaine d’années, les élitistes-autoritaires ont cru et fait croire que certains pays étaient devenus "socialistes" et même "communistes", que l’État était devenu celui des travailleurs (ou du peuple), que, par conséquent, il y eut révolution, donc fin de l’exploitation de l’homme par l’homme.
La réalité démontre le contraire ; elle donne raison aux autogestionnaires. Du temps même de Marx, puis à l’époque de Lénine, ils dénoncèrent l’illusion élitiste-autoritaire, privilégiant l’État comme clé du changement social, et le peuple uniquement comme instrument manipulé par cette élite "révolutionnaire". Désormais, si l’on veut réellement un changement social au bénéfice du peuple laborieux, c’est uniquement à celui-ci qu’il faut s’adresser, uniquement sur lui qu’il faut compter. C’est lui le sel de la terre, la sève de la vie sociale, le levier pour changer le système social.
Cela implique une conception sociale autogestionnaire, où les citoyens gèrent de manière libre et autonome leur société, selon des formes qu’ils ont à trouver eux-mêmes. Dès à présent, trois éléments sont clairs :
- Un but fondamental : cette autogestion devra éliminer toute forme d’exploitation de l’être humain par un autre ;
- Une méthode fondamentale : la forme autogestionnaire n’a pas besoin de passer par une phase "transitoire" où un groupe élitaire-autoritaire commande ; la forme autogestionnaire est en même temps but et moyen. C’est par la pratique autogestionnaire, ici et maintenant, que se réalise l’autogestion généralisée comme but ;
- Au lieu d’élite autoritaire, les détenteurs de savoir doivent comprendre que leur seule action utile est de contribuer à l’autogestion, sans se substituer en nouveaux maîtres, sous prétexte de détenir un savoir "scientifique" duquel les autres sont démunis.
Ces trois conditions sont la garantie pour ne pas tomber dans un nouvel asservissement :
- Soit celui du réformisme social-démocrate : accorder à la classe laborieuse des miettes, tout en laissant exister la caste capitaliste privée, et en réduisant la vie des travailleurs à celle de producteurs-consommateurs, limités à des "loisirs" imbéciles et puérils aliénants ;
- Soit, plus grave et totalitaire, le "socialiste étatique", inauguré par le bolchevisme, puis totalement réalisé par le stalinisme et ses avatars proclamés "démocratie populaire". Là, aussi, la classe laborieuse est réduite à produire-consommer, limitée à des "loisirs" consistant à chanter les louanges du "Sauveur Suprême" et à apprendre par cœur ses "pensées géniales".
Dès lors, la classe laborieuse fait peur à toutes les conceptions autoritaires (et économistes), quelle que soit leur forme : laïque ou cléricale, capitaliste ou marxiste.
De temps en temps, on avoue cette crainte des réactions du peuple ; on les suspecte violentes, en somme du « désordre ». On fait silence sur le véritable désordre et sa violence quotidienne : un salaire de survie et le contrôle-répression. Là est l’essentiel, la cause, le fondement. Les éventuelles révoltes (désordres, violences) des victimes n’en sont qu’une conséquence. Elle est toujours inférieure, en quantité, au désordre et à la violence de la caste dominante. Alors, l’inquiétude se tourne vers l’armée. Comment réagira-t-elle ? Certains appellent l’intervention de l’armée. D’autres déclarent que cette institution est en dehors de la politique.
Qu’en est-il, en réalité ?
Non seulement en Algérie mais dans le monde entier, y compris les "démocraties avancées", l’armée est une institution dépendante et conséquente du système social existant, donc de la caste dominante. Trois exemples. En mai 1968, quand le mouvement social avait abouti à une grève nationale prolongée de dix millions de travailleurs, paralysant l’économie, et déclarant vouloir éliminer le système capitaliste dominant, que fit le président de la République, De Gaulle ?… Il abandonna l’Élysée et alla trouver le chef de l’armée française, stationnée en Allemagne. C’était son ultime recours contre ce qu’il appela la "chienlit".
Auparavant, aux États-Unis, quand le mouvement pour les droits civils puis celui contre l’agression au Viet Nam devinrent menaçants, pour les contenir, le gouvernement eut recourt à l’armée. Avant le déclenchement de la seconde agression contre l’Irak, les manifestations citoyennes, notamment aux États-Unis et en Angleterre, furent gigantesques. Cela n’empêcha pas les armées de ces pays d’obéir aux ordres des castes dominantes.
L’Algérie n’échappe pas à la règle universelle. L’armée est l’émanation de la caste dominante et, par conséquent, elle défendra son existence, en cas de nécessité, aussi bien contre un ennemi extérieur que contre un contestataire intérieur.
Son éventuelle intervention dépendra du fait suivant : le niveau d’avidité des possesseurs de capital (d’abord étatique, ensuite privé), et, d’autre part, la capacité de supporter de la part des victimes de cette avidité (travailleurs manuels et chômeurs).
L’avidité consiste à s’enrichir le plus possible, le plus longtemps possible, par tous les moyens possibles, du licite à l’illicite. Supporter, c’est disposer de quoi survivre le plus possible, le plus longtemps possible, par tous les moyens possibles, du licite à l’illicite.
Là, me semble-t-il, se trouve le "courant souterrain", (invisible pour qui ne sait pas ou ne veut pas voir) mais déterminant de ce qu’on appelle la dynamique des forces sociales. Si l’on n’a pas peur des mots, on peut également l’appeler par ce qui la caractérise réellement : lutte des classes. On peut la nier de toutes les manières, pourtant, dirait Galilée, elle existe.
La question centrale est donc, quel que soit le pays de la planète : sur quelle base existe et fonctionne un système social. Actuellement, nous en sommes encore, partout sur la planète, sous une forme atténuée ou brutale, en présence d’un système qui se caractérise par l’existence de deux classes principales antagonistes, où l’une, minoritaire, vit et s’enrichit au détriment d’une autre, majoritaire. Là est l’ignominie fondamentale, la base de la société. Tout le reste est conséquence : institutions de légitimation et de consensus (religion, enseignement, mass-médias, culture), institutions de gestion (État, administrations, partis politiques), institutions de contrôle et répression (lois, police, armée).
Comme sont, également, des conséquences les autres aspects, problèmes et conflits sociaux : « ethniques », situation de la femme, sexualité, déprédation mafieuse, violence, jusqu’aux saletés dans les rues, etc.
Bien entendu, soulignons-le, les conséquences ont, en retour, une influence sur les causes des luttes sociales. Dans certaines conditions, ces conséquences (ou l’une d’elle) pourraient se révéler déterminantes dans la modification de ces luttes sociales.
Cependant, quand, dans un pays, une conséquence qu’est l’armée est sollicitée ou intervient pour changer le rapport antagoniste entre les classes sociales, que ce soit en faveur de celle dominante ou de celle dominée, c’est que, d’une part, l’État (plus exactement la caste qui le domine) n’est plus capable de (hétéro) gérer, et, d’autre part, la classe la plus dominée n’est plus en mesure de supporter, ni de disposer d’une manière alternative de (auto) gérer la société.
Toutefois, dans ce cas, l’intervention de l’armée est seulement une manière de boucher un trou dans une barque (la société) où viennent se jeter continuellement des trombes d’eau (lutte entre les classes).
Dès lors, au lieu de faire un appel à l’armée, ne vaut-il pas mieux s’efforcer de trouver une solution différente ? Malheureusement, celle de l’autogestion populaire est, en cette phase actuelle, une utopie. Restent les partis d’opposition dite démocratique. Lesquels se révèlent incapables d’une intervention efficace, ni de manière singulière ni concertée.
Où sont la force des uns et la faiblesse des autres ?
La force des castes dominatrices est constituée par leur organisation et solidarité face à leur "poule d’or" et ennemi commun : la classe laborieuse. Les dominateurs font tout pour maintenir celle-ci comme “masse” contrôlée (par l’intermédiaire de syndicats à leur solde, en l’occurrence l’U.G.T.A.), sinon désorganisée (en réprimant les syndicats autonomes, réellement représentatifs des travailleurs, et les associations de chômeurs).
En outre, comme déjà exposé, la caste dominatrice dispose de tout l’arsenal de gestion sociale : appareils administratif, idéologique et répressif.
Ajoutons encore le discours de l’ « élite » autoritaire, soutenant ou « s’opposant » aux castes dominantes. Il conçoit tout changement social comme pouvant venir uniquement des castes dominatrices (puisqu’elles sont dominantes), et jamais de la classe laborieuse (puisqu’elle est dominée). Nous constatons, alors, un paradoxe : ceux-là même qui reprochent au peuple de n’être que « gâchi » (foule, masse) le maintiennent dans cette position. Comment ?… En ignorant la nécessité de son organisation autonome, pour ne penser qu’à une ré-organisation (réforme) « démocratique » de la classe hégémonique, qui serait en « faveur » de ce « gâchi ».
Combat totalement inégal. Aussi, la classe laborieuse sera maintenue dans la déplorable situation de foule tant qu’elle ne disposera pas d’une organisation autonome. Uniquement celle-ci sera capable de défendre ses intérêts face à ses dominateurs.
Dès lors, il devient facile de comprendre que les castes dominantes font tout, du « légal » (lois, règlements) à l’illégal, pour empêcher la classe laborieuse de se doter d’un instrument propre. Dans cette perspective, tout le discours élitaire-autoritaire, y compris celui des « démocrates » et « progressistes » opposants au régime, va dans le sens de maintenir la classe laborieuse au statut de foule hétéro-gérée.
Toutefois, certains « démocrates » affirment qu’un changement « démocratique », par des élections correctes, opéré dans la classe hégémonique, établirait une classe dirigeante plus convenable. Elle permettrait aux classes dominées (moyenne et laborieuse) de se doter librement d’organisations autonomes pour défendre leurs intérêts spécifiques.
Les auteurs de cette conception oublient (ignorent ou occultent) que, dans les pays de « démocratie avancée » (Europe, U.S.A., Japon, etc.), la caste dominante dispose, pour elle-même, de diverses structures d’organisation autonome : associations patronales, « forums » divers, think-tanks, outre le contrôle de l’État et de ses appareils de gestion sociale.
En même temps, la classe dominante empêche les classes dominées (moyenne et laborieuse) de se doter d’organisations autonomes aptes à changer le système de domination. Par exemple, si certains syndicats autonomes font valoir des intérêts des travailleurs, ils ne parviennent au mieux qu’à obtenir des miettes, si la conjoncture capitaliste permet des profits significatifs. Autrement, c’est l’ « austérité », au nom de la concurrence internationale, le serrement de ceinture, l’élimination de droits sociaux déjà acquis. Voir les décisions de l’actuel président de la France, des instances européennes, de l’actuel président des États-Unis, pourtant élu, dit-on, par les couches les plus populaires, sans oublier les décisions d’ « austérité » annoncées par le gouvernement algérien.
Ces faits ne suffisent-ils pas à renoncer aux illusions de changement réellement démocratique (c’est-à-dire au bénéfice du peuple dominé) par le « haut », pour se préoccuper, dorénavant, de construire les conditions afin que ce peuple dominé puisse établir la réelle démocratie, c’est-à-dire une société au bénéfice de ce peuple, des classes dominées ? Cela implique l’élimination de toute forme de domination d’une couche d’êtres humains sur d’autres. Ce système s’appelle autogestion sociale généralisée.
V. Que faire ?
La question se pose. Avec le temps, elle devient de plus en plus urgente.
Une première chose possible est de diminuer l’ergotage plus ou moins byzantin, les sottises et les gémissements (dus soit à l’ignorance, soit à la volonté d’occulter) sur les "luttes au sein du pouvoir" (lesquelles sont des conséquences), pour davantage s’intéresser et analyser les réelles et décisives luttes entre les classes sociales (qui sont les vraies causes), leurs enjeux, leurs manifestations et leurs perspectives. En accordant l’attention principale, non pas à la caste dominatrice mais à sa victime, notamment à la manière de celle-ci pour construire les conditions pratiques de son affranchissement (3).
Le même marquis, mentionné auparavant, a écrit, en 1833 : "Vous manquez à vos devoirs (...) si après un soulèvement suivi de succès, vous êtes assez lâches ou assez ignorants pour vous borner à exiger une amélioration de tarifs ou une élévation de salaires." (o. c.)
Pour ne pas mériter ce juste reproche, il faut trouver la manière de convaincre celles et ceux qui croient n’avoir pas d’autre solution que de survivre (par le servilisme ou la résistance) qu’ils ont intérêt à mieux : vivre par la dignité et la solidarité. Dit en termes plus simples : ceux qui se contentent de recevoir quelques poissons, en échange de leur sueur, - dont la valeur est supérieure -, se rendent compte qu’il vaut mieux apprendre à pécher eux-mêmes.
Bien entendu, cela exige beaucoup d’efforts et de temps. C’est le prix à payer. En Algérie comme dans le monde, toutes celles et ceux qui ont compté sur des changements au "sommet" (par des élections ou l’intervention armée), pour établir une réelle démocratie, autrement dit une gestion de la société émanant vraiment de la volonté populaire, ont failli.
Ignorent-ils la leçon élémentaire de l’histoire universelle ? Aucune caste dominante ne lâche l’os dont elle jouit. Tout au plus elle est remplacée par une nouvelle caste dominatrice, sous une appellation diverse, trompeuse. Seule la mobilisation de la classe dominée peut réussir à faire partager les richesses sociales équitablement entre toutes et tous. Comment ? Par l’autogestion sociale généralisée. Jusqu’à présent toute autre solution s’est révélée vaine : capitalisme privé ou capitalisme étatique. Alors, pourquoi pas, finalement essayer l’autogestion ? Donc s’intéresser principalement à la classe laborieuse exploitée et collaborer avec elle afin qu’elle s’organise en vue du but recherché. N’est-ce pas l’action essentielle, principale, stratégique ? Dans cette perspective, quatre tâches principales s’imposent.
1. Aider la classe laborieuse à dépasser sa situation de « masse » pour prendre clairement conscience de sa situation de classe dans son triple aspect : dominée-exploitée-aliénée.
2. Aider cette classe à concrétiser cette conscience de classe en organisation autonome à son service. Voilà le seul cas où l’on peut parler d’une classe au service de la nation entière, parce que en s’affranchissant de sa situation de classe dominée, elle éliminera de la société entière (la nation) toute forme de domination, sans en créer une autre.
3. Se rendre compte que l’État et la hiérarchie centralisée ne sont pas l’unique forme d’organisation sociale. Jusqu’à présent et partout dans le monde, cette forme d’organisation n’a pas éliminé la diabolique trinité dominatrice. Une alternative à considérer est une organisation sociale sous forme de fédération horizontale d’organismes autonomes solidaires. Il en sera question dans une autre contribution.
4. La marchandise et l’argent ne sont pas les déterminants principaux de la société, mais les êtres humains et leur coopération solidaire en vue d’une existence harmonieuse satisfaisante. Autrement dit, le développement économique n’est pas la priorité mais seulement la conséquence d’un développement total, celui de l’être humain dans toutes ses facultés créatrices, psychiques et matérielles.
Ajoutons une précision. La classe laborieuse ou l’autogestion sociale ne sont pas ennemies de la richesse matérielle ; au contraire, elles la désirent, non pas pour une minorité privilégiée mais pour la communauté toute entière. C’est uniquement ainsi que cette richesse matérielle ne sera pas synonyme de misère intellectuelle, psychique, mais, également, de richesse dans ces domaines, parce que, alors, la domination-exploitation-aliénation sera remplacée par la coopération solidaire libre. Cela suppose, bien entendu, la liberté totale de pensée, de s’exprimer, de s’associer pour les dominés. Les dominateurs la possède pour leur compte. Sachant qu’il ne l’accorderont pas volontairement aux dominés, il reste à ces derniers de la conquérir.
Un premier pas a été déjà réalisé, grâce au sang versé par des citoyens. C’est le cas en Algérie, comme il le fut partout dans le monde. En Algérie, en particulier, il a permis de mettre fin à la dictature. Il reste à conquérir la liberté entière. Sans elle, tout n’est que bavardage, tromperie, aliénation. C’est cela qu’il faut éliminer. Si, depuis l’indépendance, au lieu de croire au changement social démocratique par le "sommet" on avait mis l’effort pour créer les conditions de sa réalisation par la "base" (la classe la plus dominée, laquelle avait, notamment, créé spontanément l’autogestion ouvrière et paysanne), en serait-on encore aujourd’hui dans la situation actuelle ?
La leçon n’est-elle pas assez éloquente et convaincante pour s’occuper, désormais, de ce que l’expérience historique nous enseigne ? Cela commence par la pratique d’un langage authentique, sincère, libéré, au service réel de la communauté entière, en Algérie comme dans le monde. (Fin)
Kaddour Naïmi,
Notes
(1) Reconnaissons, cependant, à Marx le mérite de l’avoir remise à l’ordre du jour, en lui donnant toute l’importance qu’elle mérite. Et ignorons la conséquence, celle-ci la sienne propre, malheureusement erronée, qu’il en a tirée : sa théorie de conquête du pouvoir étatique pour réaliser la société idéale.
(2) Par exemple, on lit : "S’il n’y a rien à attendre de Dieu dans l’immédiat, si l’Armée reste muette devant les atteintes à la morale publique, au droit, à la démocratie et à l’intérêt du pays, si le ‘‘premier magistrat’’ n’est pas un recours mais la source de tous les problèmes, il reste l’ultime solution qui est nous-mêmes, le peuple qui, selon les termes mêmes de la Constitution en vigueur, est le détenteur de la souveraineté nationale et du droit constituant…". (Réponse de Noureddine Boukrouh au général-major Ghediri Ali, 06.09.17, http://www.elwatan.com//contributions/reponse-de-noureddine-boukrouh-au-general-major-ghediri-ali-06-09-2017-352115_120.php
(3) Voir https://www.lematindz.net/news/25246-aux-sinceres-amies-du-peuple-i.html
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merci
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