Nettoyage ethnique des rohingyas en Birmanie
Le cap des 300.000 musulmans rohingyas réfugiés depuis le 25 août au Bangladesh pour fuir les violences en Birmanie a été franchi, a estimé lundi l'ONU, dénonçant un "exemple classique de nettoyage ethnique".
Le dalaï lama en personne a exhorté la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix comme lui, à trouver une solution pour les Rohingyas, plus grande population apatride au monde avec un total d'environ un million de personnes.
Le Conseil de sécurité de l'ONU se réunira mercredi sur ce dossier, à la demande du Royaume-Uni et de la Suède, a annoncé lundi à New York la présidence éthiopienne en exercice de la plus haute instance des Nations unies.
"On estime à 313.000 le nombre de Rohingyas arrivés au Bangladesh depuis le 25 août", a dit à l'AFP Joseph Tripura, porte-parole du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) de l'ONU. Dimanche, leur nombre était encore estimé à 294.000.
La Maison Blanche s'est de son côté déclarée lundi "profondément troublée" par la crise des Rohingyas, sans pour autant mettre en cause le gouvernement d'Aung San Suu Kyi. Le flux de Rohingyas fuyant à pied, dans la boue et la pluie, semble se ralentir ces derniers jours, après un pic la semaine dernière. Mais le Bangladesh fait face à une crise humanitaire, les camps étant surpeuplés.
Tout a commencé cette fois-ci avec des attaques de rebelles rohingyas contre la police birmane le 25 août, qui ont déclenché une répression de l'armée. Bilan, au moins 500 morts, la plupart rohingyas, selon l'armée, l'ONU évoquant le double de morts, des villages incendiés et des exactions.
Les rebelles ont déclaré dimanche un cessez-le-feu unilatéral d'un mois, mais le gouvernement birman a répondu qu'il ne négociait pas avec des "terroristes".
"La Birmanie ayant refusé l'accès aux enquêteurs (...), l'évaluation actuelle de la situation ne peut pas être entièrement réalisée, mais la situation semble être un exemple classique de nettoyage ethnique", a déclaré le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Zeid Ra'ad Al Hussein à l'ouverture de la 36e session du Conseil à Genève.
Rapports et images satellites
"Nous avons reçu de multiples rapports et des images satellites montrant des forces de sécurité et des milices locales brûlant des villages rohingyas, et des informations cohérentes faisant étant d'exécutions extrajudiciaires, y compris de tirs sur des civils en fuite", a-t-il ajouté. Des témoignages en ce sens ont également été recueillis par l'AFP. Il a appelé le gouvernement birman à "mettre un terme à son opération militaire cruelle" et aux "discriminations généralisées" dont souffrent les Rohingyas.
Le dalaï lama, leader spirituel des Tibétains, admiré par Aung San Suu Kyi, l'a appelée à faire régner "un esprit de paix et de réconciliation" dans son pays, dans une lettre que l'AFP a pu lire.
Dans un premier temps, aucune réaction n'est venue du côté d'Aung San Suu Kyi, critiquée sur la scène internationale pour sa retenue et sa froideur sur ce sujet. Son rôle n'est pas facilité par la grande autonomie de l'armée, dirigée par des anciens responsable de la junte autodissoute en 2011, qui reste toute puissante dans cette zone de conflit.
Le service de presse d'Aung San Suu Kyi s'est contenté lundi d'annoncer l'intervention de la police dimanche soir dans le centre du pays pour disperser une foule de 400 personnes jetant des pierres sur une boucherie musulmane, premières violences intercommunautaires suscitées par les attaques de la rébellion musulmane rohingya fin août.
En 2012, de violents affrontements avaient éclaté dans le pays entre bouddhistes et musulmans faisant près de 200 morts, principalement des musulmans. Les violences anti-musulmans étaient alors souvent parties de foules bouddhistes en colère.
Aung san Suu Kyi essaye aussi de composer avec un puissant mouvement de moines nationalistes estimant que les musulmans représentent une menace pour la Birmanie, pays bouddhiste à plus de 90%.
Considérés comme des étrangers en Birmanie, les Rohingyas sont victimes de multiples discriminations - travail forcé, extorsion, restrictions à la liberté de mouvement, règles de mariage injustes et confiscation des terres.
AFP
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