Nos éditeurs sont-ils devenus des banquiers ?
Pourquoi on n'édite que très peu de livres en Algérie? Pourquoi on ne voit que rarement des jeunes auteurs émerger sur la scène culturelle et produire, comme sous d'autres cieux, des essais, des romans, des nouvelles, des recueils de poésie, des pièces de théâtre, etc.?
Pourquoi les puits de la culture sont-ils comme ça à sec, chez nous, et jusqu'à quand ? Où se situe le problème, pardi ? Est-il dû, par exemple, à l'absence d'une machine éditoriale digne de ce nom ? Au financement au compte-gouttes de celle-ci, si tant est qu'elle existe déjà ? Ou simplement à la baisse du niveau intellectuel de la nouvelle génération et le peu de volonté de ceux qui régissent, en amont, le domaine culturel ?
Sans doute, par-delà le discours pompeux de ceux qui se vantent d'encourager la culture alors qu'ils ne font presque rien sur le terrain, il y a tant d'embûches qui parsèment le chemin des candidats à l'édition. Celle-ci s'est, paraît-il, transformée en véritable "club fermé pour privilégiés", lequel exclut les nouveaux talents, sinon les tue dans l'œuf, en ne leur laissant, au terme de leur brève aventure, que le fardeau des illusions. Il se trouve aussi que, si certains de ces derniers parviennent parfois à se faire publier, ils sont vite déçus par des contrats qui les privent des droits d'auteur et contraints à vendre leur œuvre par eux-mêmes, quand beaucoup d'autres ne franchissent même pas le cap du contact avec des éditeurs injoignables et quelquefois indélicats.
Mais ce triste constat est-il le seul qui tienne ? "Presque dans la plupart des cas!", m'avoua tout de suite amèrement un jeune auteur que j'avais croisé récemment. J'ai éprouvé, à vrai dire, un plaisir éphémère à l'écouter me parler de ses ambitions et de ses projets littéraires n'était-ce cette sensation désagréable d'être un peu mort de dépit, à la découverte de son amère expérience avec une poignée de maisons d'édition. Bien que primé en Hexagone pour un travail poétique remarquable, cet auteur-là aurait échoué à plusieurs reprises à se faire éditer en Algérie ! La raison ne se réduit pas, semble-t-il, au critère de l'exigence littéraire et de la sélectivité mais à des considérations purement mercantilistes.
La majorité de nos maisons d'éditions sont, peste-t-il, des boîtes à sous. Elle ne lisent ni ne révisent le contenu des manuscrits qu'elles reçoivent, se contentant uniquement de regarder le côté "célébrité" de l'auteur, puis l'aspect matériel de la chose, c'est-à-dire si le prétendant à l'édition est prêt à payer cash les frais de la fabrication et de la commercialisation de son ouvrage, et s'il est, enfin, bien introduit par quelqu'un de connu ou ayant de longs bras dans le monde culturel". "Et la qualité de l'écrit?" l'interrogeai-je, fort curieux. "Leur logique est très simple : peu importe du moment que l'on nous a recommandé l'auteur et que celui-ci paie tout ce qu'on lui demande. Le mal de la rente a gagné, il faut bien le savoir, l'esprit de beaucoup d'éditeurs qui ne regardent plus un livre comme un produit culturel mais comme un produit de consommation ou de marketing par le biais duquel ils peuvent faire rapidement fortune", me répliqua-t-il, un tantinet remonté". "Mais la faute est à qui?".
"D'abord à ces éditeurs-là, sans entregent, en déphasage avec l'esprit noble de la culture et devenus de véritables rentiers voraces, puis à l'État parce qu'il n'a pas su, d'un côté, démocratiser une culture de masse, en favorisant les ateliers d'écriture, les foyers culturels, un réseau de librairies fort, etc. De l'autre, on voit bien qu'il existe un vide à combler en matière de législation concernant la propriété intellectuelle, les droits d'auteur des créateurs, la transparence des procédés d'édition, etc.".
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merci
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