Il n’y aura pas d’accords Sikes/Picot n° 2 ou la revanche de l’histoire
Rappelons que les accords Sikes/Picot de 1916 (Angleterre/France) avaient démembré la région du Moyen-Orient. Aujourd’hui ces deux puissances s’associent aux USA et Israël qui veulent accomplir le même exploit en créant à l’intérieur d’un même pays une myriade de petits ‘’Etats’’ plus facile à manipuler.
L’entreprise a débuté en Irak (2003) et se poursuit en Syrie depuis 2011. Mais ce rêve est en train de fondre sous la chaleur torride des champs de bataille et la résistance des peuples de ces pays. En 1916, l’Occident "maître" du monde se pensait en éternel occupant de la région. Il philosophait avec lui-même sur la métaphysique friande de "l’Eternité" oubliant que l’Histoire est un champ labouré par les peuples et miné par leur résistance. Mais avant d’être chassée par les peuples, l’Angleterre (1) comme à son habitude a laissé une bombe à retardement en promettant un foyer juif au mouvement sioniste.
Ainsi après la Seconde Guerre mondiale, le démembrement du Moyen-Orient, la création de l’Etat d’Israël et le pétrole vont constituer les ingrédients qui vont alimenter les volcans de cette région. En un mot les peuples de la région ne voulaient pas voir ni leur pétrole partir en fumée pour les beaux yeux de l’industrie gloutonne de l’Occident ni se faire imposer un Etat dont le rêve messianique est de s’étendre de la Méditerranée à l’Euphrate. Alors, dans les souterrains des ministères de la Défense, on élaborait des stratégies pour démembrer une nouvelle fois ces pays pendant que les "forums de l’Intelligence" cogitaient sur le comment réaliser ce hold up en douceur. On inventa alors d’exporter la "démocratie" pour justifier cette nouvelle croisade. Comme les conquistadors de tous les temps ne sont pas à une contradiction près, ils pensaient que les peuples allaient avaler leur pilule alors que "nos" conquistadors soutenaient des régimes féodaux à la fois moyenâgeux et impitoyables tout en encerclant les pays qui voulaient échapper à leur domination… Traité de Baghdad (1955) imposé aux pays de la région, coup d’Etat contre Mossadegh en Iran (1953), débarquement des G I’s au Liban (1958), attaque tripartite de l’Egypte pour "libérer" le Canal de Suez (1956) etc etc… Mais aujourd’hui les rapports de force dans la région et dans le monde ont quelque peu changé. Anticipant les futurs bouleversements dans le Moyen-Orient, région gorgée de pétrole mais aussi carrefour géostratégique contrôlant la circulation des marchandises et des flottes militaires (golfe arabo-persique, canal de suez, détroit des Dardanelles), l’Occident veut conserver coûte que coûte les puits de pétrole, les atouts stratégiques de ce carrefour et enfin assurer la "sécurité" de leurs protégés dans la région (Israël bien sûr mais aussi l’Arabie et la ribambelle des Emirats). Tous les prétextes sont bons à saisir pour aller donner une "leçon" aux récalcitrants. Envoi d’une armada d’hélicoptères pour libérer des otages américains dans leur ambassade (avril 1980). Catastrophe, de simples grains de sable du désert iranien mirent fin à cette aventure qui se transforma en cauchemar. En Irak, on piège Saddam Hussein qui envahit le Koweït et on met alors en branle la puissance nécessaire pour envahir ce pays. Les USA réussirent à se débarrasser du dictateur mais récoltèrent une défaite mémorable à la fois politique et morale. Ils ouvrirent les portes de l’Irak à l’Iran leur pire ennemi. En 2011, assistant aux bouleversements traversant les pays arabes, l’Occident sauta sur l’occasion pour intervenir, non en Egypte, au Maroc ou en Tunisie mais en Syrie et en Libye. Comme c’est bizarre comme dirait Louis Jouvet dans le film Drôle de drame (1937).
Pourquoi la Syrie ? Après l’Irak, il fallait neutraliser ce pays qui a "l’arrogance" de ne pas signer un traité de paix avec Israël mais aussi la Syrie a la mauvaise idée de s’allier avec le Hizbollah et l’Iran, cauchemar d’Israël et des USA. Pour masquer ces véritables raisons, on inventa et on arma ‘’des révolutionnaires’’, qui du jour au lendemain, d’une révolte populaire au départ légitime contre une dictature, s’emparèrent de grandes villes comme de véritables armées. On découvrit par la suite que ces "révolutionnaires" étaient armés jusqu’aux dents et croulaient sous une masse de dollars de qui ? de régimes ô combien "progressistes" du Qatar et de l’Arabie wahhabite. L’Occident quant à lui, outre l’armement et la formation militaire dispensée par ses forces spéciales, apporta dans ses besaces la caution morale de champion des droits de l’homme. Il mobilisa son armée médiatique pour nous faire le portrait des ces "révolutionnaires intrépides" et d’une ‘’morale’’ limpide comme l’eau de Zam-zam.
Sauf que l’Occident a écrit un mauvais scénario exécuté par de piètres comédiens aussi bien sur les champs de bataille que dans les arènes diplomatiques internationales. Au début de cette guerre en Syrie, l’Etat fut surpris par l’émergence soudaine de véritables armées et dut se "replier" militairement dans des zones défendables. Ce redéploiement obéissant à des considérations à la fois stratégiques et tactiques fut interprété par ses ennemis comme la fin du régime. On annonçait alors à une opinion internationale à la fois manipulée ou tout bonnement ignorant les réalités de la Syrie et le Bé à Ba de la science militaire, on annonça en gonflant le torse la déconfiture de la ‘’clique’’ alaouite. On chanta donc victoire pour avoir méprisé les rapports de force qui vont se déployer petit à petit sur le terrain militaire et politique. Militairement on assista à la débandade des mille et un groupes "révolutionnaires". Politiquement, l’opposition des "révolutionnaires" a mis en sourdine ses arrogantes exigences du départ de "Assad" sous les conseils "amicaux" de cet Occident obligé de mettre fin au tournage de son film. La guerre est loin d’être finie. Cependant on peut d’ores et déjà tirer quelques enseignements.
Sur le plan politique et idéologique, les masques sont tombés. On nous présentait cette guerre comme le produit de ‘’l’antique’’ division Sunnite/chiite qui remonte à Mathusalem. La ‘’guerre’’ contre le Qatar sunnite "flirtant" avec l’Iran, guerre menée par l’Arabie, la frontière de la division au sein de la ligue arabe ne suit pas le tracé ‘’sunnite/chiite’’, donnent des indications sur les véritables contradictions politiques de ces pays. En revanche sur le plan international, les alliances des deux camps qui se font la guerre nous éclairent sur les véritables enjeux politiques. D’un côté il y les Russes, les chinois, les Cubains et de l’autre côté on a évidemment les USA, la France, l’Angleterre, Israël etc…
Quant au champ idéologique, faire une OPA sur une religion, l’islam et s’en servir comme arme de lutte contre les ‘’mécréants’’ relève d’une bêtise abyssale car nourrie par le mensonge et le mensonge n’a jamais résisté à la vérité. Le spectacle tonitruant et lamentable des mensonges joué dans les médias entre les ‘’bons’’ et les ‘’méchants’’, entre ‘’le mal et le bien’’ est quelque peu infantilisant. Leurs auteurs aujourd’hui ont quelque peu honte. Ils se font petits devant les victoires militaires réelles du régime et ils taisent aussi bien ces victoires que les massacres des civils par les bombardements de la coalition,(zones d’habitations et hôpitaux). Ils étaient plus bavards ‘’nos’’ médias et plus courageux quand ils jouaient des trompettes de Jéricho pour dénoncer les massacres de "Assad" (2).
Il n’y aura donc pas de répétition des accords Sikes/Picot car en Histoire la répétition est le fait des bouffons pour paraphraser en forçant le trait d’une célèbre citation d’un philosophe. Plus sérieusement, en 1916 les diplomates anglais et français (Sikes et Picot) n’avaient qu’à se baisser pour ramasser les atours et autres richesses de l’empire ottoman battu durant la Première guerre mondiale. Aujourd’hui, les diplomates de ces pays ont en face d’eux des forces émergentes lesquelles reposent sur d’immenses pays et enfants d’une histoire aussi vieille que l’aube de l’humanité. Pour ne pas l’avoir compris, "nos révolutionnaires" et leurs mentors vont regretter d’avoir misé sur de mauvais chevaux…
Ali Akika cinéaste
Notes
(1) En se faisant dégager d’une colonie, les Anglais ont la sale manie de laisser un ‘’massmar (clou) de Jaha’’ dans le pays comme notre Jaha laissait un clou dans la maison qu’il vendait, excepté le clou. Les Anglais l’ont fait en Inde en créant le Pakistan, à Chypre (Grec contre Turc) et bien sûr la Palestine. On connaît le résultat hélas aujourd’hui.
(2) Il est évident que vue la nature du régime syrien, les mains des agents de son appareil de sécurité ne devaient pas trembler.
Commentaires (6) | Réagir ?
danke schoon
merci