"La salle de bal" : d’une noirceur éblouissante…
Après "Le chagrin des vivants", Anna Hope nous fait valser dans le monde étrange de "La salle de bal".
L’histoire se déroule dans un asile de fous au début du XXe siècle. L’asile de Sharston dans le Yorkshire (USA) vient d’accueillir une nouvelle pensionnaire. Elle s’appelle Ella. « Elle en avait entendu parler. Depuis toute petite. Chaque fois qu’on faisait une ânerie : l’asile. Pour les aliénés. Les pauvres. Ils vont t’envoyer à Sharston, et tu n’en sortiras jamais…". Ça n’a pas manqué. Modeste ouvrière dans une usine à tisser, Ella a commencé enfant à travailler. Dans des conditions insoutenables. "Elle aurait voulu un peu d’air, mais les fenêtres étaient fermées, masquées, badigeonnées, il n’y avait pas moyen de voir le ciel. Elle avait demandé une fois, lors de son premier jour à la filature, petite, terrorisée, à huit ans : pourquoi toutes les fenêtres sont couvertes ? » Alors, elle a fini par briser une vitre de l’usine pour pouvoir voir le ciel. Le contremaître l’a traitée de folle. Ce geste lui a valu l’asile. Des hommes en uniforme sont venus la chercher. L’enfer est aux portes de cet asile. Une fois arrivée, elle découvre un monde à part. Sois sage lui susurre une voix au fond d’elle-même. Mais ici c’est un autre monde. La sagesse ne vaut qu’à l’extérieur de ces lugubres murs qui enserrent les lieux.
Dans l’asile elle va faire la rencontre d’un médecin, le Dr Charles Fuller. Il a plusieurs passions : la musique (qu’il pratique auprès de ses patients, le bal du vendredi) et le projet de la loi sur le contrôle des faibles d’esprit. Zélé, il entend éviter la reproduction de cette espèce. En cela, il rejoint la pensée de Darwin. "Notre tâche… en vérité, à la société eugénique, est d’étudier toutes les méthodes possibles pour empêcher la décadence de la nation", a déclaré le Dr Fuller avec force convictions. Le Dr Fuller souhaite même pratiquer la stérilisation. Va-t-il mettre son projet à exécution ?
Le Dr Fuller est le 1er médecin adjoint de l’établissement et il est également chef d’orchestre. "Sa première action à son nouveau poste avait été d’instituer un programme d’activités pianistiques dans les salles communes : une heure par semaine dans chacune d’elles".
Dans cet univers de l’insupportable, Ella arrive à se faire une amie et même un… ami, John l’Irlandais. Ella et John vont nouer une relation éblouissante dans ce lieu improbable. Les épreuves, les brimades, les interdictions n'y pourront rien. Ce couple sera au centre de toutes les préoccupations du terrible Dr Fuller.
Comment diable cet homme arrive à briser les vies des pensionnaires ? Qu’est-ce qui le motive ? Comment peut-il ainsi bannir toute idée d’amitié, voire d’amour ?
La salle de bal est un roman qui trouble, jette l’émoi et transporte le lecteur dans un monde où la brutalité n’est jamais loin de l’amour.
A mesure qu’il avance dans le roman, le lecteur est à la fois interrogatif et ébahi par cet univers. L’écriture y est émouvante, claire, subtile et sincère. Le roman bouleverse les idées reçues : les patients peuvent-ils être moins fous que les médecins … ?
Kassia G.-A.
La salle de bal, d’Anna Hope, chez Gallimard. Prix : 22 euros
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merci
merci pour cette article
wanissa