Le gouvernement d'Ahmed Ouyahia déconnecté de la réalité
Les récents propos du premier ministre Ahmed Ouyahia reflètent tellement peu la réalité de l’Algérie en 2017, qu’il devient important de redresser les faits.
Le nouveau premier ministre a un sérieux problème de contact avec la réalité. Malgré tous les avis des organismes internationaux qui jugent que le gouvernement algérien ne respecte pas les droits de l’Homme et est corrompu, Ahmed Ouyahia clame actuellement que la justice sociale, la cohésion et la solidarité sont les principaux fondements de l'action de l'Exécutif.
Quand Ahmed Ouyahia dit que l'Algérie est un État de droit qui s'est doté de tous les instruments juridiques pour combattre toute atteinte à la loi, en s'appuyant sur une justice indépendante, il contredit la majorité des organismes internationaux qui jugent et classent les pays en fonction de ces critères. Une simple navigation sur l’Internet pendant quelques minutes suffit à convaincre du peu de fondements de ses dires. Si on va voir sur le site de Reporters sans frontières (RSF), on y apprend que la liberté de la presse s’est fortement érodée en Algérie au cours de la dernière année. RSF qui déclasse le gouvernement algérien de cinq points cette année dénonce aussi l’étranglement économique des journaux indépendants qui se poursuit et l’emprisonnement de quatre blogueurs en 2016 pour des moqueries qui auraient été sans conséquence dans un pays démocratique. Il n’y a qu’à voir comment la moitié du peuple américain tire à boulets rouges sur Donald Trump depuis le début de son mandat pour comprendre que le gouvernement algérien n’est pas dans la même classe que les États-Unis au niveau de la liberté de presse. RSF dénonce aussi la mort en détention du journaliste Mohamed Tamalt en décembre dernier.
En continuant de naviguer sur Internet on peut voir dans le site de la Ligue algérienne de défense des Droits Humains qu’en Algérie, les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion sont bafoués et les défenseurs des droits humains, y compris des défenseurs des droits des femmes, sont systématiquement victimes de harcèlement.
Ceux qui se demandent encore si le gouvernement algérien est une vraie démocratie peuvent toujours aller consulter le rapport de la Mission d’expertise électorale de l’UE (MEE) sur les élections de mai 2017. L’organisme a constaté de nombreuses irrégularités pendant le déroulement du scrutin législatif. Pour ne mentionner que quelques remarques, on y apprend que les listes électorales ne font toujours pas l’objet d’une consolidation au niveau national et leur accès est réservé aux gens du pouvoir. De plus, les représentants des partis politiques n’ont pas accès à toutes les étapes du processus électoral et aux structures de l’administration électorale. Sans compter que l’Agence nationale d’édition et de la publicité (Anep) a le monopole sur la publicité institutionnelle. Ces violations des fondements de la démocratie se sont fait en pleine connaissance de cause puisque le MEE avait dénoncé ces mêmes faits dans les deux élections précédentes. Si on additionne tous les reproches, il devient clair que ce processus électoral est frauduleux et que le gouvernement qui en sort n’est pas élu par le peuple, mais est plutôt porté au pouvoir par la classe dirigeante.
Alors, quand Ahmed Ouyahia dit que la réconciliation nationale est prioritaire et qu’il affirme le plus sérieusement du monde que l'État de droit prévaut en Algérie, il ne trompe personne. Ce n’est pas tant une économie de marché qui existe actuellement en Algérie qu’une structure étatisée de favoritisme politique. Ce ne sont pas les entreprises les plus productives qui croissent, mais celles qui graissent les bonnes mains. L'économie nationale n’est donc actuellement qu’un assemblage de petits potentats gouvernementaux possédés par les clans de l’oligarchie. La gestion du gouvernement algérien est au mieux de l’anarchie structurée.
Que ce soit les dysfonctionnements dans la santé, la loi sur la retraite ou tout simplement l'équilibre de la balance commerciale, cette désorganisation et ce manque de connaissance des bases les plus élémentaires de la gestion sont visibles partout dans le gouvernement. La rencontre tripartite qui s’est tenue il y a quelques jours entre le gouvernement, les représentants du patronat et des organisations professionnelles n’avaient même pas d’ordre du jour préétabli. Comme elle s’est aussi tenue à huis clos, la population ne peut savoir de ce qui s’est passé que ce que le gouvernement leur dit. Comment peut-il affirmer qu’il est au service du peuple alors qu’il agit en secret, caché des journalistes et derrière des portes closes ?
Le président Abdelaziz Bouteflika a beau dire dans son message à la nation du 20 août dernier, que les opérateurs économiques et sociaux doivent s’engager dans un pacte économique et social pour la croissance, comment pourra-t-il les mobiliser pour faire face à la situation économique actuelle si son gouvernement n’a aucune transparence ni crédibilité ?
Michel Gourd
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جزاكم الله خيرا
merci