Tentative avortée de redressement des finances algériennes
Le premier ministre qui avait mis sur pied l’opération « main propre » vient d’être chassé du pouvoir par les oligarques corrupteurs qu’il tentait de mettre au pas.
La croisade lancée contre l’argent sale par le premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, a fini par faire la démonstration que les fonds publics peuvent être dilapidés sans conséquence en Algérie. Malgré la popularité sans précédent qu’a eue ce premier ministre en entreprenant cette action d’assainissement des finances publiques, il n’a pas fait long feu. Applaudi par la génération montante et les honnêtes citoyens comme sauveur de la saine gestion en menaçant de résilier les contrats des grands entrepreneurs dont les chantiers d'infrastructure publics étaient en retard, il a été vite sali par ceux qui voyaient leur source d’enrichissement menacée. Force est de constater que, quand Abdelmadjid Tebboune a déclaré la guerre à l’argent sale et mené une opération "main propre", il se condamnait au sort qu’il connaît maintenant. Tenter d’empêcher la corruption dans le gouvernement algérien actuel, c’est comme essayer de donner des contraventions de vitesse dans une course de F1.
Côté assainissement des finances publiques, le bon exemple ne vient pas d’en haut au gouvernement algérien. Abdelaziz Bouteflika n’a pas eu mieux à dire à son premier ministre qui essayait de faire le ménage que de cesser de donner une mauvaise image de l'Algérie auprès des investisseurs étrangers. Ce n’est pourtant pas Abdelmadjid Tebboune, mais la corruption de l’oligarchie au pouvoir qui donne mauvaise image à l’Algérie. Il n’y a qu'à voir ce qui s’est passé en décembre au Forum africain de l’investissement pour comprendre qu’il n’y a plus un pays, même parmi les plus pauvres, qui ne comprend que de moins en moins de gens font confiance au gouvernement Bouteflika. Tant que les techniques de gestion du gouvernement algérien seront la fraude à ciel ouvert, la médiocrité et le laxisme, le pays ne risque pas d’améliorer sa réputation internationale. La nomination et le limogeage à répétition du ministre du Tourisme, Messaoud Benagoun, n’aident pas non plus et donne une allure de grande roue de fête foraine au gouvernement.
Le premier ministre algérien qui n’était en poste que depuis moins de trois mois a donc été limogé par le président de la République et remplacé par son très utile chef de cabinet, Ahmed Ouyahia. Ce gestionnaire qui n’hésite pas à prendre des positions racistes considérant les migrants africains comme étant une menace pour l'Algérie a une réputation d’exécuteurs des basses œuvres de ses maîtres. Il est un fusible utile et réutilisable qui permettra quand il sera limogé à son tour, comme en 2006 et en 2012, de ventiler la fureur populaire de voir son gouvernement puiser impunément dans les deniers publics. Les belles promesses de redressement des finances algériennes qui ont suivi la mise en place du gouvernement après les législatives du 4 mai et la célèbre phrase, "l’État c’est l’État et l’argent c’est l’argent", n’auront donc pas de suite. En Algérie, il semble maintenant impossible de séparer l'argent et le pouvoir. Les deux sont des vases communicants et mènent l’un à l’autre. Les mises en demeure faites en juillet aux grands profiteurs de ce gouvernement qui donne sans contrôle à ses amis resteront donc lettres mortes. Le message du passage Abdelmadjid Tebboune aux fonctionnaires est clair : si vous tentez d’assainir les finances publiques en diminuant la corruption, vous serez rapidement renvoyé.
Pendant qu’ils s’amusent avec les rouages du pouvoir, les décideurs laissent tomber les finances du pays qui plongent dans les bas-fonds.
Par manque de saine gestion, Alger se retrouve maintenant au 134e rang mondial sur 140, au classement annuel des capitales où il fait bon de vivre selon The Economist Intelligence Unit.
Comme le gouvernement est toujours à la merci du prix du baril de pétrole et ne peut faire sortir le pays de ses problèmes financiers de son propre chef, il vit d’expédients et navigue à vue, aggravant la crise que vivent les Algériens. Pendant ce temps, les dirigeants du Maroc se préparent à la déliquescence de l'État algérien et à la montée en puissance de Saïd Bouteflika qu’ils voient comme successeur son frère. Une belle manière de justifier la monarchie!
Abdelmadjid Tebboune n’était finalement pas le Batman attendu par le peuple. En y regardant avec un certain recul, il était peut-être un Donquichotte avec une histoire un peu différente. Au lieu de foncer sur des moulins à vent les prenants pour des géants, il a foncé sur des géants de la corruption, les prenants pour des moulins à vent. Cela montre une fois de plus à la face du monde que le gouvernement Bouteflika n’est bâti que sur une structure de corruption qui traverse tous ses paliers.
En Algérie, les oligarques sont l’entrave principale à la formation d’un État de droit préalable à une saine démocratie.
Michel Gourd
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merci
C est grave