Les Rifains luttent pour leur dignité d'Hommes libres, pas pour les sacs de semoule !
Pour affaiblir le soulèvement pacifique de la population rifaine, le makhzen use de toutes les ruses et de tous les moyens.
Une information parue depuis quelques jours permet d'évaluer le degré d'indécence et d'opportunisme du pouvoir islamo-makhzénien : ''L'arrivée de 5 ambulances et 20 tonnes de médicaments pour les centres médicaux de la province d'El Hoceima" (1). Ainsi donc, il a fallu plus d'un an de lutte, des dizaines de manifestations et d'arrestations pour avoir du mercurochrome et des seringues stériles à Ajdir !
Demain, le makhzen enverrait probablement, si ce n'est déjà fait, des camions de semoule et procéder à des distributions gratuites dans les cités et villages rifains.
Après avoir usé ses relais locaux car discrédités et rejetés par la population rifaine, le makhzen avait tenté de puiser dans le personnel politique national pour servir d'intermédiaire (Abderrahmane Youssoufi, l'ex. premier ministre aurait refusé de servir d’intermédiaire, Ben Khirane ?), il avait même fait appel au prestige des diplomates marocains (Jamal Benomar, conseiller spécial du SG de l’ONU, décline une offre pour négocier avec Zefzafi) (2). Aussi, il avait même fait entrer en scène la propre fille de Muhend Abdelkrim El Khattabi, une vieille dame, promettant « de répondre aux revendications des habitants du Rif dans les plus brefs délais » (3).
Devant ces échecs répétés, il est passé au bâton et aux traditionnelles manipulations des politiques de la carotte, avec en parallèle des tentatives de corruption des leaders de la contestation.
Dans son dernier discours, Mohamed VI avait chargé la classe politique marocaine ''incapable de répondre aux besoins des populations'' et relâché quelques prisonniers arrêtés aux différentes manifestations. L'objectif est évident : se positionner en arbitre, au-dessus de la mêlée, et aussi diviser le mouvement de contestation (il y aurait les bons prisonniers qui demandent pardon au roi et les autres, les têtes dures…).
Il y a quelques semaines, il expliquait alors que les manifestations du Rif étaient dues aux retards dans les réalisations d'infrastructures dans cette province d'El Hoceima !
Il semble que le makhzen et le roi en premier sont restés sur les schéma éculés ''des contestations pour le pain''. Les émeutes de Casablanca de 1981, qui avaient fait alors près de 1000 morts, n'étaient-elles pas dénommées ainsi ?
La révolte actuelle dans le Rif est d'abord une manifestation contre la marginalisation de cette région depuis l'indépendance du Maroc en 1956. C'est une manifestation pour la reconnaissance de l'identité de cette région comme une région du Maroc et d'abord pour la dignité de ses habitants. Le retard dans le développement économique est une conséquence de cette politique de ''taghennant'' et non l'inverse. Les Rifains ne manifestent pas pour avoir des sacs de semoule.
Cette situation est malheureusement comparable au fameux ''Plan de Constantine'' lancé par le général de Gaulle en Algérie en 1958 au plus fort de la guerre d'Algérie (que la colonisation appelait alors ''les événements d'Algérie'', ou la ''guerre civile''). Pendant que les Algériens luttaient dans le sang pour l'indépendance nationale, l’État français proposait de construire des immeubles, des routes, des crèches… pour atteindre le niveau de vie de la métropole. On voulait ''changer la condition des plus déshérités''… sans mettre fin à la condition de colonisé. Nous savons ce qu'il en est advenu par la suite.
En 2017, la situation nationale et internationale a changé. Si en 1958-1959 l'armée royale marocaine avait massacré les Rifains dans le silence (entre 5000 et 10 000 morts), aujourd'hui, avec les médias, internet et les réseaux sociaux, ce forfait ne pourrait être accompli.
Ce mouvement rifain d'aujourd'hui est pacifique, populaire, et les quelques tentatives du makhzen de le stigmatiser et probablement de le manipuler pour en faire un mouvement islamiste (afin bien évidemment de retourner l'opinion nationale et internationale contre lui) n'a pas fait long feu. Des marocains de toutes les régions du Maroc et de l'émigration dans le monde (Afrique du Nord, Europe, USA, ...) soutiennent le mouvement du Rif.
C'est un fait dont le makhzen doit tenir compte pour la suite.
Le temps des ruses, des sultans parasites et des travestissements de l'histoire est révolu. Le Maroc est aujourd'hui, par sa légitimité historique multimillénaire, un pays souverain et non une succursale des dynasties orientales. Les portraits d'Abdelkrim et les drapeaux amazighs et rifains brandis dans toutes les manifestations est un message fort de revendication identitaire.
Ce mouvement du Rif, qui recueille l'adhésion des autres régions du Maroc, doit être l'occasion pour un sursaut national pour l'avènement d'un Maroc nouveau, dans une Afrique du Nord solidaire fondée sur la réalité historique et culturelle, et non sur les chimères du califat wahhabiste.
Il n'est pas trop tard pour aller dans la bonne direction.
Aumer U Lamara, écrivain.
Notes :
(1) Hirak du Rif : 5 ambulances et 20 tonnes de médicaments pour la province d'Al-Hoceima (+Vidéo)
(2) Jamal Benomar, conseiller spécial du SG de l’ONU, décline une offre pour négocier avec Zefzafi
(3) Appel de la fille d'Abdelkrim (yabiladi.com) :
"Je porte à leur connaissance que le roi Mohammed VI est disposé à résoudre tous les problèmes. Je suis en contact permanent avec des proches du roi qui m’ont informée qu’il a demandé aux responsables de répondre aux revendications des habitants du Rif dans les plus brefs délais", a ajouté Aïcha El Khattabi.
(4) Plan de Constantine, lancé par le général de Gaulle le 3/09/1958.
''Le 3 septembre 1958, en pleine guerre d'Algérie, le Général de Gaulle annonça, depuis la Préfecture de Constantine, le lancement d'un plan de développement économique et social de l'Algérie… Les finalités du "Plan de Constantine" étaient claires. Ce Plan visait, en quelques périodes quinquennales à porter le niveau économique, social et culturel de l'Algérie à un niveau européen. Dans le contexte de guerre civile de l'année 1958, il prenait aussi figure d'une riposte politique au FLN… Il visait à transformer la condition des hommes et spécialement celle des plus déshérités...''
Abdelkrim à Casablanca le 28 août 1926 sur la bateau l'Abda, en partance pour son exil sur l’île de la Réunion, après la défaite de la République du Rif.
Commentaires (10) | Réagir ?
merci pour le sujet
merci bcp pour cet article