Livre – grave précédent : une censure brejnévienne instaurée en Algérie
Hier, au Salon du livre de Paris, les éditeurs algériens et étrangers étaient consternés : à l’heure du e-book, l’Algérie de Bouteflika s’enfonce dans le moyen-âge et fait la chasse à la création littéraire ! Depuis janvier, en effet, c’est le pouvoir qui décide quel manuscrit est « digne » d’être édité en Algérie. Tout cela au mépris des lois (ordonnance 16-96 du 02 juillet 1996) : désormais, le numéro de dépôt légal, qui est un simple numéro d’enregistrement, devient un visa pour éditer. Il ne sera délivré qu’aux « manuscrits agréés » par le comité de censure.
La Bibliothèque nationale, institution vénérable dans tous les pays, est transformée, en Algérie, en organe policier chargé de la relecture et de traquer les manuscrits hérétiques.
Un auteur, Mohamed Rezzig, vient d’essuyer un refus de la part des services de la Bibliothèque nationale : son manuscrit, L’autre face de la presse algérienne, n’obtiendra pas d’attestation de dépôt légal et ne pourra donc pas être édité ! Ainsi en a décidé le comité de censure de la Bibliothèque nationale !
Ces procédures brejnéviennes font suite à l’affaire du livre de Mohamed Benchicou, « Journal d’un homme libre », qui avait fait l’objet d’une l’interdiction rocambolesque de la part de Mme Khalida Toumi, et qui avait entraîné le limogeage du directeur de la Bibliothèque nationale, Amine Zaoui.
Mme Ghouni Hayat, responsable du service du dépôt légal à la Bibliothèque nationale, avait annoncé la couleur le 20 février dernier lors d’une Journée d’étude sur le dépôt légal : « Le dépôt légal est une procédure obligatoire pour toute personne morale ou physique détenant une production intellectuelle ou artistique destinée au grand public. Les éditeurs, les imprimeurs, les producteurs, les importateurs et les écrivains doivent s’y conformer pour tout type de documents imprimés, sonores, ou médiatiques (livres, revues, thèses universitaires, publications, brochures, scénarios cinématographiques et télévisuels outre les pièces de théâtre, les cartes géographiques, les timbres, les cartes postales, les partitions musicales,etc.). Tout document dont la nature ou la fonction ne correspondent pas aux objectifs tracés est refusé. » (1)
Qu’est-ce-que les « objectifs tracés » ? Et qui les trace ? Mme Ghouni ne le dit pas.
La Bibliothèque nationale algérienne, est ainsi passée du rôle de banque centrale d’informations nationales au service des étudiants et des chercheurs à celui d’appareil de contrôle au service du régime !
Désormais, les éditeurs de livres, les producteurs et les écrivains, doivent déposer 04 exemplaires à la BN, les imprimeurs 02 exemplaires, les distributeurs des documents imprimés et audiovisuels (01 exemplaire) et de même pour les producteurs de logiciels et de cassettes.
Avec un incomparable sens de l’humour, Mme Ghouni Hayat rappelle que la loi punit toute infraction volontaire aux dispositions de la loi !
Comment vont réagir les éditeurs de livres, les producteurs et les écrivains algériens ?
La balle est dans leur camp.
L.M.
(1) Lire l’Expression du 21 février 2009
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Commentaires (22) | Réagir ?
c'est malheureux d'entendre des choses pareilles en algerie de 2009. je sais bien que le journaliste mohamed rezzig ne mache es mots a l'encontre du pouvoir, d'ailleurs c'est lui l'auteur du livre les arouch et le pouvoir corompu
EN INTERDISANT LE LIVRE DU JOURNALISTE MOHAMED REZZIG. LE POUVOIR ALGERIEN A PROUVE ENCORE UNE FOIS QUE LA LIBERTE D EXPRESSION EN ALGERIE N EST QU UN SLOGAN LOIN DE TOUTE CONCRETISATION. POURQUOI ONT ILS PEUR DU LIVRE L AUTRE FACE DE LA PRESSE ALGERIENNE.