Un dialogue social ouvert pour bâtir un consensus autour des grands défis de l’heure
Le Premier-ministre, Abdelmadjid Tebboune , avait annoncé en marge de la visite qu’il a effectuée sur le chantier de la Grande mosquée d’Alger un "Dialogue social ouvert" qui réunira le gouvernement avec les organisations de la société civile et la participation des formations politiques siégeant au sein de l’Assemblée nationale et du Sénat. Le dimanche 30 juillet 2017, il réunira les partenaires économiques et sociaux le dimanche 30 juillet 2017 où sans être exhaustif nous avons l’UGTA, la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA) la Confédération générale du patronat (CGP-BTPH), la Confédération des industriels et producteurs algériens (CIPA), la Confédération nationale du patronat algérien (CNPA, la Confédération algérienne du patronat (CAP) , le Conseil supérieur du patronat algérien (CSPA), l'Association des femmes chefs d'entreprises (Savoir et vouloir entreprendre-SEVE), le Club des entrepreneurs et des industriels de la Mitidja (CEIMI). Quant au Forum des chefs d’entreprises (FCE), il est considéré comme un Think tank (laboratoire d’idées) et non comme une organisation syndicale. Je considère que le dialogue productif avec la réelle composante de la société et non de segments de la rente, est l’outil par excellence de la bonne gouvernance. Espérons que le dialogue économique et social annoncé par le gouvernement apportera des solutions concrètes loin des discours démagogiques. Car, pour l’Algérie avec les tensions budgétaires 2017/2020, l’euphorie de la rente est terminée. L’on devra éviter les solutions de facilité afin que l’Algérie ne se retrouve dans le même scénario vénézuélien, pays en faillite bien plus riche que l’Algérie, ce qu’aucun patriote ne souhaite. Dans ce cadre, je formule dix recommandations :
1.- Je renouvelle ma proposition au gouvernement, faite le 04 novembre 2014 (que de pertes de temps, du fait de l'illusion de la rente éternelle de certains responsables), lors de la conférence sur l'Industrie devant l’ex-Premier ministre et les membres de son gouvernement, de créer un comité de suivi des décisions de tout dialogue économique et social, confié au Conseil économique et social (CNES) rénové dont la composante n’a pas été renouvelée depuis plus de 20 ans.
2.- Ce lieu de dialogue au sein du CNES, servant comme le stipule la nouvelle constitution, "de Conseil" pour la présidence et le gouvernement, devra être souple, débureaucratisé, composé des représentants de départements ministériels, des meilleurs experts algériens de différentes sensibilités, du patronat et de syndicats représentatifs, il sera chargé de faire le constat et des propositions concrètes.
3.- Ce Comité doit être conçu comme une institution de contrôle des décisions prises, appartenant au gouvernement de venir avec un plan stratégique cohérent pour convaincre les partenaires économiques sociaux, quitte à introduire des corrections émises par les partenaires, grâce à un véritable dialogue social élargi aux forces vives de la société.
4.- Avoir une vision stratégique : au moment où d’importantes mutations géostratégiques couplées aux nouvelles mutations mondiales qui s’annoncent au niveau de notre région, devant éviter à tout prix un pilotage vue, posant la problématique des relations dialectiques, rente/Etat/marché, afin de réaliser tant la transition tant énergétique (Mix) que la transition économique liant efficacité économique et une profonde justice sociale qui n’est pas l’antinomie de l’efficacité permettant de mieux mobilier la population par un sacrifice partagé, renvoyant à la nécessaire moralité de ceux qui dirent la Cité.
5.- Le langage de la vérité doit guider tout responsable, étant un signe de la bonne gouvernance au vu de la situation financière difficile que traverse le pays, mais devant éviter la sinistrose et le dénigrement gratuit, mais également toute autosatisfaction déconnectée des réalités par des discours démagogiques. Personne n’a le monopole du nationalisme et de la vérité, tous les Algériennes et Algériens espérant un avenir prospère pour l’Algérie. Le plus grand ignorant est celui qui croit tout savoir, devant être animé par la critique positive et favoriser les débats productifs tenant compte de nos différentes sensibilités, en un mot être respectueux des idées d’autrui grâce à la tolérance.
6.- Il serait souhaitable de convier d’autres organisations syndicales autonomes avec lesquelles notamment les ministres du Travail, de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Santé sont déjà en contacts permanents. La composante est la même depuis plus de deux décennies alors que l’environnement économique et social algérien a profondément changé, ce qui explique que les anciennes Tripartites ont eu peu d’effets face aux tensions sociales. D’autres forces sociales et économiques sont apparues depuis, devant en tenir compte, faute de quoi cela s’apparenterait à un monologue du pouvoir avec lui-même, sans impact pour la résolution concrète des problèmes économiques et sociaux.
7.- L’on devra éviter que sous le faux alibi de dialogue économique et social avec toujours la même composante depuis plus de 25 ans soit un lieu de redistribution de la rente, parts de marché et avantages divers supportés par le Trésor public de ceux présents via la dépense publique, en fonction d’intérêts étroits.
8.- S’offre deux solutions pour le gouvernement à court terme : soit le déficit budgétaire avec l’inévitable dévaluation du dinar dont la valeur est corrélée à 70% aux réserves de change via la rente des hydrocarbures; soit réduire les dépenses de fonctionnement (débureaucratisation) et mieux gérer les dépenses d’équipements en ciblant les segments à valeur ajoutée réelle, devant assouplir la règle des 49/51%,aux filières non stratégiques qui contrairement aux faux discours nationalistes où l’Algérie supporte tous le surcoûts, est à l’origine de rente de situation , n’ayant pas permis depuis son instauration en 2009, la baisse de la valeur des importations qui ont doublé .
9.- Le gouvernement doit se démarquer d’une vision culturelle largement dépassée des années 1970, tant sur le plan politique, économique qu’en matière diplomatique. Nous sommes en 2017 avec des mutations géostratégiques considérables entre 2017/2020/2030 qui préfigurent de profonds bouleversements géostratégiques. On ne relance pas l’activité économique par décret ou des lois d’investissement sans objectifs, vision de la mentalité bureaucratique, devant tenir compte de la transformation du monde : combien de commissions et de codes d’investissement depuis l’indépendance. C’est l’entreprise publique et privée libérée de toutes les contraintes d’environnement (la liberté d’entreprendre avec un rôle stratégique à l’Etat régulateur fort, mais fort de sa moralité), et son fondement, le savoir, au sein d’une économie de plus en plus mondialisée à travers des stratégies de segments de filières internationalisées que l’Algérie peut créer une économie productive à forte valeur ajoutée.
10.- Eviter de toucher à l’autonomie de la Banque d’Algérie, pilier de la gestion monétaire, dépendante selon la Loi, non du gouvernement mais de la présidence de la République, la poussant à l’émission monétaire incontrôlée (planche à billets). Cela ne peut que conduire à des tensions inflationnistes incontrôlées et donc des tensions sociales (nivellement par le bas des couches moyennes) sans résoudre les problèmes économiques qui suppose de profondes réformes structurelles. L’Algérie se retrouverait au même scénario vénézuélien, pays en faillite bien plus riche que l’Algérie (300 milliards de barils en pétrole certes lourd contre 10 pour l’Algérie). Entre début décembre 2016 et fin février 2017, le Venezuela, également ravagé par l'insécurité, a connu l'équivalent d'un taux annuel d’inflation de 932 %, d'après l'agence financière Bloomberg
En résumé, depuis des années et récemment où j’étais invité lors des consultations pour la révision constitutionnelle par la présidence de la république, j’ai toujours mis l’accent sur la nécessité de l’instauration d’un dialogue permanent avec les partenaires économiques et sociaux, lié à l’introduction de la bonne gouvernance et de l’état de droit. Evitons d’avoir une vision sinistrose vis-à-vis l’avenir de l’Algérie, car nous ne sommes pas dans la même situation que celle des années 1986. Actuellement l’Algérie repose sur un matelas financier très important qui est à l’ordre de 100 milliards de dollars et n’ayant qu’une dette extérieure de moins de 4 milliards de dollars. Mais pour dépasser l’entropie actuelle, il est temps de mettre les moyens nécessaire et une stratégie fiable pour pouvoir transformer cette richesse virtuelle en richesse réelle. Restreindre uniquement les importations sans vision stratégique d’une relance hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales (cout/qualité) revient à différer les tensions terme sans résoudre les problèmes du développement de l’Algérie, tout en accroissant les rentes de situation et la corruption, en plus du risque inflationniste, nous conduisant au même scénario qu’en 1994. Je rappelle que les importations de biens, de services et de transferts légaux de capitaux se sont chiffrés à quelque 60 milliards de dollars en 2016, avec des recettes en devises n’ayant pas dépassé les 30 milliards de dollars, bien qu’un important effort a été fait car durant l’année 2013, les sorties de devises ont été supérieures à 75 milliards de dollars. En effet, durant la période à venir 2017/2020, il y aura de vives tensions budgétaires difficiles, un cours de pétrole qui fluctuera entre 45/60 dollars, moins en cas de crise mondiale, devant mobiliser les Algériens en leur tenant un langage de vérité. Car, l’Algérie recèle d’importante potentialités qui doivent être appuyées et accompagner par des décisions courageuses.
Parmi ces mesures, il s’agira de lutter contre les transferts illicites de capitaux, la corruption, la mauvaise gestion, d’investir dans la ressource humaine de qualité, dans les institutions démocratiques et cibler le système des subventions qui représente un tiers du budget, et dont je considère qu’il est "injuste", dans la mesure, où «celui qui perçoit 50 millions de centimes en bénéficie au même titre que celui qui touche 2 millions de centimes. En bref, il faut privilégier les intérêts supérieurs du pays et souhaiter, malgré la situation difficile, la réussite du nouveau gouvernement car tout échec, et le retour au FMI, c’est tout le pays qui en pâtirait avec d’importantes incidences économiques, sociales et géostratégiques.
Pr Abderrahmane Mebtoul, expert international
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جزاكم الله خيرا
danke schoon