Des vraies murailles

Les violences meurtrières de Ghardaia illustrent l'incapacité des autorités à endiguer les crises socioéconomiques qui traversent le pays
Les violences meurtrières de Ghardaia illustrent l'incapacité des autorités à endiguer les crises socioéconomiques qui traversent le pays

Je viens de lire ces lignes de Ahmed Benbitour, ex-chef du gouvernement : "En conclusion, chaque Algérienne et chaque Algérien qui ont à cœur de sauvegarder l’Algérie, où qu’ils se trouvent, doivent se convaincre et intérioriser fortement l’imminence des dangers sur le futur proche de la nation algérienne. Ils doivent tous se mobiliser avec les modes et les instruments les plus adaptés à leur condition et moyens pour construire l’Algérie que notre jeunesse mérite." (L’Algérie : que sera demain ?, 16.07.17, http://www.elwatan.com//actualite/l-algerie-que-sera-demain-16-07-2017-349148_109.php)

Ces lignes m’ont porté à la recherche et à la lecture attentive d’informations fiables sur les divers changements politico-sociaux survenus ces dernières années dans plusieurs pays, suite à des révoltes, clandestinement créées et téléguidées par les agents de puissances étrangères, pour créer un régime au service de leurs intérêts économiques et militairement stratégiques (voir l’intéressant : La littérature sur les coups d’État).

Ensuite, je me suis posé la question : en Algérie, comment éviter cette menace ? A ce sujet, une anecdote m’est revenue à l’esprit.

Un jour, un visiteur étranger, visitant Sparte, demanda avec inquiétude au roi :

- Mais votre ville n'a pas de murailles ?

- Pourquoi faire ?

- Pour la défendre en cas d'attaque ennemie !

Le souverain indiqua des paysans qui travaillaient la terre, et des ouvriers occupés à leur besogne, puis déclara :

- Voici nos murailles.

Ce monarque n'était ni « démocrate », ni « progressiste », ni « révolutionnaire », ni « expert » d’une universitaire internationale prestigieuse. Par contre, il démontrait son intelligence. La longue histoire de sa fameuse ville l'a prouvé.

*

J’en viens à l’époque contemporaine. Examinons un premier type de conflit : une armée étrangère agresse ouvertement un peuple, considéré facile à soumettre.

La France coloniale disposait d’une armée imposante : matériel nombreux et sophistiqué, personnel dirigeant sorti de la plus prestigieuse école militaire. Pourtant, des paysans pauvres, constituant une armée populaire, dirigée par un ex-instituteur, Nguyen Giap, les battit à plate-couture à Dien Bien Phu, en 1954. De même, un peuple de paysans, eux, aussi, dirigés par de simples citoyens, a chassé l’armée coloniale française de son pays, l’Algérie. Encore plus.

L’armée la plus puissante du monde, conduite par les chefs de l’école militaire la plus prestigieuse de la planète, à leur tour chapeautés par les hommes politiques réputés « les plus intelligents et les plus brillants », l’armada des États-Unis, a été battue par le même peuple vietnamien, ayant à sa tête militaire le même Nguyen Giap.

En Chine, aussi, un peuple de paysans, dirigé par un Mao Tsé Toung, homme, lui, aussi, d’origine paysanne et non universitaire, a vaincu une armée autochtone réactionnaire nettement mieux armée, conduite par Tchang Kai Chek, un militaire issue d’une académie de guerre, et soutenue par l’armée des États-Unis.

Comment expliquer ces victoires, totalement inattendues par les « experts » européens et états-uniens ?… Laissons la parole aux protagonistes.

Mao Tsé-Toung : "La guerre révolutionnaire, qu'elle soit une guerre révolutionnaire de classe ou une guerre révolutionnaire nationale, outre les conditions et le caractère propres à la guerre en général, a ses conditions et son caractère particuliers, et c'est pourquoi elle est soumise non seulement aux lois de la guerre en général. mais également à des lois spécifiques." (Problèmes stratégiques de la guerre révolutionnaire, in Écrits militaires, Éditions en langues étrangères, Pékin, 1968, p. 84). Vo Nguyen Giap, à propos de la lutte contre les forces U.S. technologiquement supérieures : "Quand les forces américaines étaient engagées, c'était un mythe que nous ne pouvions pas combattre et vaincre parce qu'ils étaient tellement puissants. ... [Nous avons survécu] à cause de notre courage et détermination, ensemble à sagesse, tactiques et intelligence. (…)

Nous avons lutté avec toutes nos forces et avec chaque genre d'arme. Nous avons lutté avec artillerie anti-aérienne et avec de petits fusils, même si [ce fut] quelquefois seulement avec la force de notre force locale. Une jeune fille de 18 ans m'a dit une fois qu'elle suivait chaque jour les parcours et étudiait les schémas des vols américains, et quand ils auraient attaqué. On lui a dit qu'elle était une philosophe pour avoir compris cela, parce que seulement les philosophes parlent de principes. Par la suite, elle a utilisé une petite arme à feu pour abattre un avion du versant d'une montagne. Ceci est un exemple de la force militaire des personnes ordinaires... Nous avons eu du talent et la détermination de combattre jusqu'à la fin. J'ai apprécié le fait qu'ils ont des systèmes d'armes sophistiquées mais je dois dire que ce fut le peuple qui a fait la différence, non les armes." (in site CNN, visité le 16 avril 2008).

"Demande : Qu'y avait-il de nouveau dans l'idée de "guerre du peuple" ? Giap : C'était une guerre pour le peuple par le peuple. POUR le peuple, parce que les objectifs de la guerre sont les objectifs du peuple - objectifs comme l'indépendance, un pays unifié, et le bonheur de son peuple... Et DU peuple - qui signifie les personnes ordinaires - non seulement l'armée, mais tout le peuple.

Nous savons que c'est le facteur humain, et non les ressources matérielles, qui décide de l'aboutissement de la guerre. Voilà pourquoi notre guerre du peuple, guidé par Ho Chi Minh, a été à une aussi grande échelle. Elle a engagé la population entière. » (Interview avec Vo Nguyen Giap, du site People Century, visité le 16 avril 2008. Les majuscules sont dans le texte de l'interview).

Quelle conclusion tirer de ces observations ?

Qu’une armée d’agression, la plus puissante du monde, ne parvient pas à vaincre un peuple, quand ce dernier lutte pour ses propres objectifs, sous la direction de personnes sachant l’organiser, pour atteindre ces mêmes buts.

En voici la contre-preuve : les défaites rsécentes en Irak puis en Libye.

Dans ces pays, bien que disposant chacun d’une armée puissante, elle était coupée du peuple ; Leurs intérêts et buts réciproques n’étaient pas complémentaires. Dès lors, il a suffi qu’une armée d’agression étrangère soit matériellement plus forte, dirigée par des chefs avisés, et l’armée attaquée fut vaincue et détruite en moins d’un mois, ses chefs « suprêmes » tués, et le pays envahi.

Dès lors, en Algérie, comme dans n’importe quel pays, quand on parle de se préparer à une éventuelle agression d’une armée étrangère, quelle est la méthode que les expériences historiques indiquent comme valable ? Au vu de ce qui vient d’être écrit, la réponse est dans la question.

*

A présent, considérons le deuxième cas d’agression. C’est la technique, actuellement utilisée dans le monde : agression « soft » par l’intermédiaire de manipulation étrangère d’une partie de la population locale, en employant des « young leaders » (jeunes dirigeants) à la solde, suivant une tactique plus ou moins « non violente », visant à l’établissement de la « démocratie » (voir l’article auparavant cité).

Comment conjurer ce type nouveau d’agression ?

Mon raisonnement est celui d’un simple citoyen, s’efforçant de réfléchir de manière logique et concrète. J’en reviens à l’anecdote du roi de Sparte : la meilleure défense d’un régime est son peuple, ses citoyens.

Mais, dans ce second cas, l’agression devient plus difficile à reconnaître, car elle se présente masquée, sous forme de mouvement « populaire » et « spontané », en faveur de la « démocratie », contre un régime qui, en effet, a le grave défaut de n’être pas réellement démocratique. Toutefois, il a le mérite de ne pas être inféodé au pays étranger qui télécommande et finance les « révoltés ».

Que faire alors ?

Faut-il, par haine et opposition au régime non démocratique, se résigner à la victoire de la « révolte populaire », en sachant qu’elle ne fait que servir des intérêts d’une puissance qui vise à mettre les nouveaux dirigeants locaux au service de ses intérêts économico-financiers dans une « globalisation » capitaliste ? Dans ce cas, pour le peuple, la situation deviendra pire que la précédente : voir l’exemple des pays où cette "révolution" eut lieu.

Écartons un malentendu.

Mes propos ne visent pas à dire que chaque fois qu’une autorité gouvernementale accuse un mouvement citoyen d’être téléguidé par une main "étrangère", il faut la croire ; ni que chaque fois que des citoyens ou leurs leaders affirment qu’un mouvement est réellement spontané et autonome, il faut les croire.

Dans chaque cas, il faut s’informer correctement afin d’avoir une vision réelle de la situation. Pour ma part, voici ma méthode :

1) veiller à chercher et à trouver des informations réelles, pour les distinguer de la désinformation. Elle est l’un des moyens, précisément, des "révolutions de couleur" ;

2) savoir ne pas confondre l’opposition, pacifique et légitime, de citoyens à leur régime non démocratique, avec leur éventuelle manipulation par les "démocrates", en réalité agents de la puissance étrangère qui les financent et les encadrent ;

3) m’assurer que l’action de contestation du régime soit réellement une initiative populaire autonome, libre de tout conditionnement direct ou indirect, de la part d’agents au service d’une puissance étrangère, mais camouflés en « amis » et « dirigeants » du peuple.

Bien entendu, ces précautions ne sont pas faciles à satisfaire. Cependant, certaines actions sont à la portée de chacun de nous, quelque soit sa formation, pourvu qu’il consente d’y consacrer le temps nécessaire.

Il sert à chercher les informations authentiques. Elles sont difficiles à trouver dans l’océan de désinformation produite par les puissants et tentaculaires moyens de propagande, dite information, véhiculées par journaux, télévisions, téléphones portables, sites internet d’ « information », et réseaux sociaux.

C’est alors qu’il faut recourir à toute l’intelligence dont on dispose, à toute la patience indispensable et à toute l’obstination nécessaire pour parvenir à trouver les informations utiles. Elles se trouvent en accès libre sur internet, tel le site de l’article mentionné au début de cette contribution.

A ce propos, il n’est nullement question d’avoir une formation universitaire ; il suffit de savoir lire et raisonner selon la simple logique disant que 1 + 1 = 2. L’expérience le prouve : c’est en cherchant qu’on apprend à bien chercher puis à trouver, à travers l’immense détritus de fausses vérités, - en réalité mensonges trompeurs et manipulateurs -, le fait réellement vrai.

Enfin, voici l’ultime précaution que, personnellement, je prends : devant le fait dont je reste convaincu de sa véracité, je me pose la question : à qui, réllement, il profite ? Au peuple laborieux ou aux membres d’une caste dominante, qu’elle soit interne ou étrangère ?

Seulement ainsi, il me semble pouvoir penser et agir en toute connaissance de cause et d’effet. Tout en demeurant à tout moment disponible à changer d’avis si des recherches ultérieures me démontrent que j’ai été manipulé à mon insu.

Kaddour Naïmi

Courriel : [email protected]

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Commentaires (10) | Réagir ?

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algerie

جزاكم الله خيرا

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DSP beddiare

Merci et bonne journée

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