Mémoire algérienne. de la résilience (II)
Venons à ce problème. Car il est inutile de se limiter à des constatations sans envisager de possibles solutions.
Celle qui apparaît en premier est ce qu’on appelle la résilience. Pour s’affranchir de tous les problèmes d’occultation et de déformation de la mémoire historique, il est impossible de faire l’économie de l’opération de résilience. Pour qui l’ignore, elle consiste : 1) à accepter d’admettre et de connaître le passé dans ses parties significatives, celles qui conditionnement le présent, notamment de manière négative, traumatisante ; 2) à l’analyser de manière à en déterminer les causes non pas supposées ou mythifiées mais réelles, même et surtout si elles nous déplaisent ou contredisent nos préjugés ; 3) à trouver les moyens de s’en affranchir par la découverte de solutions non pas fausses, opportunistes ou superficielles, mais correctes, même et surtout si elles nous déplaisent ou contredisent nos préjugés. Seul doit commander le souci de vérité et de servir les intérêts du peuple laborieux, dont on fait partie.
- Lire la première partie : Mémoire algérienne : défaite ou résistance ultime ? (I)
Ce processus de résilience concerne aussi bien l’histoire d’un individu que celle d’un peuple. A propos de ce dernier, l’exemple le plus récent fut l’opération " Justice et vérité", pratiquée en Afrique du Sud après la fin de l’apartheid.
En Algérie, cette opération de résilience n’a jamais été réalisée, ni pour ce qui est du passé ni pour le présent. Tout est fait pour l’éviter, jusqu’à en ignorer même l’existence et le mot lui-même.
Ainsi, concernant l’antiquité, nous en sommes à nous glorifier de Massinissa sans admettre ses actes de soumission au dominateur romain et ses limites dans la gestion de la région dont il était le roi ; à nous glorifier de notre écriture tifinagh sans admettre qu’elle fut incapable de résister à l’action du dominateur pour l’éliminer presque entièrement ; à nous glorifier d’Apulée et d'Augustin (que certain appellent "Saint"), sans admettre qu’ils écrivaient non pas dans leur langue maternelle mais dans celle du dominateur romain, et sans admettre les actes horribles de répression de la part d’Augustin contre les Donatiens, coupables uniquement d’avoir une foi contraire à celle d’Augustin (ce qui se commet, aujourd’hui de la part des Sunnites contre les Chiites, ou, en Algérie, à l’encontre des Ahmadites) ; à nous (les "arabophones") glorifier de la conquête de l’Algérie par les Arabo-musulmans du Moyen-Orient, usant de leur terme d’"infitah" (ouverture), sans admettre pleinement (à part les Amazighes) qu’elle fut une conquête comme les autres, à savoir réalisée par l’épée et le sang versé des résistants indigènes ; à nous glorifier d'Ibn Khaldoun au lieu de nous désoler qu’il soit l’unique référence intellectuelle algérienne pour l’époque ; à nous glorifier les uns d’être "arabophones" et les autres "amazignes", sans nous efforcer à élucider la question scientifique de savoir dans quelle mesure la majorité des Algériens arabophones sont de réels descendants des conquérants moyens-orientaux ou plutôt des amazighes arabisés ; à nous glorifier de notre lutte de libération nationale sans en admettre les atrocités injustes qui furent commises envers le peuple lui-même (par exemple égorgements de villageois parce que messalistes ou soupçonnés l’être, etc.) ; à nous glorifier d’avoir vaincu les auteurs de la "décennie sanglante" sans avoir cherché à connaître les causes réelles de cette tragédie, non pas uniquement dans les carences des dirigeants de l’État, mais également dans celles du peuple lui-même et de son élite intellectuelle ; à nous (pour certains) se glorifier d’être des "progressistes" (entendons des marxistes) sans avoir rien lu de leurs critiques de gauche, les libertaires (avec le temps, ils prouvèrent être du coté de la raison, de la réalité et du peuple laborieux) ; à chanter durant le cinquantième anniversaire de l’indépendance "mazal wagfine" (encore debout), sans reconnaître qu’en réalité nous sommes à genoux devant les faussaires et les usurpateurs, sans reconnaître notre incapacité à construire nous-mêmes une autoroute, et pas même le chapelet servant à la prière religieuse.
Bref, nous sommes incapables d’admettre et de reconnaitre nos carences, diverses et graves, non pas uniquement celles des dominateurs mais également des dominés que nous sommes. Incapables d’admettre que nos carences, à nous, sont les plus décisives. Et voici pourquoi.
Si un coup de poing frappe brutalement une tomate, celle-ci s’écrase en mille morceaux ; si le même coup de poing frappe un caillou, c’est la main qui se fait mal. Considérons le coup de poing comme étant l’action des dominateurs. S’il frappe un peuple-tomate, il triomphe ; si, par contre, s’il frappe un peuple-caillou, ce sont les dominateurs qui en pâtiront. Philosophiquement parlant, cela signifie : la contradiction interne est prioritaire à celle esterne.
Dès lors, cessons de nous focaliser uniquement sur les carences des dominateurs, en les insultant, et concentrons-nous sur nos propres défaillances, en ayant le courage de les reconnaître, de les admettre puis de chercher les solutions pour que de tomate devenir caillou, nous, les intellectuels, et, avec nous, le peuple laborieux dont nous faisons partie.
Autrement, nous méritons ce qui nous arrive. Et vouloir le cacher ou l’ignorer devient notre ultime humiliation, mais de celle-ci, nous sommes les uniques responsables. Gare au défaut d’une fierté mal placée, illégitime, pour cacher nos carences. Un exemple pour s’en convaincre : la plupart des intellectuels algériens sont fiers de leurs ex-moudjahidines et moudjahidates. Mais qu’ont-ils fait pour penser et réaliser un dictionnaire à leur propos du genre le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, appelé communément Le Maitron ? (voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Dictionnaire_biographique_du_mouvement_ouvrier_fran%C3%A7ais et http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/). Où seront présentés les figures de l’histoire nationale algérienne, d’abord et surtout celle des vaincus, rien que des vaincus, depuis l’antiquité jusqu’à aujourd’hui, car les vainqueurs ont leurs scribes et mandarins serviles rémunérés pour fournir leur version commode de l’histoire et de ses agents.
Nous, intellectuels, nous critiquons les détenteurs du pouvoir. Mais, nous, en ce qui nous concerne, ne devons-nous pas également et tout d’abord examiner nos carences ? Dans le cas examiné, en matière de relation de l’histoire de notre peuple laborieux, et non pas des rois, des princes, des chefs de tribus, des chefs de partis, de gouvernement, etc. ?
A ma connaissance, nous n’avons pas même été capables de recueillir les témoignages de nos ex-moudjahidates et moudjahidines de manière systématique, du point de vue de sa composante populaire laborieuse. Nous nous limitons généralement à quémander l’État pour le faire, comme les religieux superficiels attendent tout de Dieu sans se donner la peine d’agir d’abord par eux-mêmes.
Et, dans dictionnaire évoqué, Le Maitron, ce sont des Français qui se chargent du cas Algérie : voir http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?mot216.
N’est-ce pas honteux pour nous, intellectuels algériens ? Ah, oui ! Je connais la réplique : les intellectuels attendent que les détenteurs de l’État, à travers le ministère des anciens moudjahidines s’occupent de ce travail : "Ils sont payés pour ça, dit-on, c’est leur mission, non ?".
Là encore, l’intellectuel attend d’une Autorité une action qu’elle ne peut réaliser, sinon de manière légitimant sa domination, comme le dénonçait Djamila Bouhired à propos d’un film sur son combat pour l’indépendance. Peut-on attendre de personnes qui vont jusqu’à cacher des cadavres d’anciens moudjahidines (Amirouche, par exemple) pour écrire la vraie histoire ?
En juillet 2012, j’eus l’occasion de voir à la télévision nationale une espèce d’opéra sur la guerre de libération nationale, avec présence dans la salle des officiels algériens. Je ne savais pas s'il fallait pleurer d’humiliation ou crier de colère. Mais je comprenais qu’une telle présentation, si par hasard elle était vue par les anciens combattants, aurait été vue comme totalement injurieuse, par la manière dont leur combat était présenté.
Généralement, l’intellectuel accuse le peuple d’attendre tout de "Dieu", sans appliquer la recommandation "Aide-toi, le ciel t’aidera !". Et que fait le même intellectuel ?… Il attend tout de l’État, sans se convaincre de la nécessité « Agis d’abord par toi-même sans attendre que l’État le fasse à ta place !"… Et l’intellectuel qui s’écrira : "Mais c’est à l’État de le faire, puisqu’il représente le peuple !" Eh bien, cet intellectuel ignore ce qu’est la nature et la fonction de tout État dans une société humaine. Il n’est là que pour justifier et consolider sa domination et ses privilèges, et toute action envers le peuple sera consentie uniquement si la pression de ce peuple est assez forte pour l’obliger à satisfaire sa demande. Il en est des dirigeants de l’État algérien comme de tous les autres, quelque soit leur caractéristique idéologique proclamée. Partout et toujours, seule la pression citoyenne populaire permet les concessions accordées par les détenteurs de l’État.
Dès lors, ce n’est que lorsque les intellectuels, même en minorité (c’est toujours le cas), commenceront à entreprendre le – certes ! - très pénible mais absolument indispensable travail de résilience sur notre histoire, et cela depuis l’antiquité, seulement alors le peuple algérien verra s’ouvrir l’espoir d’un changement positif réel.
L’histoire ne montre-t-elle pas que les changements sociaux importants furent toujours et partout initiés par une minorité de personnes sachant employer correctement leur esprit et disposant du courage nécessaire pour présenter et répandre les idées correctes dans le peuple ? Et quelle est la correction dans les idées sinon celle qui favorise la liberté couplée à la solidarité parmi et entre les peuples de cette planète ?
Kaddour Naïmi,
Courriel : [email protected]
Commentaires (41) | Réagir ?
à Khalid Merad ;
merci infiniment pour ces précieuses informations. Et merci de les répandre au plus de compatriotes possibles, notamment amazighes. Cela améliorera les rapports entre eux et ce qu’on appelle, faute de mieux, les arabophones.
Fraternellement,
K. N.
Les algériens sont à 90% de descendance amazigh, sauf que c’est des amazigh de plaines et de steppes à locuteur arabophone contrairement aux amazigh qui se sont retranchés dans les montagnes de la kabylie, de la chaouiya, de chenoua, à ghazaouet et dans la vallée du m’zab et la région des targui.
Contrairement à ce qu’ils veulent faire accroire aux tiers (surtout étrangers) les ressortissants compatriotes de Kabylie, ne constituent en aucun cas une « minorité éthnique ou culturelle nationale » dont les droits, en comparaison des autres citoyens, sont bafoués.
Rien que pour la capitale Alger :
45 à 50% des habitants de la capitale algérienne sont d’origine par des aieux de 3ème strate au maximum, des grande et petite Kabylie ; laquelle région est en tête au niveau national du taux de fécondité/natalité.
50 à 60% des employés tous grades confondus, de l’Administration publique à Alger en sont des ressortissants
__Administration centrale et services extérieurs de tous les ministères
__Services de l’Administration des Wilaya, wilayas déléguées et dairas, Communes et délégations de secteurs urbains
__ CHU, EHU, autres E. H, EPSP, etc
__ Etablissements de l’Education Nationale, de l’Enseignement et formation professionnels, de l’Enseignement supérieur
__Etc.
50 à 60% des employés tous grades confondus des sièges sociaux des entreprises publiques résidentes à Alger en sont des ressortissants.
37% de ceux qui s’adonnent à titre privé à des activités de commerce, de métiers, d’industrie, de BTPH et de services y sont des ressortissants.
Les salons de café, les boulangeries, la restauration formelle et tout ce qui est bouffe autrement, les débits de boissons, les hôtels, les agences de voyage, sont à 80% constitués de patrons et d’employés y ressortissant.
L’ANP, tous corps et grades confondus et la DGSN tous grades confondus, sont 25 à 30% des gens y ressortissant.
Ailleurs dans le pays, par exemple Oran, ces ressortissants des grande et petite kabylie constitue déjà près de 15 à 20% de la population ; un quartier-village appelé ELHASSI est y est constitué à 70%.
Tout comme Alger et peut-être d’autres villes algériennes, les boulangeries, les salons de café, la restauration formelle et tout ce qui est bouffe autrement, les débits de boissons, les hôtels sont de leur apanage.
Cet esprit grégaire alimenté par le ciment d’un dialecte en usage par une minorité de compatriotes, encourage le communautarisme du recroquevillement sur soi et la stratégie/tactique de rapporter à soi tout ce qui peut être bénéfique à la communauté.
Cette « minorité dialectale » est en fait très choyée par rapport par exemple à la population de la sous-région-ouest profonde : Wilayas de Mascara, Mostaganem, Relizane, Saida, Tiaret, Sidi-belabbès, Tissemsilt, Chlef.
Il faut faire un distinguo quant à ce qui est appelé la région-ouest.
En plus de la sous-région ouest profonde, il y’à la sous-région –ouest frontalière constituée des wilayas de Tlemcen, Ain-Temouchent, Elbayadh, Naâma, Bechar, Adrar, Tindouf. Et cette sous-région est beaucoup plus proche et a beaucoup plus d’accointances éthniques, culturelles et d’us et coutumes avec la région frontalière marocaine qu’avec la sous-région ouest profonde.
Beaucoup d’analystes superficiels lance à tout bout de champ que le pouvoir actuel sous l’égide de Bouteflika constitue la pééminence de la région ouest ; c’est totalement faux.
Seule la wilaya de Tlemcen a pu promouvoir un nombre important de ses ressortissants dans les hautes sphères du pouvoir actuel ; la sous-région ouest profonde y est presque absente.
Donc, la véritable minorité nationale et non pas virtuelle, c’est bien la région ouest profonde; laquelle est totalement dépourvue en matière d’entrées au pouvoir en place, et donc de pouvoir peser en matière d’allocation budgétaire et de développement territorial.
L’infrastructure existante et les terres agricoles mises en valeur depuis la colonisation commence à dépérir faute de renouvellement sérieux dans la post indépendance.
La région Est, Chaouia compris est présente en force dans l’ANP tous corps et grades confondus et dans les entités publiques civiles ou para-civiles de décision à membres désignés ou à mandat électif national.
Elle est omniprésente par le nombre important des officiers généraux et supérieurs dans l’ANP tous corps d’armée, y compris la gendarmerie ; ainsi que ceux dans les postes à mandat national désignés ou élus.
waoww !! rejouissons nous la verité commence a sortir des entrailles des sbris. du clan d oujda
ils avouent eux mêmes nooire sur blanc ici même que"Les algériens sont à 90% de descendance amazigh" il y a un hic Allez donc savoir pourquoi la constitution algerienne dispose dans son prembule que cette même Algerie est "TERRE ARABE" pourquoi donc ce mensonge ?