Rif : pourquoi les policiers se retirent de centre d'El Hoceima ?
Les forces de l'ordre ont entamé un retrait "progressif" de lieux publics symboliques à Taghzut et Imrouren, un geste qui se veut d'apaisement après huit mois de contestation populaire contre le pouvoir et de répression parfois sauvage suivie d'arrestations massives dans cette région du nord du Maroc.
Après avoir mis toute la région du Rif sous état de siège les impressionnants renforts policiers ont commencé de se retirer du centre de Taghzut (El Hoceima). Les policiers déployés depuis des semaines dans le centre des villes d'Al-Hoceïma et d'Imzouren, épicentres du mouvement revendiquant le développement de la région du Rif, ont entamé un retrait progressif lundi, a annoncé le nouveau gouverneur de la province, Fouad Chourak.
Selon un habitant, la place centrale d'Al-Hoceïma a retrouvé son visage des jours ordinaires, sans les cordons de policiers déployés en masse ces dernières semaines dans cette ville d'environ 60.000 habitants. "Ce sont des signaux profonds, j'espère qu'ils seront reçus par chacun", a plaidé M. Chourak. Il promet "d'autres signaux dans le même sillage" les conditionnant à la "sagesse" des Rifains.
Le nombre de policiers et de gendarmes déployés dans la province pour contenir les manifestations du "hirak" - la mouvance, nom donné localement à la contestation- n'a jamais été rendu public. Mais leur omniprésence dans les lieux publics était dénoncée par les militants comme une nouvelle preuve d'une "militarisation" de la région par le "makhzen" (pouvoir), avec une ville d'Al-Hoceïma "en état de siège".
Il y a quelques jours les activistes du mouvement populaire ont porté la constestation dans les lieux de villégiature que sont les plages. Les clichés d'une intervention dimanche de dizaines de gendarmes en tenue anti-émeutes jusque sur les plages de Taghzut pour dissuader des baigneurs de scander des slogans en faveur du "hirak" a fait le tour des réseaux sociaux.
Le retrait policier de Taghzut intervient au début de la saison estivale, qui voit chaque année des Rifains de la diaspora en Europe revenir en vacances. L'impact de ces retours suscite des craintes, alors que des associations de la diaspora affichent un fort soutien au "hirak", et que Nasser Zefzafi avait appelé, avant son arrestation, à une grande marche le 20 juillet. Outre le risque de voir les touristes marocains et étrangers découvrir la réalité de la répression dans cette région, le Makhzen ne veut pas voir l'image d'un Maroc touristique et accueillant écornée par la répression dans le Rif. En effet, il est difficile de faire la promotion d'une destination dont le seul écho dans la presse est celui d'une répression policières d'un mouvement pacifique ! D'où donc cette idée de retrait qui ne sous-entend pas reconnaissance des revendications clamées depuis huit mois.
Rapport controversé
Les principaux meneurs de la contestation dans le Rif, dont son leader Nasser Zefzafi, ont été arrêtés fin mai, accusés pour certains de lourdes charges. Mais les manifestations quasi-quotidiennes ont continué depuis, avec des heurts fréquents avec les forces de l'ordre, et de violents affrontements le 26 juin.
Outre un développement de leur région enclavée, les manifestants réclament désormais en priorité la "libération des détenus". Des organisations de défense des droits de l'Homme, mais également des voix au sein de la société civile et de la classe politique ont critiqué l'approche "sécuritaire" adoptée par les autorités.
Une centaine de personnes a été placée en détention préventive. Les militants du Rif parlent de 200 manifestants arrêtés ces dernières semaines. Des condamnations allant jusqu'à 18 mois de prison ont été prononcées contre 40 détenus et 18 autres sont poursuivis en liberté provisoire, selon les derniers chiffres officiels.
La presse marocaine a par ailleurs diffusé de premiers extraits d'un rapport -très attendu- du Conseil national des droits de l'homme (CNDH), un organisme officiel, sur les évènements d'Al-Hoceïma. Ces notes, établies par deux médecins experts et que l'AFP a pu consulter, rapportent des "mauvais traitements" décrits par les prisonniers et concluent à des "suspicions légitimes sur la violation" de leurs droits et un possible recours à "des faits de torture".
Le CNDH a exprimé son "étonnement" sur ces fuites, assurant que ses enquêtes sur Al-Hoceïma n'ont "pas encore abouti". La police (DGSN) a exprimé "son rejet catégorique des accusations graves (...), publiées sur la base d'un document partiel et non officiel". La presse marocaine évoquait mardi un "couac", voire un "clash" entre les deux institutions. Mais personne n'est dupe au Maroc, ces rapports ne seront pas suivis de mesures concrètes, ils iront prendre la poussière dans quelque bureau de l'administration royale
La rédaction avec AFP
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malll samra