Biens mal acquis : tensions autour du procès de Teodorin Obiang
Le premier procès des "biens mal acquis" par des chefs d'Etat africains et leurs proches, celui du fils aîné du président de Guinée équatoriale Teodorin Obiang, a été troublé lundi par la mise en cause d'un avocat des parties civiles par l'ex-mercenaire Simon Man.
Une galaxie sépare la famille du potentat Obiang et son peuple équato-guinéen. Car si les Équato-Guinéens vivent pour la moitié d’entre eux sous le seuil de pauvreté, Teodorin Obiang profite de ses 4 000 m2avenue Foch à Paris, de ses voitures hors de prix (Porsche, Ferrari, Bentley, Bugatti), et dépense des mallettes entières de billets chez les couturiers de l’avenue Montaigne. Ce sont pour ces biens mal aquis, entre autres, que le fils du potentat est en procès.
Teodorin Obiang, vice-président de Guinée équatoriale, est jugé pour blanchiment d'abus de biens sociaux, détournement de fonds publics, abus de confiance et corruption. Il encourt jusqu'à 10 ans de prison et au moins 50 millions d'euros d'amende, soit la moitié de ses biens saisis en France.
Cette quatrième audience était consacrée à l'audition des témoins, dont six pour les parties civiles: un collectif de 19 associations et mouvements d'opposition au régime de Malabo (la capitale de la Guinée équatoriale), la Cored, et l'ONG Transparency international France.
Fidèle à sa stratégie visant à présenter ce procès comme une tentative de déstabiliser le régime Obiang, la défense n'a cité que Simon Mann, ex-officier britannique de nationalité sud-africaine, âgé de 65 ans, qui se présente comme un "retraité".
Il a été condamné en 2008 à Malabo à 32 ans de prison pour une tentative de coup d'Etat avorté contre Teodoro Obiang, père de l'accusé. Ses commanditaires présumés étaient alors un opposant équato-guinéen en exil, Severo Moto, et un homme d'affaires d'origine libanaise, Ely Calil. Il a été gracié en 2009 et s'est mis depuis lors au service du président équato-guinéen.
Lundi, il a dit l'avoir averti en 2011 que Severo Moto et Ely Calil préparaient une nouvelle tentative de coup avec le milliardaire George Soros et William Bourdon, qui présidait alors l'organisation de défense des droits de l'homme Sherpa et est aujourd'hui un des avocats de Transparency international.
Simon Mann a précisé que les options envisagées pouvaient aussi bien être légales que militaires, qu'il s'agissait de choses qu'il avait "apprises" dans le cadre de ses activités mais qu'il n'en avait pas la preuve.
Il a en revanche ajouté que Teodoro Obiang lui avait alors montré un mail de 2007, émanant du bureau d'Ely Calil et adressé à William Bourdon, contenant "des détails concernant le comportement de Teodorin Obiang". Mail dont l'un des avocats de l'accusé, Emmanuel Marsigny, a remis une copie, au tribunal.
Mises en examen dans le volet Sassou-Neguesso
"J'aurais aimé demander au président de Sherpa en 2007 si oui ou non il connaissait Ely Calil", a dit Emmanuel Marsigny. William Bourdon a dénoncé un "procédé infâme" et "immonde", menacé de saisir le conseil de l'ordre des avocats et annoncé que "toute voie de droit serait utilisée" contre ce qu'il a aussi qualifié de "paroxysme de la salissure".
Deux autres incidents ont émaillé cette audience. Un ami de Simon Mann, militaire à la retraite, a été exclu du tribunal après avoir été surpris en train de photographier un témoin avec son téléphone portable, ce qui est interdit.
Le même a encore été exclu, cette fois définitivement, pour avoir bruyamment ricané après un affrontement verbal entre William Bourdon et Emmanuel Marsigny.
Simon Mann a expliqué à Reuters qu'il était venu témoigner à la demande de "connaissances à Malabo". Il a assuré à la cour que le régime équato-guinéen lui remboursait "juste les frais".
Au-delà du cas équato-guinéen, l'enquête sur les "biens mal acquis" vise notamment les familles d'Ali Bongo (Gabon) et Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville), qui possèdent respectivement à Paris 39 et 24 propriétés immobilières de luxe, et environ 200 comptes bancaires au total, selon la police.
Selon une source judiciaire, la fille et le gendre de Denis Sassou-Nguesso, Julienne Sassou-Nguesso et Guy Johnson, ont été mis en examen le 20 juin pour blanchiment de fonds publics. C'est la troisième mise en examen dans ce volet, après celle du neveu du président congolais, Wilfrid Nguesso.
"Ces mises en examen illustrent une accélération du dossier", a dit à Reuters William Bourdon. "Il y aura un procès." Il n'y a en revanche toujours pas de mise en examen dans le volet gabonais, beaucoup plus compliqué, dans lequel deux ensembles immobiliers ont cependant été récemment saisis à Nice, dit-on de source judiciaire.
Avec Reuters
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