"Kechrouda", un lyrisme qui nous met en garde
L’avant-première de la pièce Kechrouda, écrite et mise en scène par Ahmed Rezzag, a eu lieu, dimanche et lundi derniers, au théâtre régional de Mostaganem, dans une salle archicomble et en présence d’une palette de comédiens algériens
C’est l’ère post-Torchaka. Le défi fut de taille pour Ahmed Rezzag dont la mission était de faire encore mieux que le précédent spectacle, lequel rappelons-le, a décroché le grand prix du festival natioanl du théâtre professionnel en 2016.
Et c’est avec une pièce avant-gardiste, intitulée "Kechrouda", à l’instar d’"Afrique l’an 1" d’Ould Abderrahmane Kaki, que le metteur en scène et sa troupe de Souk Ahras est monté sur les planches du théâtre de Mostaganem pour donner la générale de cette nouvelle production.
Une prédication. Un voyage dans un futur alarmant, celui d’une Algérie sans richesses naturelles, où le paupérisme a gagné tout le pays. Qu’avons-nous fait pour en arriver là ? qu’allons-nous faire ? Telles sont les interrogations auxquelles la pièce s’essaye de répondre à travers une simple histoire digne d’une pièce théâtrale populaire au sens noble du terme, dont la parabole nous invite à penser par nous-mêmes pour nous réapproprier nos vies désincarnées de laboureur de l’Algérie.
Afin de mener son projet à bien, Ahmed Rezzag met toute son efficacité théâtrale au service d’un spectacle effrayant et sublime avec un casting on ne peut plus séduisant, mené par le très prometteur comédien que le nom est à retenir, Hicham Guergah en l’occurrence, déjà brillant dans "Mossoussourama". D’autres comédiens pas peu talentueux sont dans la distribution, citant entre autres, Loubna Noui, Mohamed Lahouas, Zohir Atrous, Sabrina Karichi, Mohamed Bahloul et Ali Achi.
Sous un éclairage d’intérieur, le décor, un cadre mouvant représentant une chambre avec un balcon au-dessus, nous invite à découvrir le malheur d’une famille rongée par la pauvreté extrême, le tout dressé dans une série de tableaux artistiques d’une chorégraphie ingénieuse.
Sans mâcher ses mots, l’auteur du texte dénonce une paralysie générale chez le peuple (bras cassés, abstention, illettrisme) et une mal gérance totale du gouvernement (Ansej, pétrole, gaz, chômage et impôts). Nous tenons avec Ahmed Rezzag, un dramaturge capital. Un homme de théâtre qui par un humour noir dénonce la politique d’un pays fonçant droit dans le mur.
"Kechrouda" est un spectacle troublant dont la vision hypnotise jusqu’à la fin. Le chaos ne passe pas la rampe de la scène. Mais nos âmes sont remuées et ne sortent pas indemnes de pareille expérience.
Après Mostaganem, "Kechrouda" continuera son rodage au TNA, le 13, 14 juillet, avant d’entamer une tournée de 30 dates dans tout le pays.
Salim Skander
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merci
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