Économie de guerre ou guerre économique : les apories de Tebboune
Le nouveau gouvernement que dirige Abdelmadjid Tebboune est vu par certains observateurs comme celui par qui sera rendue possible l'"économie de guerre", dont les droits d'auteurs reviennent à l'un des Premiers ministres de la "décennie noire", à savoir Belaïd Abdesselam.
Curieusement, les termes de l'équation ont peu évolué depuis un quart de siècle, hormis sans doute la nouvelle donne démographique du pays (41 millions d'habitants), laquelle fait décliner des défis majeurs - ceux de l'aménagement du territoire, de la gestion des ressources hydriques, de la sécurité alimentaire,…etc.- qui étaient moins visibles au début des années 1990.
Les informations et les commentaires inhérent à cet événement - la formation du nouveau gouvernement - convergent, en effet, pour signifier le franchissement d'une nouvelle étape, celle d'un "cabinet de technocrates" qui plancherait sur les dossiers économiques les plus brûlants. Cependant, entre les urgences et les priorités, les gestionnaires de l'économie nationale semblent s'emmêler les pinceaux.
Le nouveau Premier ministre insiste sur la nécessité de poursuivre la politique de l'offre de logement - un domaine qu'il a eu à gérer pendant plusieurs années -, tout en insistant sur la restriction des importations, en évitant d'acheter de l'étranger ce qu'il appelle les produits de "luxe". Mais, au fil des explications, il en est venu à proposer d'arrêter l'importation de plusieurs autres produits de première nécessité, "censés" être fabriqués en Algérie.
Mais, par quel miracle peut-on passer, du jour au lendemain, d'une situation d'indolence rentière à un système de production efficient à même de prendre en charge tous les besoins des populations ?
À la projection que l'ancien Premier ministre, Abdelmalek Sellal, avait faite en 2016 et consistant à réduire les importations annuelles de l'Algérie à 30 milliards de dollars (elles se sont chiffrées à près de 60 milliards en 2014, et à 45 milliards en 2016), des analystes algériens n'ont pas hésité à répondre par un légitime sentiment de surprise au vu de l'état obsolète dans lequel se trouvent l'appareil de production national et le monde de l'entreprise en général.
Pour revenir à l'époque de Belaïd Abdesselam, ce dernier présenta un petit calcul sur le plateau de la télévision nationale, où il expliquait que le poulet produit en Algérie n'avait rien d'"algérien"! De son alimentation jusqu'à son vaccin, en passant par les structures de batteries, tout était importé. Aujourd'hui, le tableau n'est pas plus reluisant. Pour preuve, la campagne lancée par le gouvernement sous le label "consommons le produit national" (made in bladi), accompagnée de la mobilisation de crédits à la consommation, n'a pas fixé de taux minimal d'intégration des matériaux et pièces constituant le produit national pour le rendre éligible au crédit à la consommation. On sait que ce taux est, dans la plupart des cas, réduit à la portion congrue, oscillant entre 10 et 20%.
Du gouvernement Tebboune est-il attendu une économie de guerre - basée sur un surcroît de restrictions budgétaires et de taxations -, ou bien une guerre économique, tendant à promouvoir une politique d'investissements diversifiés afin de sortir le pays de sa dépendance pétrolière ? Hésitant à opter pour la première proposition - du fait qu'elle est porteuse de dangers sur la stabilité du pays et la cohésion sociale -, le gouvernement ne dispose pas, jusqu'ici, de la vision, de l'imagination et de l'audace nécessaires pour opter pour la seconde alternative. Le cabinet Tebboune ne dispose manifestement pas de beaucoup de marge de manœuvre, alors que le temps presse et le prix du baril reste suspendu aux désidératas des marchés mondiaux sur lesquels l'Algérie et les pays de l'OPEP ont peu d'ascendant.
Amar Naït Messaoud
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جزاكم الله خيرا
Merci pour cet article