Quel impact aura l’accord de Vienne de mai 2017 sur le cours du pétrole ?

 98 % des recettes en devises de l'Algérie proviennent directement et indirectement, des hydrocarbures
98 % des recettes en devises de l'Algérie proviennent directement et indirectement, des hydrocarbures

Le cours du pétrole est coté, le 27 mai 2017 dans la demi-journée, à 49,87 dollars le WIT et à 52,26 dollars le brent avec un cours du dollar de 1,118 dollar pour un euro. Mais à un cours de 1,06 dollar un euro, nous aurons un cours du Brent d’environ 50 dollars le baril, le cours du gaz naturel (représentant 33% des recettes de Sonatrach) étant coté à 3,24 dollars le MBTU.

1.- Rappel de l’Accord de Vienne de décembre 2016

Suite aux travaux du comité de haut niveau, qui a permis d’aplanir les tensions notamment entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, la dernière réunion à Vienne de décembre 2016 a permis aux pays membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole et certains pays non-OPEP dont le plus important est la Russie de parvenir à un accord de réduction et ce pour la première fois depuis 2008 de l’offre de pétrole de 1,8 million de barils/jour. Selon l’Accord de Vienne de décembre 2016, les limites de production prévues par l’accord touchent 11 des 14 pays membres de l’OPEP. L'essentiel de l'accord du 30 novembre 2016 est porté par les plus gros producteurs du cartel : Arabie Saoudite, Irak, Émirats arabes unis, Koweït, tandis qu'Iran, Nigeria et Libye en ont été exemptés. Seule l’Iran a bénéficié de la référence la plus favorable avec un volume de 3,97 Mb/j retenu (contre un niveau de 3,69 Mb/j, bien que l’Iran souhaite que sa production remonte à 4,2 Mb/j. L’Arabie saoudite premier exportateur mondial de pétrole, a accepté de ramener sa production à 10,06 millions de barils par jour (bpj) et donc de réduire sa production de 500 000 barils. Les pays non-OPEP présents ont convenu d’une réduction de 558.000 barils/j qui s’ajoute à la réduction de 1,2 million de bpj des pays OPEP. Pour les non OPEP, la Russie sera le plus important de ces contributeurs avec une réduction de 300 000 bpj. La répartition des quotas de l’Opep a été la suivante :

- L’Algérie, dispose d’un quota de 1,089 million de barils jour, avec une réduction de 50.000 barils/jour son quota passe à 1,039 million barils/j,

- L’Angola passant de 1,751 million barils/jour à 1,679 barils/j,

- L’Arabie Saoudite passant de 10, 544 million barils/j à 10,058 barils/j,

- Les Emiraties Arabes Unies passant de 3,013 barils/j à 2,874 barils/jour,

- L’Equateur passant de 548.000 barils/jour à 522.000 barils/j,

- Le Gabon de 202.000 barils jour à 193.000 barils/jour,

- L’Iran de 3,975 millions barils/jour à 3,797 millions barils/j,

- L’Irak de 4,561 millions barils/j à 4,351 millions barils/j,

- Le Koweït de 2,838 millions barils/j à 2, 707 millions barils/j,

- Le Qatar (pays essentiellement gazier 3ème réserve mondiale de gaz traditionnel après la Russie et l’Iran), 648.000 barils/j à 618.000 barils/j,

- Le Venezuela, paradoxe le premier réservoir de pétrole mondial avant l’Arabie Saoudite mais un pétrole lourd actuellement en semi-faillite, de 2,067 millions de barils/j à 1,972 millions de barils jour.

Les dix autres pays hors OPEP concernés par l’accord conclu dans la capitale autrichienne pour une baisse en plus de la Russie de 558.000 barils/j sont par ordre de production :

- Le Mexique (2,1 Mb/j

- Le Kazakhstan (1,7 Mb/j) ;

- Oman (1 Mb/j) ;

- L’Azerbaïdjan (0,8 Mb/j) ;

- La Malaisie (0,7 Mb/j) ;

- La Guinée équatoriale (0,2 Mb/j),

- Le Soudan (0,1 Mb/j) ; -le Soudan du Sud (0,1 Mb/j) ;

- Le Brunei (0,1 Mb/j).

Dans les faits, l’essentiel de cette baisse est assuré par les deux plus grands producteurs de ce groupe hétérogène : la Russie (- 0,3 Mb/j) et le Mexique (- 0,1 Mb/j).

2.- L’accord de Vienne de mai 2017

L’Organisation des Pays exportateurs de pétrole (Opep) et les pays non-membres du cartel ont décidé à Vienne de maintenir le niveau de production du brut fixé dans leur précédent accord qui restera ainsi en vigueur jusqu’à mars 2018. Cette décision a été prise lors de la 172ème réunion ministérielle ordinaire de l’organisation qui a été, entre autres, consacrée à l’examen des mesures qui s’imposent à la lumière de l’évolution du marché pétrolier international, principalement la question de la reconduction de l’accord relatif à la limitation de la production qui devait expirer fin juin prochain. La prolongation de neuf mois de cet accord vise à stabiliser les marchés du pétrole. Les pays membres et non-membres de l’Opep, ayant respecté totalement leurs engagements, cherchent ainsi à poursuivre leurs efforts pour rééquilibrer le marché, longtemps en proie à une chute vertigineuse des prix due principalement à une offre abondante et à la spéculation. Mais ce choix n’a pas convaincu le marché et illustre la perte d’influence de l’organisation sur le marché pétrolier et les effets pervers de la rente sur les économies de ces pays. Toutefois, les efforts consentis, sous la forme de perte de parts de marché, ont permis de hisser les cours (du WTI) dans la fourchette des 50-55 dollars contre 40-50 dollars entre avril et novembre 2016. Il semble bien que l’OPEP ait sous-estimé la capacité des producteurs américains indépendants à s’adapter, ces derniers ayant amélioré l’efficience technique par la réduction de 40/50% leurs coûts de production, les puits marginaux devenant rentables en moyenne à partir de 45 dollars le baril pour les gisements marginaux et entre 30/40 dollars pour les grands et moyens gisements. Le risque est donc avec cette reconduction, afin de soutenir le prix du baril, c’est augmenter la production des autres producteurs, Etats-Unis en tête, permettant un équilibre offre/demande autour de 50/55 dollars le baril.

Cependant selon une étude internationale, il faut relativiser. Les pays de l’Opep ne perdent pas de l’argent, le coût de production moyen d’un baril de brut tournant autour de 20 dollars, mais fonctionnant au-dessus de leurs moyens pour acheter une paix sociale fictive.

Selon le FMI, pour 2015, la Russie avait besoin d'un baril à 110 dollars pour équilibrer son budget, le Venezuela de 120, l'Iran de 140, l’Arabie Saoudite pour 2016/2017 environ 83 dollars le baril et l’Algérie 110/120 dollars en 2015 et 88 dollars pour 2016.

Ainsi le revenu moyen par habitant tiré du pétrole est passé de 2014 à fin 2016 de 3.000 à 1.000 dollars et l’Arabie Saoudite, est passé dans la même période de 12.000 dollars par habitant à 4.000 dollars. Selon l’OPEP la différence entre 102 dollars et 45 dollars depuis juin 2014 a occasionné une perte de 1.000 milliards de dollars en termes de revenus et 1.000 milliards de dollars en termes de pertes d’investissement. A un cours de 55 dollars la réduction occasionne une perte de 3780 millions de barils/an et environ 219 milliards de dollars pour les pays de l’OPEP. D’où la réduction des dépenses publiques, avec certaines tensions sociales posant l’urgence de profondes réformes structurelles afin de "se désintoxiquer de la drogue de la rente" pour éviter de se retrouver dans la situation que connaît le Venezuela. Ainsi, l’Arabie Saoudite compte sur la mise en Bourse, au cours des 18 prochains moins, de l’Aramco, la société pétrolière publique saoudienne mais dont la valorisation de cette introduction, qui sera la plus importante de toute l’histoire boursière, dépendant étroitement du prix du pétrole

3.- Quelles leçons tirer ?

Le grand problème sera de revoir la politique des subventions des énergies fossiles qui pénalisent la transition énergétique. Chaque année dans le monde, 5. 300 milliards de dollars (10 millions de dollars par minute) sont dépensés par les Etats pour soutenir les énergies fossiles, selon les estimations du Fonds monétaire international (FMI) rapport pour la COP21. Or, il semble bien que la majorité des dirigeants du monde ont pris conscience de l’urgence d’aller vers une transition énergétique. Car si les Chinois, les Indiens, le continent Afrique, avaient le même modèle de consommation énergétique que les USA, il faudrait cinq fois la planète terre. En cas d’une mutation du modèle de consommation énergétique au niveau mondial, (l’avenir à l’horizon 2030 étant hydrogène), cela influencera à terme le niveau des prix des énergies fossiles vers le bas. L’OPEP bien que représentant les plus grandes réserves mondiales, n’a plus le même impact sur le marché que dans les années 70. Avant de décider d’une réduction de la production de 1,2 millions barils/ jour, celle-ci représentait seulement 33% de la production mondiale commercialisée mondiale, les 67% restants se faisant hors OPEP. Un redressement des cours du baril à 60 dollars et en fonction de la croissance de l’économie mondiale, risque de se traduire par un accroissement de l’offre qui serait due à la hausse de la production des pays non OPEP notamment des USA. L’OPEP ne risque –elle pas de perdre des parts de marché ? L’Arabe Saoudite représente plus de 33% de la part de la production de l’OPEP. Les pays du Golfe représentent à eux seuls 60% de cette production.

Pour les pays hors OPEP, le producteur traditionnel le plus important reste la Russie. Avant l’accord du 10 décembre 2016, la production de pétrole russe avait atteint plus de 11 millions de barils / jour, au mois de décembre 2016 contre environ 10 millions de barils jour, en janvier-février 2016. Celui-ci n’a donc pas été pénalisé par l’accord du 10 décembre 2016. Mais bon nombre d’experts s'interrogent sur la tentation pour les producteurs de "maquiller" des déclins naturels, liés à l'épuisement de certains gisements et déjà intégrés aux prévisions, afin de les faire passer pour des réductions volontaires. Chef de file du cartel, l'Arabie Saoudite avait longtemps soutenu une politique de prix bas, espérant évincer les concurrents de l'OPEP, notamment les producteurs de pétrole de schiste américains. En effet, selon l’agence Bloomberg en date de février 2017, les producteurs de pétrole non conventionnel ont réalisé d’énormes efforts pour réduire leurs seuils de rentabilité, gagnant de l’argent avec un baril autour de 50 dollars, alors qu’il fallait au moins 70 à 80 dollars, il y a encore deux ans et à 30 dollars dans certains comtés du Texas où les investissements devraient ainsi augmenter de 30 % dans le secteur en 2017.

Ainsi, la production de pétrole de schiste aux États-Unis, qui s’élève actuellement à 4,5 millions de barils (soit près de la moitié de production américaine) pourrait grimper de 500.000 barils. Comme conséquence, selon l’agence Reuters, les producteurs de pétrole sont refinancés auprès des banques et 34 compagnies ont vu leurs lignes de crédit revalorisées d’un montant de crédit de 30,3 milliards de dollars.

4.- Le cas Algérie

Le rapport offre/demande à court terme, la structuration de la croissance de l’économie mondiale et la nouvelle configuration énergétique mondiale qui se dessinent 2017/2030, seront à l’avenir les déterminants tant du cours du pétrole que celui du gaz naturel entre 2020/2030. Pour L’Algérie dont 98 % des recettes en devises proviennent directement et indirectement, des hydrocarbures et de leurs dérivées d’hydrocarbures, et en raison du fait qu’il n’y pas une stratégie claire de production et d’exportation hors hydrocarbures, elle se doit d’être attentive à l’évolution des cours du pétrole mais également du gaz représentant 33% des recettes de Sonatrach. La seule solution pour respecter les engagements internationaux pour l’Algérie, est de penser un nouveau modèle de consommation énergétique (efficacité énergétique, énergies renouvelables), supposant de revoir la politique des subventions ciblées(la consommation de gaz horizon 2030 risquant de dépasser en 2030,les exportations actuelles) , d’agir sur les coûts pour être concurrentiel (possible de les réduire entre 15/20%), le tout renvoyant à une vision stratégique du nouveau modèle de politique socio-économique et un nouveau management de Sonatrach. Nous assistons à de nouvelles technologies permettant l’efficacité énergétique dans la majorité des pays occidentaux, avec une prévision de réduction de 30% (économie énergie-ciment-rond à béton) interpellant l’Algérie qui continue de construire deux millions de logements avec les anciennes méthodes de construction.

En résumé, à terme, le rééquilibrage des marchés dépend d’une série de facteurs exogènes qui échappent aux pays de l’OPEP. Les tensions financières dans de nombreux pays exportateurs de pétrole réduisent la capacité de ces pays à atténuer le choc, ce qui entraîne une baisse considérable de leur demande intérieure. Devant nous en tenir aux fondamentaux, pour ne pas induire en erreur l’opinion publique, il ne faut pas s’attendre à une remontée spectaculaire des prix du pétrole (c'est fini le cours à plus de 90/100 dollars).

Pr Abderrahmane Mebtoul, expert international

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Commentaires (4) | Réagir ?

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algerie

جزاكم الله خيرا

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chawki fali

Thanks a lot for this article. I interested with this

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