Des forces spéciales françaises en opération en Syrie
La nouvelle ministre française des Armées Sylvie Goulard a déclaré jeudi que la France avait des forces spéciales en Syrie mais n'avait pas l'intention d'envoyer des troupes au sol pour la reprise de Raqa, fief du groupe État islamique (EI).
"La France n'est pas au sol en Syrie", a-t-elle dit sur la radio Europe 1. "Une chose est d'engager des forces spéciales qui font des opérations ponctuelles. Une autre chose est d'envoyer des forces de manière massive", a-t-elle ajouté.
La France reste généralement très discrète sur l'utilisation de ses forces spéciales, estimées à quelques dizaines en Syrie. Les États-Unis ont déployé pour leur part 900 conseillers militaires, forces spéciales ou artilleurs des Marines dans le nord-est du pays.
La France prend en revanche "toute sa part à la coalition" internationale contre l'EI conduite par les États-Unis avec ses avions de chasse basés dans la région, a-t-elle rappelé. S'y ajoutent des conseillers militaires et artilleurs français en Irak.
La coalition internationale offre une puissante couverture aérienne aux forces engagées au sol contre l'EI, que ce soit les forces irakiennes à Mossoul ou l'alliance arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS) qui s'est lancée en novembre dans la reprise de Raqa.
Après avoir chassé les jihadistes de plusieurs secteurs menant à la ville, les FDS sont désormais à trois kilomètres de Raqa, côté est, et quatre kilomètres, côté nord. "L'idée, même pour les Américains, est plutôt d'intensifier le dispositif actuel", a ajouté Sylvie Goulard sans plus de précisions.
L'administration Trump a notamment décidé d'armer les milices kurdes YPG de Syrie pour les aider à reprendre la ville de Raqa, la capitale autoproclamée des jihadistes, au risque de provoquer la colère de la Turquie. Les YPG sont le fer de lance de la coalition des FDS, elle-même "seule force capable de prendre Raqa dans un futur proche", selon le Pentagone.
Pendant ce temps, les Allemands bâtissent à Alep
Façades éventrées, maisons pulvérisées, immeubles dévastés. L'une des plus anciennes cités du monde, Alep, agonise, ravagée par la guerre en Syrie. Mais en Allemagne, des universitaires préparent sa reconstruction en établissant une carte minutieuse de la vieille ville et de ses trésors classés au patrimoine mondial de l'Humanité.
Dans une pièce lumineuse plongeant sur les allées rectilignes du campus universitaire de Cottbus, en ex-Allemagne de l'Est, l'urbaniste Christoph Wessling promène son index dans le labyrinthe des ruelles d'Alep: déroulée sur son large bureau, une carte immense de 2 mètres 50 sur 2 mètres dessinée avec une échelle de 1/500. Un document exceptionnel dont l'expert coordonne actuellement la réalisation.
Toute la vieille ville, ses souks, ses hammams, ses mosquées, ses églises, ses habitations y sont répertoriés avec une infinie précision. Au total, ce sont quelque 16.000 parcelles qui ont été tracées, ainsi que 400 plans au sol des principaux édifices de cette ville constamment habitée depuis plus de 6.000 ans.
Le doigt de l'universitaire suit avec assurance le dédale des impasses mais ses souvenirs se perdent dans cette cité dont un poème du XIIe siècle dit qu'elle est aussi vieille que l'éternité.
Cours enchanteresses
"A Alep, il arrivait qu'on entre dans une maison dont la façade austère n'avait absolument rien de spécial", raconte Christoph Wessling, qui garde la nostalgie de ses nombreux séjours dans la métropole syrienne avant le début de la guerre en 2011. "Et puis tout à coup on tombait sur un enchaînement de trois cours intérieures enchanteresses avec des piliers richement décorés". Ainsi allait la vie avant l'horreur. La métropole économique, divisée entre secteurs loyalistes à l'ouest et rebelles à l'est, a été le principal champ de bataille de la guerre en Syrie.
Alep, dont la vieille ville est classée au patrimoine mondial de l'Humanité de l'Unesco depuis 1986, fut ainsi à la fin 2016 le théâtre d'une tragédie humanitaire, avant d'être entièrement reprise par l'armée de Bachar al-Assad, appuyée par la Russie. D'ici quelques semaines, la carte, qui mobilise six experts et dispose d'un budget de 60.000 euros, sera mise en ligne, à la disposition de tous ceux désireux de participer à la reconstruction d'Alep.
En cliquant sur la carte, ils auront accès "à l'ensemble des plans de chantier, photos et descriptions d'un lieu donné", selon l'Université technique du Brandebourg (BTU), à Cottbus, chargée de ce projet par le ministère des Affaires étrangères et l'Institut archéologique allemand (DAI).
"Nous ne sommes pas des responsables politiques", souligne Christoph Wessling. "Mais en tant qu'urbanistes, nous avons voulu jeter des bases" pour que la cité retrouve un jour sa splendeur si particulière. Il s'agit aussi d'éviter par exemple que des groupes de BTP ou des investisseurs n'envoient leurs bulldozers raser les bâtiments endommagés pour y construire hôtels et centres commerciaux.
- Et le reste d'Alep ? -
Chercheur doctorant à l'Université de Cottbus, le Syrien Zeido Zeido, qui prépare une thèse sur Alep, sa ville natale, met néanmoins en garde contre l'attention excessive portée à la vieille ville.
"Il y a d'autres quartiers avec des styles architecturaux plus récents qui doivent être protégés, comme les bâtiments de la fin du XIXe siècle", à l'époque où Alep était l'une des principales villes de l'Empire ottoman, explique le jeune homme de 29 ans.
"Il n'y a aucune protection nationale du patrimoine prévue pour les quartiers qui ne sont pas concernés par le classement de l'Unesco", déplore-t-il. Le défi de la reconstruction sera immense, soulignent les chercheurs de la Faculté d'architecture de Cottbus. Selon l'Unesco, environ 60% de la vielle ville a été gravement endommagée, dont 30% totalement détruits.
Route de la Soie
Dans le souk qui fut l'un des plus grands marchés couverts du monde, les échoppes aux portes de bois ne sont plus que cendres. Il y a quatre ans, c'est le minaret seljoukide de la mosquée des Omeyyades qui s'est effondré. La monumentale Citadelle a quant à elle subi des "dégâts considérables" tout comme les khans où les caravanes déversaient jadis leurs trésors récoltés sur la Route de la soie.
L'Université de Cottbus a été retenue pour réaliser cette carte car sa faculté d'architecture dispose d'une longue tradition d'échanges avec celle d'Alep. Et l'Allemagne, sortie anéantie du joug nazi, dispose d'une riche expérience de reconstruction de ses villes. Après la Réunification, nombre de cités de RDA ont elles aussi connu une rénovation complète.
A Cottbus, les pensées s'égarent de nouveau à 4.000 kilomètres de là. On évoque la vie d'avant dans la cité décatie, le bonheur "des soirées, toutes simples, entre amis dans les rues", sourit Zeido Zeido. Mais ce qui lui manque le plus, c'est "la couleur (sable) d'Alep, une ville construite avec une pierre si particulière qu'elle lui a donné une couleur unique". Une atmosphère que la carte déployée sous ses yeux, si précise soit-elle, ne pourra jamais restituer.
Avec AFP
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merci
merci bien pour les informations