"Azuzen" de Nora At Brahim : le talent au service du beau et de l’utile
Dans la continuité de son art, la chanteuse Nora At Brahim nous gratifie cette fois d’un nouvel album dédié aux berceuses kabyles. Pour notre bonheur, cette artiste qui travaille à raviver une part de notre patrimoine ancien nous en exhume quelques pièces d’or de ce trésor enfoui dans notre mémoire oublieuse.
Puisées dans les siècles anciens et parfois complétées dans les textes par l’auteur interprète, ces pépites de chants merveilleux et authentiques sont recueillies au prix d’un long travail de recherche et d’élaboration. Elles nous sont offertes dans l’écrin d’une composition musicale habilement construite avec une instrumentation minimale assortie des bruits de la nature. Roucoulements de rivières, gazouillements d’oiseaux, chuchotements de forêts ou soupirs de vent, accompagnent quelques notes de guitare plaintives et de langoureux sons de flûte. Une variété de motifs mélodiques tirés du terroir ornent la voix sublime de la chanteuse pour nous restituer l’atmosphère de nos plus tendres et lointaines années.
Un rappel pour certains, une découverte pour d’autres, ces nourrices arrivent à point dans la chanson kabyle dite "culturelle" pour y insérer la part manquante de la petite enfance. C’est un véritable défi contre l’acculturation mutilante du règne des gadgets déshumanisants que Nora At Brahim relève avec une puissante séduction et une élégance rare. Dans la douceur mélancolique qui sied au genre, elle nous transporte au-delà des âges, là où palpite le cœur de la sensitivité structurante de notre personnalité kabyle.
Si la pratique rituelle des berceuses appartient à tous les peuples du monde qui bercent leurs nourrissons pour les déposer avec soin dans les bras de Morphée, il convient toutefois de souligner que dans le style kabyle, les poèmes offrent une large palette de thèmes susurrés à l’oreille du bébé. La chanteuse nous en propose quelques-uns dans le répertoire de son album "Azuzen".
Si la fonction fondamentale de cet art exclusivement féminin est d’aider l’enfant à s’endormir sur de douces mélodies fredonnées par la voix maternelle, la mère et parfois la grand-mère en usent aussi pour épancher leurs cœurs. Ainsi, nous renseigne-t-il sur la condition de la femme et de son spleen dans des lamentos qui attendriraient un rocher, pour reprendre une expression de chez nous.
En écoutant cette œuvre originale et colorée, on ne peut s’empêcher de rendre hommage au travail et au talent de Nora At Brahim dans sa quête du beau et de l’utile.
Mokrane Gacem
Commentaires (4) | Réagir ?
merci
merci bien pour les informations.