"La guerre, pourquoi ? La paix, comment ?" (Bonnes feuilles III)
Nous publions la troisième partie de "La guerre, pourquoi ? La paix, comment ? Éléments de discussion aux gens de bonne volonté", de Kaddour Naïmi.
1.1. Propagande et réalité
Considérations générales.
"Pour justifier la cause d'un conquérant, il est nécessaire en effet de condamner la cause de celui qui est conquis". (Thomas Hobbes, Léviathan, o. c., chap. Relecture et conclusion, p. 960).
"Jamais un prince n'a eu défaut d'excuses légitimes pour colorer son manque de foi." ( Machiavel, Il Principe, chap. XVIII.)
"La bestise et facilité qui se trouve en la commune, et que la [l'éloquence] rend subjecte à estre maniée et contournée par les oreilles au doux son de cette harmonie, sans venir à poiser [peser] et connoistre la vérité des choses par la force de la raison... (...) sa principale partie, (...) est esmouvoir les affections" (Montaigne, Essais, o. c., Livre I, chap. LI, p. 293
"La nature du vrai transparaît déjà dans le soin qu'il met à se dérober." (Claude Levi-Strauss, Tristes tropiques, op., c., p. 61.)
"La guerre - toute guerre - est le règne des mensonges. Qu'elle soit appelée propagande ou guerre psychologique, chacun accepte comme droit de mentir pour son propre pays. Quiconque dit la vérité court le risque d'être accusé d'être un traître." (Uri Avnery, du site http://zope.gush-shalom.org/home/en/channels/avnery/1231625457, visité le 2 février 2009.)
"Le devoir de la propagande est celui de convaincre de la bonté d'un idéal. (...) Moi, je voyais briller les yeux de mes jeunes quand je leur parlais de l'utilité de notre mission, quand j'affirmais que toute la sagesse de ce monde reste inefficace si la violence ne se met pas à son service pour la défendre et l'appuyer, que la déesse de la paix peut seulement marcher près du Dieu de la guerre et que chaque grande œuvre de la paix a besoin de l'aide de la protection de la violence." (Adolf Hitler, Mein Kampf, o. c., p. 175 e p. 112. L’italique est le mien.)
Combien de citoyens connaissent ces principes de la propagande de guerre, utilisés en particulier depuis la première guerre mondiale ? (Voir Anne Morelli in Principi elementari de la propaganda de guerra (Principes élémentaires de la propagande de guerre), Ed. Ediesse, 2005. Une partie des principes présentés ici ont été repris de cet essai.)
Qui veut provoquer la guerre déclare :
- Nous ne voulons pas la guerre, mais c'est l’adversaire qui la veut, nous ne faisons que nous défendre.
En 1935, Hitler appela "Programme de défense" son programme de réarmement qui lui a permis d'entreprendre sa guerre d'agression.
"Nous Américains nous ne cherchons pas du tout la guerre. Nous l'affrontons avec répugnance." (Colin Powell, alors secrétaire d’État U.S., 4 avril 2003, interview au journal belge Libre Belgique, citation in Anne Morelli, o. c. p127-128.)
"Ce n'est pas nous qui avons voulu cette guerre. Ce fut le refus de la part de Saddam de renoncer à ses armes de destruction de masse à ne pas nous laisser d'autre choix que celui d'agir." (Premier ministre britannique Tony Blair, message aux irakiens, de la télévision d’État, 11 avril 2003, citation in Anne Morelli, Principi..., o. c. p. 128.)
La guerre en Irak fut basée sur des mensonges et la tromperie.
"L'Administration Bush a planifié l'attaque contre l'Irak avant le 11 septembre 2001. Elle a utilisé le faux prétexte de la menace d'une imminente attaque d'armes biologiques, chimiques et nucléaires, pour tromper le Congrès afin qu'il appuie ce conflit non nécessaire. » ( Citation in Anne Morelli, Principi..., o. c. p. 128.)
Le mensonge pour justifier une guerre d'agression n'a pas été utilisé seulement par les gouvernements U.S. et anglais contre l’Irak, avec la soit-disant existence d'armes de destruction massive. Le mensonge fut, aussi, utilisé dans le passé par le gouvernement des États-Unis dans son agression contre le Vietnam. Ce pays fut accusé l’armée nord-vietnamienne d’avoir attaqué un navire U.S. dans le Golfe du Tonkin, accusation qui a fini par se révéler fausse.
- Nous faisons une guerre juste, parce que défendons des idéaux nobles, comme la civilisation, la liberté, les droits humains, etc., et non pour nos intérêts économiques ou stratégiques.
"Le meilleur espoir pour la paix dans notre monde est l'expansion de la liberté dans le monde entier. Président Georges W. Bush." (Dans le site d'information du gouvernement U.S. : http://usinfo.state.gov/dd/, visité en 2007.)
Cas de l'Afghanistan :
jusqu'à l'été de 2001, les dirigeants et les mass-médias U.S. n'ont jamais invoqué pour l'Afghanistan la liberté, la démocratie, les droits humains, ni condamné la lapidation des femmes et l'obligation de porter le voile. Pas seulement. Le gouvernement U.S. recevait les délégués talibans dans les ministères à Washington pour traiter la construction d'un oléoduc servant au transport de pétrole.
C’est uniquement après l'été de 2001 que le gouvernement U.S. a invoqué pour l'Afghanistan la liberté, la démocratie, les droits humains et la libération du peuple.
Pourquoi ce changement de comportement sinon parce que le gouvernement des talibans avait refusé de répondre aux désirs économiques du gouvernement U.S., et pour présenter une justification propagandiste de l'agression contre l'Afghanistan ?
Cas Irak :
"Nos forces sont des forces amies qui libéreront le peuple irakien." (Premier ministre britannique Tony Blair, à la télévision irakienne, 11 avril 2003, Citation in Anne Morelli, Principi..., o. c. p. 131..)
Depuis le début des années 1990, le gouvernement des États-Unis n'a jamais parlé, à propos de régime de Saddam Hussein, de dictature, d'armes interdites, ni de violation des droits humains. Pas seulement. Il a aidé le gouvernement de Saddam Hussein en financements et en armes pour massacrer respectivement les citoyens communistes, puis démocrates, mais aussi kurdes et chiites.
C'est seulement quand le dictateur irakien s'est emparé du pétrole du Kuwaït que le gouvernement des États-Unis a invoqué, à propos du régime de Saddam Hussein, la dictature, les armes interdites et la violation des droits humains.
Comment expliquer ce changement radical d’opinion, sinon comme justification propagandiste de la guerre d'agression que préparait le gouvernement des États-Unis contre l’Irak ?
- Nous portons au peuple de l'autre territoire la libération d'un régime rétrograde, avec le socialisme et le communisme.
Ce fut, après la seconde guerre mondiale, la justification du gouvernement de l'Union Soviétique pour occuper les pays de l'Europe orientale, en installant des vassaux, soumis à sa domination.
- Celui qui conteste notre autorité est seulement un criminel ou un terroriste.
C'est ainsi que, partout et depuis toujours, tout gouvernement qui occupe par la force militaire un autre territoire nomme ceux qui font partie du peuple de ce territoire et résistent contre cette occupation.
- Notre civilisation et notre façon de vivre sont en jeu.
Au temps du colonialisme, ses partisans se déclaraient défenseurs de l'"Occident" et invoquaient de "porter la civilisation" et la religion chrétienne aux peuples "barbares" et sans foi.
Les nazis invoquaient la défense de la "civilisation aryenne" contre le "sémitisme", et la façon de vivre "allemande" contre celle "juive-bolchévique".
Aujourd'hui, les partisans de la théorie du "choc entre les civilisations" invoquent : la défense de la civilisation "occidentale" contre la "barbarie" arabe" et "asiatique" ; la religion "judéo-chrétienne" contre l'hérésie appelée Islam ; la défense de la façon de vivre "occidentale-libérale-avancée" contre celle "orientale-dictatoriale-arriérée".
De l’autre coté, des personnes comme Alexander Soljenitsyne ont invoqué : la défense de la "civilisation" et de la "culture" slaves contre celles dites "occidentales", corrompues et matérialistes ; et la religion orthodoxe contre celle catholique papiste.
Les partisans de l'occupation israélienne des territoires palestiniens invoquent la défense de la "civilisation" et de la religion juives contre l'"anti-sémitisme" et contre les Musulmans, considérés comme des barbares agressifs.
Pour qui, à l'opposé, se déclare défenseur de l'"Orient" :
- certains Musulmans invoquent la défense de la civilisation "musulmane" contre celles "judéo-chrétienne" des "infidèles", et la façon de vivre selon la "loi coranique" contre celle "occidentale athée".
- certains Hindouistes invoquent la défense de la civilisation et de la foi "hindoues" contre celles musulmanes de leurs compatriotes et du peuple du Pakistan.
Les défenseurs de l'Orient dit "asiatique" invoquent la défense des respectives civilisation, religion et mode de vie contre toutes les autres civilisations, religions et modes de vie.
- Nous, nous utilisons la raison et nous sommes lucides, tandis que notre adversaire refuse la raison parce qu'il est fou.
Voici pourquoi, pour n'importe quel agresseur, si un avion de son armée tue une centaine de civils, c'est seulement une "erreur involontaire", tandis que si l'adversaire tue un seul de ses civils, c'est toujours un "fanatique".
- Notre ennemi n'est pas la population de l'autre pays, mais seulement son chef qui est un dictateur fanatique, féroce et corrompu.
En Afghanistan, c'est au nom de la guerre contre le chef d'Al Qaïda, Osama Bin Laden, que l'armée des États-Unis tue les civils afghans.
En Irak, c'est au nom de la lutte contre le dictateur Saddam que, durant l'embargo, sont morts les civils par manque de nourriture et de médicaments, et, durant la guerre de 2003, les bombardements de l'armée U.S. ont tué les civils irakiens et détruit les infrastructures de leur vie quotidienne.
- Notre ennemi n'est pas la population de l'autre pays, mais seulement l'organisation « terroriste » qui agit dans le pays.
En Tchétchénie, le gouvernement russes déclare que sa guerre est seulement contre le « terrorisme » tchétchène, en particulier contre l'organisation Al Qaïda, tandis que son armée tue les civils et détruit les infrastructures de leur vie quotidienne.
« Les autorités accusent Al-Qaïda, mais elles sont incapables de présenter un seul document prouvant la présence de mercenaires étrangers en Tchétchénie. Dans ce conflit tout est caché... » (Valentina Melnikova, présidente du Comité des mères de soldat, Interviewée par Anne Nivat, dans le mensuel Le Monde diplomatique, de mai 2006, p.6.)
De même, le gouvernement turc, à propos de la résistance du peuple kurde contre la domination, justifie son action répressive par l'existence d'un parti kurde « terroriste ».
Les gouvernements israéliens justifient la domination du peuple palestinien en déclarant qu'ils ne sont pas ennemis du peuple palestinien mais seulement de certaines organisations palestiniennes « terroristes ». Hier, c'était l'O.L.P., et aujourd'hui c'est le parti Hamas. Pourtant, ce dernier fut élu démocratiquement au pouvoir par le peuple palestinien.
- Notre cause est “sacrée” et Dieu est de notre côté.
« Dieu, bénis notre combat ! » Adolf Hitler, Mein Kampf, o. c., p. 217.
« Gott mit uns » (Dieu avec nous) : inscription sur les ceintures des soldats nazis durant le Troisième Reich.
« God bless America » (Dieu bénit l'Amérique) : expression U.S. typique.
« Le Christ me guide. » Président Georges Bush jr, cité par G. Bocca, in Basso impero (Bas empire), o. c. p. 22.)
- Nous disons la vérité tandis que l’adversaire dit seulement des mensonges.
Aux États-Unis, mentir pour provoquer une guerre n'a pas été le comportement seulement du président républicain Bush jr, mais aussi d’un président démocrate en ce qui concerne la guerre contre le Vietnam :
"Les incursions de l'"Opération 34 A" [bombardements aériens US sur le Nord Vietnam] provoquèrent l'incident du golfe du Tonkin, en août 1964, lorsque deux destroyers américains s'opposèrent aux torpilleurs de la Marine de Hanoï. Johnson [alors président des États-Unis] s'en servit pour duper le Sénat et l'amener à approuver les mesures nécessaires à une extension de la guerre. MacNamara [alors Secrétaire à la Défense] et Dean Rusk [alors chef du Département d’État] l'aidèrent en abusant la commission des Affaires étrangères du Sénat sur les opérations clandestines. Dans l'esprit du président, tous ces mensonges étaient dans l'intérêt supérieur de la nation. (...) Mais il voulait en même temps éviter un débat public qui aurait risqué de remettre en question toute la politique vietnamienne." (Neil Sheehan, in A Bright Shining Lie, o. c. p. 451-452.)
Cas de la guerre du Golfe :
"Je veux que le peuple américain sache ce que le général a caché au public américain durant la Guerre du Golfe (...). Ils ont caché les victimes. Ils ont caché l'horreur. Ils ont caché la violence." (Ron Kovic, vétéran de la guerre du Vietnam, auteur de l'autobiographie Born on the Fourth of July (Né le 4 juillet). Cité par Norman Salomon, journaliste U.S., expert des moyens de communication, in Target Iraq : What the News Media Didn’t Tell You de Norman Solomon (co-auteur avec Reese Erlich), publié sur le site http://en.wikipedia.org/wiki/Norman_Solomon#Books, visité le 20.03.2008.)
"Comme l'a commenté le journaliste indépendant F. Stone voilà une dizaine d'années : “Chaque gouvernement est géré par des menteurs, et rien de ce qu'ils disent doit être cru.” Stone ne mettait pas sur le même plan tous les gouvernements, ou n'affirmait pas qu'ils mentent toujours. mais il soulignait que le scepticisme est essentiel, et aucune déclaration du gouvernement ne doit être automatiquement acceptée. C'est notre défit et responsabilité de voir clair à travers la propagande les faits sélectionnés, les distorsions et les images à la recherche de la vérité." ( Norman Solomon, idem
Si l’on prend le soin de lire les documents officiels, que l’opinion publique, et même la plupart des intellectuels, ne lisent jamais, on découvre ceci :
"(...) Tromperie, fausse information, et désinformation sont des composantes clé dans cet assaut à la volonté et à la compréhension de l'adversaire." (Harlan K. Ullman et James P. Wade, dans Shock et Awe : Achieving Rapid Dominance (Frappe et terrorise : Réalisation d'une rapide domination). Chapitre 1, Ed. Washington D.C., National Defense University Press, décembre 1996. Du site http://www.ndu.edu/inss/books/books%20-%%201996/Shock%and%20Awe%20-%20Dec%2096/ch1.html, visité en 2007.)
Voici l’exemple le plus récent.
D’une part, les paroles :
« La révolution scientifique qui a conduit à la scission de l’atome requiert aussi une révolution morale » : avec cette phrase historique (forgée par les speech-writer présidentiels) a culminé la visite de Barack Obama en Asie, où depuis Hiroshima il a proclamé la volonté de « tracer une voie qui conduise à la destruction des arsenaux nucléaires » (…)
Obama a proclamé à Hiroshima la volonté d’éliminer non seulement les armes nucléaires, mais la guerre elle-même : rappelant que « les gens ordinaires ne veulent plus de guerres », il a souligné que « c’est notre mentalité même sur la guerre que nous devons changer, pour prévenir les conflits grâce à la diplomatie ». (Manlio Dinucci, Escalade états-unienne contre la Chine, publié le 31 mai 2016, in Escalade états-unienne contre la Chine, visité le 9.11.2016. Traduction de l’italien : Marie-Ange Patrizio.)
Et voici les actes :
"Ce que dément la Fédération des scientifiques américains, en démontrant que l’administration Obama a réduit moins que les précédentes le nombre de têtes nucléaires.
Les USA ont aujourd’hui 4 500 têtes stratégiques, dont 1 750 prêtes au lancement, plus 180 "tactiques" prêtes au lancement en Europe, plus 2 500 retirées mais non démantelées. Avec les françaises et les britanniques, l’Otan dispose de 5 015 têtes nucléaires, dont 2 330 prêtes au lancement. Plus que la Russie (4 490, dont 1 790 prêtes au lancement) et que la Chine (300, aucune prête au lancement).
L’administration Obama — documente le New York Times (21 septembre 2014) — a promulgué un plan de 1 000 milliards de dollars qui prévoit la construction de 400 autres missiles balistiques intercontinentaux, 12 sous-marins et 100 bombardiers stratégiques d’attaque nucléaire. Pour la « modernisation » des têtes nucléaires, y compris celles stockées en Italie, est en phase d’expansion aux USA un complexe national composé de huit grands sites et laboratoires avec un personnel de plus de 40 000 personnes. La course aux armements nucléaires relancée (...)" (…) ( Idem.)
Le livre est gratuitement télé-déchargeable ici :
http://classiques.uqac.ca/contemporains/NAIMI_Kadour/La_guerre_pourquoi/La_guerre_pourquoi.html Qui voudrait en confectionner un livre papier peut connaître la procédure ici :
http://www.fichier-pdf.fr/2015/06/01/imprimeretrelier5/imprimeretrelier5.pdf
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merci
merci pour les information