Ce qu’on ne dit pas à propos du Moyen-Orient : la Commune de Rojava
On nous parle de la guerre, des conflits ethnico-religieux dévastateurs, d’oppositions sanglantes entre tribus, manipulées par leurs notables féodaux, de dictatures, d’intérêts antagonistes de moyennes (Arabie saoudite vs Iran) et grandes puissances (USA vs Russie), de massacres sanglants, etc., etc.
Ces articles sont écrits par des journalistes démocrates ou ce qu’on appelle "progressistes". Mais, voilà, ils ne disent rien d’une autre réalité. L’ignorent-ils ?… Dans l’affirmatif, quel genre de journaliste sont-ils, quels démocrates et quels "progressistes" ?
Ces questions se justifient quand on saura de quelle réalité ils n’informent pas le public. La voici.
Dans ce Moyen-Orient, dont les problèmes sont cités chaque jour, existe une expérience. Elle est très particulière. Un parti politique kurde, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), auparavant marxiste-léniniste, donc autoritaire, a fini par comprendre son erreur de conception. Il a adopté la démocratie directe.
Voici comment elle se concrétise : dans les quartiers, les villages, les cantons, partout, égalité des sexes, égalité des ethnies, égalité des croyances religieuses, tous participant de manière libre aux conseils régissant l’activité dans tous les domaines sociaux, au service de toutes et tous, sans exception. Et tout cela en pleine guerre !
En voici une conséquence : en 2014, durant de la bataille de Kobané, là où l’armée syrienne d'Assad, et celle irakienne ont échoué, les combattantes et les combattants kurdes (YPG, Unités de défense du peuple) ont réussi : vaincre militairement leurs adversaires de Daech.
Les images documentaires de cette bataille ont été vues dans le monde ; bien entendu, il en est resté surpris. En effet, voici des citoyens qui, de manière autonome et autogéré, ont réussi non seulement à construire une société nouvelle, égalitaire, libre et solidaire, mais sont parvenus à affronter militairement avec succès une organisation militaire fasciste, infiniment supérieure en moyens.
Citoyens kurdes, arabes, assyriens, yézidis et autres, unis en une confédération auto-organisée, laïque, intégrant toutes les croyances religieuses, agissent ensemble, sur base d’un consensus librement établi. Leurs actions tentent progressivement d’éliminer les oppositions religieuses ou ethniques, le patriarcat, le capitalisme, l’étatisme, au bénéfice de l’égalité totale entre les citoyens, d’une gestion économique sans dominateur ni exploiteur, qu’il soit privé ou étatique.
Dans l’organisation de résistance armée, égalité absolue entre femmes et hommes, y compris dans les postes de commandement. Dans l’organisation des activités socio-économico-politiques, conception et décisions sont confiées à des assemblées communales. Elles fonctionnement à la manière des soviets russes (avant d’être chapeautés ou éliminés par les bolcheviques) et des collectivités espagnoles (durant la guerre civile) : liberté totale d’expression, prise de décision majoritaire, sans endommager la minorité.
Où se déroule actuellement cette expérience ?... Dans le nord de la Syrie, région kurde (Rojava).
Après cette description, le lecteur comprend les motifs du silence des journalistes mentionnés, y compris les démocrates et les “progressistes”. C’est que l’expérience au Rojava n’entre pas dans leur schéma de pensée ; plus encore, elle le contredit. Dès lors, comment pourraient-ils en parler ?
A présent, c’est fait. Cela montre au lecteur que les articles qu’il parcourt ont généralement besoin d’un éclairage divers ; celui-ci est fourni rarement, parce que rares sont les journalistes qui ont à cœur les actions les meilleures du peuple, celles qui, réellement, le montrent maître lui-même de son destin.
Voici quelques articles du "Contrat social" (Constitution) de Rojava, adopté le 6 janvier 2014 :
"Article 8
L’ensemble des cantons des Régions Autonomes sont fondées sur le principe d’auto-gouvernance locale. Les Cantons peuvent élire librement leurs organes représentatifs et exercer leurs droits dans la limite du respect de la présente Charte.
Article 9
Les langues officielles du canton de Jazirah sont le kurde, l’arabe et le syriaque. Toutes les communautés ont le droit d’enseigner et d’être enseignées dans leur langue maternelle.
Article 23
a – Toute personne a le droit d'exprimer son identité ethnique, culturelle, linguistique ainsi que les droits dus à l’égalité des sexes.
b – Toute personne a le droit de vivre dans un environnement sain, basé sur l'équilibre écologique.
Article 24
Toute personne a droit à la liberté d'opinion et d'expression ; y compris la liberté d'avoir des opinions sans interférence et de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées par tout média et sans considération de frontières.
Article 28
Hommes et femmes sont égaux aux yeux de la loi. La Charte garantit la réalisation effective de l'égalité des femmes et oblige les institutions publiques à travailler à l'élimination de la discrimination entre les sexes.
Article 31
Toute personne a droit à la liberté de culte, de pratiquer sa propre religion individuellement ou en association avec d'autres. Nul ne peut être soumis à la persécution en raison de ses croyances religieuses."
Le texte complet du Contrat social de Rojava est ici : Le Contrat Social de Rojava
Des informations générales se trouvent ici : Rojava
Pour en savoir plus, des documentaires existent sur youtube. Et un livre en parle, coordonné par Stephen Bouquin, Mireille Court et Chris Den Hond : La commune de Rojava. L’alternative kurde à l’État-nation, coédition Critica, Bruxelles / Syllepse, Paris.
Information de dernière minute. Le 25 avril 2017, le Conseil démocratique kurde de France a publié un communiqué, dénonçant un bombardement des régions kurdes par l’armée turque. On y lit : "L’Assemblée démocratique syrienne a affirmé dans une déclaration que de telles attaques ne pouvaient servir qu’à renforcer sa détermination contre le terrorisme : "Tandis que l’opération de Raqqa est en cours et que nos forces gagnent du terrain contre l’EI, l’aviation turque bombarde nos quartiers généraux dans les zones de Karaçokê et Shengal. Ces attaques démontrent que la Turquie cherche à neutraliser l’opération de Raqqa (Colère de l’Euphrate) afin de laisser à l’EI le temps de souffler." (in Rojava : le coup de poignard dans le dos).
Kaddour Naïmi,
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