L’amateurisme médiatique d'El Magharibia et le jusqu'au-boutisme du pouvoir
Les animateurs de cette chaîne satellitaire, en tentant certainement de se débarrasser de l’étiquette qu’on leur colle, celle d’être proche du Front islamique du salut brasse large en voulant permettre même au tenant du pouvoir algérien de s’exprimer dans les débats qu’elle organisent quotidiennement sur la situation politique en Algérie.
En se comportant de la sorte, elle est devenue consciemment ou inconsciemment une excroissance des médias lourds algériens à l’étranger. Elle est ainsi par la force des choses amenée à développer les mêmes thèmes que les chaînes soi-disant privées accréditées au niveau national. La fraude, un pouvoir autocratique, une démocratie baisée, les jeunes qui se révoltent etc. il n’y a rien de nouveau à cela. Elle en a fait tout un plat autour du boycott des législatives. Pourtant ce n’est pas la première fois que les partis appellent à boycotter les élections : le FFS et le RCD ont en fait avant.
Ce n’est pas non plus la première fois que 6 électeurs sur 10 n’ont pas voté car en 2007, il y a eu plus de 7 sur 10 qui ne l’ont pas fait. Cela n’a pas empêché le pouvoir de poursuivre sa stratégie de maintien du système qui semble arranger tout le monde y compris les petits partis qui se contentent des miettes dans l’hémicycle. La preuve, hier soir lors de l’émission qui a tenté de faire une lecture des résultats des élections législatives du 4 mai, en présence de militants et d’analystes politiques, au demeurant très respectables voire crédibles, elle a donné la parole aux nouveaux élus qui ont dans leur majorité exprimé leur dégoût face à ce qu’ils appellent le dépassement des partis au pouvoir. Celui qui se compare à un chat qui "miaule" pour avoir un siège, l’autre qui n’est même pas capable de faire appel aux autorités pour faire de l’ordre, un leader qui participe mais met en doute ce taux de participation qui le situe à moins de 25% etc. Tout cela n’est pas nouveau pour les Algériens pour les tenants du pouvoir "les chiens aboient mais la caravane passe".
En revanche, certains partis ont enfin justifié leur empressement à la participation aux législatives pour des raisons existentielles voire sociales mais en aucun cas pour le processus démocratique et encore moins pour l’intérêt général. S’ils n’avaient pas participé, ils disparaîtraient de la scène politique pour des raisons matérielles. Il ne faut pas se voiler la face, la participation des différents partis à la gestion des collectivités locales et des préoccupations législatives n’a jamais assuré un partage de pouvoir et encore moins son équilibre. Elle n’a jamais été populaire même durant la période de transition après la démission de feu Chadli Bendjedid. En termes simples, ces partis n’ont pas une assise populaire qui les fait vivre mais comptent sur les subventions de l’Etat. Si l’on compte l’ensemble des voix récoltées par l’opposition de l’alliance du Mazafran hormis Talaie El Houriyet et Jil El jadid qui n’ont pas participé, on a à peine une soixantaine de sièges y compris l’union islamiste fortement sollicitée par le pouvoir de la bouche même de son leader Menasra à la même chaîne avant les élections.
Pendant que ces débats stériles continuent à alimenter les tables rondes des différentes chaînes, le pouvoir trace sa route vers l’objectif 2019 en toute sérénité. Et il y parviendra. De quelle manière est tissé le système ? Cette hypothèse de fraude est-elle crédible, l’appel à l’aide aux démocraties occidentales est-il efficace ? Avec qui les citoyens trouvent-ils leur sécurité ?
1- Historique du système lui-même
Il ne faut pas oublier que le parti du Front de la libération nationale (FLN) est apparu au lendemain de l’année 1962 comme un creuset de tendances autour d’un consensus qui est l’indépendance politique de l’Algérie. La dynamique de ses affinités a commencé une fois cet objectif atteint. On peut considérer pour faire court la première présidence sous feu Ahmed Ben Bella comme réservée à cette chamaillerie interne du parti et la réorganisation de l’économie nationale suite au départ massif des colons et l’abandon des moyens de productio notamment les domaines agricoles. Il a fallu attendre l’année 1965 pour que l’armée sous le guide charismatique Houari Boumediene s’empare du pouvoir pour redresser la ligne et rassembler encore une fois ces différentes approches du FLN autour d’un autre consensus cette fois-ci l’indépendance économique. Jusqu’à sa mort, le pays à brillé par la clandestinité des idées, la gestion par des symboliques et surtout la prédominance de la cohésion sociale sur celle politique qui n’était pas d’actualité. A sa mort des technocrates, ont envahi les rangs du parti pour réorienter le modèle et concevoir des règles pour son fonctionnement. Le choix d’un leader qui se conforme à cette base se fait soit au sein de l’armée, des anciens moudjahidines charismatiques par leur historicité ou éventuellement des enfants de Chouhadas.
Ceux qui n’ont pas accepté de suivre la ligne de conduite ont été écartés de différentes manières comme Mohamed Boudiaf, personnalité historique, ceux qui n’ont pas résisté à la pression n’ont pas fini leur mandat comme feu Chadli Bendjedid, commandant d’une région militaire Liamine Zeroual, officier supérieur de l’armée et fils de chahid. Peut-être que les déclarations de l’ancien ministre des Affaires religieuses Bouabdellah Ghlamallah en affirmant que "Boudiaf a été liquidé par ceux qui l’ont ramené", ses paroles dépassent de loin ses pensées mais il n’a pas tort sur la forme. Car depuis, le système s’est forgé et durci par l’arrivée d’une oligarchie formée par les nouveaux riches qui ont mélangé l’argent avec la politique et justement feu Mohamed Boudiaf s’est attaqué à la corruption qui constitue leur niche de transaction. Aujourd’hui, les tendances du vieux parti se sont éclatées en excroissances qui s’unissent sous forme d’alliances au niveau central pour cautionner le pouvoir sans pour autant sortir de la ligne de conduite tracée par le système. Son endurance durant la décennie noire des années 1990 est édifiante. C’est un leurre que de prendre Bouteflika pour un parrain du système et de croire qu’il s’accroche au pouvoir. C’est cet establishment qui s’agrafe à lui pour perpétuer la ligne de conduite tant qu’il est en vie s’il avait réussi à coopter quelqu’un, il l’aurait laissé se reposer. La preuve, avant de se porter candidat libre à la présidence de la république en 1999, on a fait appel à lui comme à Ali Kafi, Youcef Khatib, Ali Haroun pour ne citer que ceux-là. De nombreuses voix tentent de ramener les problèmes actuels de l’Algérie sur la personne pour les éloigner du système qui commence à prendre une ampleur inquiétante ces dernières années. Il est formé aujourd’hui d’opportunistes du parti unique et de ses excroissances qui, en voulant le perpétuer, refusent, voire même résistent aux changements. Ils s’approprient l’indépendance de l’Algérie et la révolution économique, sociale et culturelle qui s’en est suivi pour asseoir leur pouvoir comme tuteurs du peuple algérien et au nom de cette légitimité, l’empêche de prendre le chemin autre que celui tracé par la révolution qui leur enlève les mamelles de leur bouche.
2- Le pouvoir ne fraude pas, il réajuste la répartition des sièges seulement
Le prétexte de la fraude massive aux élections n’est plus mobilisateur. Dénoncer sans démontrer la fraude massive pour mobiliser un contre-pouvoir est devenu un générique qui ennuie les citoyens qui remarquent de leur yeux que le système en rassemblant les fonctionnaires, l’armée et les corps constitués auxquels il ajoute les sympathisants de son alliance totalise les ¾ du corps électoral. Pourquoi s’adonnerait-il à son genre d’exercice ? Ceux qui développent une telle approche ignorent l’Algérie profonde car le système continue de jouir d’une base solide qui répond présente à chaque échéance électorale. C’est plutôt l’abstention qui a et pourrait poser problème. Or, celle-ci concerne les démocrates et les jeunes qui prônent et appellent au changement en désertant les urnes. Alors ! Tant pis pour eux, sommes-nous tentés d'écrire. Par contre, si dans certaine circonscriptions des vidéos pourraient (car pour le moment on a rien vu de concret) montrer un bourrage des urnes, il s’agit en fait d’un réajustement pour que la coalition majoritaire maîtrise l’hémicycle pour mettre en œuvre sa stratégie.
3- Il ne faut pas compter sur les démocraties occidentales
L’Europe avec à sa tête la France, les Etats-Unis même des démocrates s’accommodent avec les régimes comme le nôtre et font tout pour le maintenir et interviennent à chaque fois qu’il tente d’en dévier. Depuis l’élection de François Hollande, les responsables politique français ont rendu plus de visites en Algérie que dans leurs propres métropoles. L’Algérie par sa dépendance des produits alimentaires français (blé, lait etc.) fait travailler près d’un million d’agriculteurs. Elle s’ingère dans toute transaction avec d’autres pays de par sa position d’ex-puissance colonisatrice disposant de toutes les informations sur l’Algérie. Aucun régime ne peut lui permettre de telles faveurs. Les Etats-Unis ont soutenu le quatrième mandat de Bouteflika en envoyant plusieurs émissaires dont son secrétaire d’Etat Hillary Clinton. Donc continuer à compter sur les ONG occidentales pour déloger le régime en place est un leurre ; les citoyens l’ont bien compris pour ne plus y adhérer. Il vaut mieux donc venir dans son pays et lutter même si cela nécessite des sacrifices car on ne peut pas faire une omelette sans casser les œufs.
Rabah Reghis, Consultant, Economiste Pétrolier
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Merci
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