Algérie : des "élections" législatives en trompe-l’œil
Le 4 mai prochain, les algérien-nes sont appelés à voter pour élire leurs représentants à l’assemblée nationale. Il est alors légitime de s’interroger à la fois sur l’honnêteté, la transparence et donc la crédibilité d’un tel scrutin mais également sur le contenu des programmes affichés par les différents partis politiques et en particulier ceux qui gouvernent l’Algérie depuis son « indépendance » en 1962, le Front de Libération Nationale (FLN) et le Rassemblement National Démocratique (RND).
Concernant la question de la crédibilité du suffrage, lorsque l’on sait qu’en Algérie tous les scrutins sont organisés et contrôlés par une administration au service exclusif des partis au pouvoir, lorsque l’on sait que toutes les élections passées ont été dans une large mesure entachées de fraudes massives, lorsque la corruption est largement utilisée soit pour obtenir une place de candidat-e, soit pour "acheter" les voix des électeurs, lorsque des candidates islamistes sont présentées sans visage sur les affiches électorales avec l’aval de la "Haute instance indépendante chargée de la surveillance des élections législatives", présidée par un islamiste, alors on ne peut que conclure que ces élections-là comme les précédentes, sont manipulées et ne reflèteront donc en rien le choix populaire. Dans ces conditions ces élections sont illégitimes et inutiles.
Quant aux programmes des deux principaux partis au pouvoir, FLN et RND, il n’y a d’une part aucun bilan du mandat passé et d’autre part, leur contenu se résume à des promesses et des discours à dominante idéologique arabo-nationaliste et islamique, mais dans lesquels on trouve également des intimidations adressées à tous ceux qui réclament un minimum de justice, de démocratie et de respect pour les droits humains et les libertés fondamentales.
Ainsi, M. Ouyahia, secrétaire général du RND et directeur du Cabinet du chef de l’Etat, déclare à Tizi-Wezzu, en Kabylie, que "l’Algérie restera unie et indivisible", fermant de manière autoritaire la porte à toute discussion sur d’autres alternatives possibles comme celle que porte le Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie. Pourtant la Constitution algérienne indique dans son article 30 son attachement au droit à l’autodétermination des peuples.
De son côté, le Premier ministre, M. Sellal choisit Tamanrasset, une des capitales du peuple Touareg, pour affirmer que "l’Algérie ne rouvrira pas ses frontières" ni avec le Niger, ni avec le Mali, ni avec le Maroc, condamnant les populations locales à être privées d’échanges notamment de produits de première nécessité comme les produits alimentaires et les médicaments. Le Premier Ministre algérien bafoue ainsi le droit international, notamment l’article 36 de la Déclaration de l’ONU sur les droits des peuples autochtones qui stipule que "les peuples autochtones, en particulier ceux qui vivent de part et d’autre de frontières internationales, ont le droit d’entretenir et de développer, à travers ces frontières, des contacts, des relations et des liens de coopération avec leurs propres membres ainsi qu’avec les autres peuples, notamment des activités ayant des buts spirituels, culturels, politiques, économiques et sociaux". P
Par ailleurs, les droits de l’Homme sont les grands oubliés de cette campagne électorale alors que les abus sont nombreux : détention illégale depuis plus de 22 mois du défenseur des droits humains Kamel-Eddine Fekhar et ses 150 codétenus du Mzab, détention arbitraire de Slimane Bouhafs, uniquement parce qu’il est chrétien, condamnations abusives de Belaid Imad pour avoir porté le drapeau kabyle, de Touati Merzouk et de Arezki Marwan, jeunes blogueurs ainsi que les persécutions engagées contre tous les défenseurs des droits de l’homme et des libertés, particulièrement en Kabylie.
En conclusion, pour les Amazighs d’Algérie, il n’y a aucune raison d’espérer un quelconque progrès suite à ce scrutin. Le combat pacifique doit être poursuivi avec détermination par la société civile qui est pour le moment la seule force susceptible d’apporter les changements positifs attendus.
P/Le Bureau du CMA
Kamira Nait Sid, Présidente
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