Monsieur Sellal : bourrez les urnes, et qu'on en finisse !
Quelque part dans un village de l’Ouest algérien. 1997, nuit chaude d’un 5 juin. Il est minuit. Les cigales fredonnent des airs d’été. Le pays s’endort péniblement. Les bureaux de vote ferment.
Il faut suivre les consignes : accompagner les urnes après le dépouillement. Un crissement de pneus s’entend au loin. Les cigales se taisent. Nous, on marmonne, on s’agite. Curieux ! Il n’y avait pourtant plus personne dans l’école. Juste nous, Dieu et l’urne.
Des blasphèmes retentissent à la porte d’entrée, à faire fuir dieu et ses anges. Des jurons de militaires: Dieu merci, ce ne sont pas des terroristes. Un coup violent de godasses sur le portail métallique suffit à nous mettre, mes "collègues" et moi, au garde-à-vous, avant, peut-être, la garde à vue ! Nous étions quatre. Un représentant du Hamas de feu Nahnah, un autre du RND, et un troisième qui se disait FLN…et moi-même. Nous formions ce qu’on appelait à l’époque la commission municipale de surveillance des élections (CCISEL). Une sorte de ligue des justiciers dont la mission était de "veiller sur l’urne" en toutes circonstances. Mais là, les circonstances étaient vraiment extrêmes !
Les militaires récidivaient, blasphémaient au même temps que mon confrère du Hamas psalmodiait; blême d’inquiétude, mais neutralisant les offenses, par des versets coraniques. Ça dégoulinait de formules abjectes, de menaces. "Sortez, sortez n’adine… " Criait le chef, reconnaissable par son gros ventre. J’objecte fébrilement. La crosse d’un Kalachnikov s’approche dangereusement de ma grande gueule, ouverte pour la circonstance d’effarement et non pour contester. Je me la ferme.
Après Dieu, les urnes sont en passe de quitter les lieux. Il ne reste plus que nous. Je me tourne pour chercher l’appui de mes "collègues" : plus personne ! La surveillance de l’urne se transforme, pour moi, en une veillée funèbre. J’enterrais l’espoir de revoir les urnes. La démocratie venait de mourir, encore une fois, me dis-je !
Je quittai les lieux, désarçonné et à reculons. Je rentre chez moi. Le lendemain, à la télé, c’est la fête. Le jeune parti d’Ouyahia, créé quatre mois plutôt avait raflé la majorité au sein du parlement algérien. 156 sièges contre 62 concédés à l’indésirable FLN de l’époque. Ouyahia avec le détachement dont il a seul le secret, n’était pas avare, ce jour-là, de louanges." La démocratie a triomphé, l’Algérie a démonté qu’elle était sur le bon chemin", affirmait-il sous sa moustache touffue comme le fut d’ailleurs son discours.
Vingt ans plus tard, Ahmed Ouyahia joue les seconds rôles, et parfois même de la figuration. Il s’emploie tout de même à inciter les votants à aller rencontrer l’urne, histoire de s’exprimer, sous peine de voir le pays sombrer sous Daech, ou que sais-je, se soumettre à Trump ! Vingt ans presque jour pour jour, Ould Abbès, l’homme béni de l’homme absent, hérite du rôle principal. Il s’égosillait à pleins poumons, aux quatre coins du pays pour qu’on aille voter afin de "consolider nos institutions démocratiques !".
Mais la palme du meilleur rôle dans ce "prime-time" électoral, revient au fou du roi, j’ai nommé l’incontournable, Abdelmalek Sellal. Le Premier ministre a menacé hier les boycotteurs de sévir, si d’aventure ils faisaient campagne en faveur de l’abstention ! Avant lui, il y eut Amara Benyounes, Ammar Ghoul et la coalition islamiste qui se sont attelés à la tâche. À voir l’insistance des formations qui "partisouperont" pour mobiliser les masses aux prochaines législatives, on croirait comme en 1997, que les autorités, habitées par un sentiment soudain de repentance, cherchent la rédemption. Ould Abbès disait qu’il était, lui-même, victime en 1997 des manigances d’Ouyahia, et cela suffisait, selon lui, à garantir la transparence du scrutin.
Curieusement, et malgré la bonne volonté affichée, c’est l’indifférence populaire qui est la plus palpable. Pourtant, ce que demande l’Algérie d’en bas, c’est de la simple volonté, car elle est meilleure que la bonne volonté, dont veut bien nous gratifier la bande au pouvoir.
Un chiffre pour appuyer l’énormité de la mascarade de mai prochain : 4500 milliards de centimes ! C’est le coût du carnaval, en pleine austérité, en pleine inflation en pleine crise d’ail, de sardine et de pomme !
Une suggestion Monsieur le Premier ministre, au lieu de surjouer la rectitude, allez droit au but : bourrez les urnes et qu’on en finisse. Demandez conseil à Ouyahia; il vous montrera. Car on le sait depuis toujours ; à défaut d’avoir les clés des problèmes, vous avez celles des verrous!
Hebib Khalil
Commentaires (5) | Réagir ?
merci bien pour les informations
e quittai les lieux, désarçonné et à reculons. Je rentre chez moi. Le lendemain, à la télé, c’est la fête. Le jeune parti d’Ouyahia