L'affaire Ben Barka gâche le séjour marocain de Sarkozy
Quarante deux ans après les faits, la justice traque toujours les auteurs de l’affaire Ben Barka ! Un juge français Patrick Ramaël a lancé lundi soir 22octobre cinq mandats d'arrêt internationaux contre cinq Marocains soupçonnés d'être impliqués dans l'enlèvement, le 29 octobre 1965 en plein cœur de Paris, et la disparition de l'opposant marocain Mehdi Ben Barka.
Parmi les personnes visées figurent deux personnalités du régime marocain. L'une est le général Hosni Benslimane, l'actuel chef de la gendarmerie royale (un corps plus puissant que l'armée) ; l'autre, le général Abdelkader Kadiri, inspecteur général des armées après avoir été très longtemps à la tête de la direction générale des études et de la documentation (DGED), le principal service de renseignement.
Les trois autres mandats visent des acteurs régulièrement cités dans l'affaire (ils auraient pris une part active à la disparition du dirigeant socialiste), mais qui n'ont pas connu une promotion comparable. Lors de l'enlèvement de Ben Barka par des truands français, Abdelkader Kadiri était attaché militaire à l'ambassade du Maroc en France ; Hosni Benslimane était un proche collaborateur du général Oufkir, l'homme fort du royaume.
Blocages de la justice marocaine
Révélée par France 3, l'annonce du lancement des mandats d'arrêt intervient au premier jour de la visite officielle du président Nicolas Sarkozy au Maroc. "Est-ce que la démarche [du juge Ramaël] est appropriée ? Je pose la question. Je veux croire qu'un juge ne fait pas de politique", a commenté, interrogé par Le Monde, le ministre de l'information marocain, Khalid Naciri.
La décision du juge Ramaël – le huitième magistrat à enquêter sur l'assassinat de Ben Barka – résulte, selon de bonnes sources, de la non-exécution des commissions rogatoires lancées au Maroc par la justice française en septembre 2003. "Depuis quatre ans, elles sont enlisées. Il y a un blocage inexplicable côté marocain", dénonce l'avocat de la famille Ben Barka, Me Maurice Buttin.
Le juge français souhaite notamment que les derniers protagonistes de l'affaire encore vivants répondent à ses questions. Or, jusqu'à présent, indique-t-on dans l'entourage de la famille Ben Barka, la justice marocaine tergiverse, mettant en avant, par exemple, son ignorance du domicile des témoins à entendre. Le refus marocain d'entreprendre des fouilles dans un ancien centre de détention des services secrets, à Rabat, est une autre source de contentieux.
Le juge Ramaël souhaite vérifier que les corps des truands français, qui ont participé à l'enlèvement de Ben Barka y sont enterrés, comme l'affirment les frères Boureqat, des Français qui y furent incarcérés sous Hassan II. Le magistrat s'est rendu sur les lieux mais, depuis le lancement des commissions rogatoires, le Maroc assure tout ignorer de l'emplacement du site.
Le lancement des mandats d'arrêt internationaux va interdire tout déplacement à l'étranger pour les personnes visées. Mais, avant qu'ils ne soient effectifs, les documents délivrés par le juge doivent suivre un parcours officiel qui prendra plusieurs semaines. "Les mandats d'arrêt, c'est un coup de semonce supplémentaire adressé aux autorités marocaines. Soit elles acceptent enfin d'exécuter les commissions rogatoires, soit elles réagissent mal et bloquent tout", résume Me Buttin.
L.M. (avec Jean-Pierre Tuquoi- Le Monde)
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