Des élections législatives viciées dans leur fond et leur forme
Le gouvernement par la voix de son ministre de la Communication vient de bâillonner encore une fois les journalistes algériens à l’approche des législatives.
Dans un communiqué publié le 4 avril, Reporters sans frontières (RSF), dénonce la nouvelle dérive autoritaire du gouvernement algérien envers la presse. Ce sont les directives du ministre de la Communication algérien, Hamid Grine, pour la couverture médiatique de la campagne des élections législatives du 4 mai qui a retenu l’attention de l’organisme international. Affirmant qu’il voulait une couverture "éthique et équitable", le ministre a publié une charte restrictive pour la liberté de la presse. Cette initiative a été prise sans consultation des médias ou de la société civile. Ni d'ailleurs de l'Arav. RSF estime que sous des prétextes d’éthique, le gouvernement algérien cherche à bâillonner les journalistes à la veille des prochaines élections.
Le document de Hamid Grine envoyé aux responsables des médias audiovisuels leur interdit de donner la parole aux partis politiques ou à toute personne appelant au boycottage des élections. Il interdit aussi de diffuser des débats et déclarations politiques pouvant donner lieu à des dérapages contraires à l’éthique journalistique durant la campagne électorale. Les directives gouvernementales interdisent de plus toute offense, parole outrageante, injurieuse ou diffamatoire à l'encontre de la personne du président de la République ou de l'institution qu’il représente. Les médias n’ont pas non plus le droit de faire de télétrottoirs. Le président l’Autorité de régulation de l’audiovisuel du pays (Arav), Zouaoui Benhamadi, a affirmé à ce sujet qu’il n'avait pas été sollicité pour donner son avis sur ces directives.
Le gouvernement de Bouteflika vient donc de faire la preuve qu’il entrave sciemment le travail de la presse et viole ses engagements internationaux. L’Algérie a en effet signé en 1989 le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) dont l’article 19 protège la liberté d’expression. Il viole même sa propre constitution nationale adoptée en février 2016. Celle-ci garantit la liberté de la presse et la liberté de l’information en Algérie. RSF a d’ailleurs relevé plusieurs points défavorables à l’encontre de ce gouvernement puisqu’il l’a placé en 2016 à la 129e place sur les 180 pays dans lesquels il évaluait la liberté de la presse.
Le résultat des élections législatives algériennes du 4 mai peut donc déjà être considéré comme biaisé par une intervention gouvernementale majeure. Le président de la Haute instance indépendante de surveillance des élections (HIISE), Abdelwahab Derbal, aura beau rassurer le monde entier sur la transparence des élections législatives, c’est Hamid Grine qui vient de les décrédibiliser.
Abdelwahab Derbal n’applique d’ailleurs pas les mêmes normes à la démocratie en Algérie qu’aux démocraties occidentales et donne comme explication que c’est un pays musulman qui n’a pas la même histoire que ces dernières. En réponse à un ambassadeur européen qui affirmait que la majorité des partis politiques dans ces élections législatives ne disposaient pas de programme politique, il a affirmé le plus sérieusement du monde que les Algériens votaient naturellement et utilement pour le parti du FLN et non par choix basé sur le programme des partis (sic!).
Les entorses à la démocratie dites de type occidentales sont d’ailleurs nombreuses en Algérie. Les partis politiques n’ont pas le droit d’avoir accès au fichier national, mais seulement au fichier communal. Ce fichier qui constitue un enjeu électoral est sous le contrôle exclusif de l’administration qui est en mesure d’en manipuler les résultats au soir des élections. Des soupçons en ce sens ont déjà été émis plusieurs fois dans le passé par les partis d’opposition.
Il est donc inutile pour les pays étrangers de gaspiller de l’argent pour envoyer des experts afin de superviser les élections législatives du 4 mai. Elles sont viciées et non démocratiques dans leur forme même. Aucun changement significatif qui ira contre la volonté du gouvernement algérien ne peut être attendu de ce qui peut déjà être considéré plus comme un exercice de relation publique internationale qu’une élection démocratique. Les 300 observateurs internationaux attendus pour contrôler ces élections seront inutiles. Le gouvernement algérien en a rendu non démocratiques les résultats bien avant qu’ils arrivent.
Michel Gourd
Commentaires (1) | Réagir ?
Les observateurs internationaux ne sont là que par complaisance. Autrement les ambassades des pays occidentaux savent depuis 1962 que le pays n'a jamais organisé des élections honnêtes et démocratiques, comme d'ailleurs, dans aucun pays dits ARABE. Souvent ils repartent, surtout ceux de la ligue arabe et de pays Africains avec des cadeaux pour ne pas dire autre chose, si vous voyez ce que je veux dire. Il viennent pour donner l'absolution à un des régimes qui se rapproche de plus en plus de celui de la Corée du nord.