De lourdes peines requises contre les journalistes critiques d'Erdogan
Des procureurs turcs ont demandé mardi de lourdes peines de prison contre 19 collaborateurs du journal Cumhuriyet, farouchement critique du président Recep Tayyip Erdogan, a rapporté l'agence de presse progouvernementale Anadolu.
Les journalistes, dont plusieurs sont en détention préventive depuis plus de cinq mois, sont accusés de soutien ou d'appartenance à diverses organisations "terroristes", selon l'acte d'accusation du parquet d'Istanbul dévoilé par Anadolu.
Les accusés, parmi lesquels figurent le patron de Cumhuriyet, Akin Atalay, son rédacteur en chef, Murat Sabuncu, son prédécesseur, Can Dündar, ainsi que le journaliste d'enquête Ahmet Asik risquent entre 7 ans et demi et 43 ans de prison.
Ils sont accusés d'appartenir ou de soutenir le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, séparatistes kurdes), la mouvance du prédicateur Fethullah Gülen accusé d'avoir orchestré la tentative de putsch du 15 juillet, ou encore le DHKP-C (groupuscule d'extrême gauche).
Farouchement critique du président Erdogan, Cumhuriyet, fondé en 1924, s'est transformé, sous la houlette de M. Dündar, en machine à scoops, multipliant les enquêtes embarrassantes pour le pouvoir.
M. Dündar, qui vit désormais en Allemagne, a qualifié mardi de "fadaises" ces accusations, dans une vidéo publiée sur son nouveau site d'information, Özgürüz. "Depuis quand les procureurs peuvent-ils se mêler de la ligne éditoriale d'un journal ?", a-t-il lancé. Cumhuriyet "met en garde depuis longtemps contre le danger" de la mouvance de Fethullah Gülen, a poursuivi M. Dündar. "Aujourd'hui, on nous accuse d'en faire partie", a-t-il déploré.
L'arrestation, en novembre, de plusieurs journalistes de Cumhuriyet avait suscité l'inquiétude des défenseurs des droits de l'Homme et des critiques de pays européens.
"Les accusations portées contre les collaborateurs de Cumhuriyet et les lourdes peines requises contre eux sont une honte absolue pour les autorités turques", a dénoncé le secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), Christophe Deloire.
"Le parquet criminalise ouvertement une ligne éditoriale critique du président Erdogan en l'assimilant à une forme de terrorisme", a-t-il dénoncé, appelant la justice turque à abandonner ces "poursuites iniques".
Les autorités turques nient régulièrement toute atteinte à la liberté de la presse et affirment que les seuls journalistes arrêtés sont ceux liés à des "organisations terroristes", expression désignant le PKK et le réseau güléniste.
Mais des opposants au président Erdogan et des organisations de défense des droits de l'Homme accusent les autorités de se servir de l'état d'urgence instauré après le coup d'Etat manqué du 15 juillet pour étouffer toute critique.
Selon l'Association des journalistes de Turquie (TGC), 170 organes de presse ont été fermés, 105 journalistes placés en détention et 777 cartes de presse annulées depuis la tentative de coup d'Etat du 15 juillet.
La Turquie est 151e au classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2016, derrière le Tadjikistan et juste devant la République démocratique du Congo.
AFP
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