Rien de nouveau aux musées d’Art moderne d’Oran et d'Alger !

Façade du futur Musée d’art moderne d’Oran (MAMO) actuellement aménagé en galerie d’art.
Façade du futur Musée d’art moderne d’Oran (MAMO) actuellement aménagé en galerie d’art.

Pour faire partie intégrante du quota des artistes conviés à ouvrir le bal de la galerie d’art moderne et/ou contemporain d’Oran, étrennée le mardi 21 mars 2017 et anormalement dénommée Musée d’art moderne d’Oran (futur MAMO en attente de rallonges budgétaires et de statut), il ne fallait pas être un des émergents de la dernière génération de plasticiens, avoir à son actif une production digne de concurrencer les installateurs, graffeurs, vidéastes occidentaux ou africains: il suffisait de s’en remettre à des antécédents familiaux ou génétiques ancrés à l’Ouest du pays. Les heureux élus doivent donc prioritairement leur sélection à une approche régionaliste identique à celle qui dessine les organigrammes bureaucratiques ou politiques.

À l’origine de cette version clanique ou vulgate "topo-logique" déplaçant l’entendement artistique au stade de l’enracinement territorial, se trouve un comité d’organisation composé de Rabia Moussaoui (agent local de la culture), Salah Amokrane (conservateur du Musée Ahmed-Zabana), Mekki Abderrahmane (responsable de l'École régionale des Beaux-Arts d’Oran) et Dalila Orfali (directrice du Musée des Beaux-Arts d’Alger), quatuor venu remplacer l’indispensable curateur ordinairement habilité à asseoir le schéma scénographique de résonances iconiques. Également privé de dirigeant, c’est-à-dire d’un capitaine au long cours capable de tracer le cap axiologique des prochaines monstrations, le bâtiment de la rue Larbi Ben M’Hidi (deux étages fonctionnels sur trois disponibles) se contentera de la célébration rendue aux pairs Abdallah Benanteur, M'hamed İssiakhem, Mohamed Khadda, Guermaz Abdelkader, Abdelhalim Hemche, Choukri Mesli, Leila Ferhat, Bachir Yellès et Azouaou Mammeri, cependant natif de Beni Yenni, un village proche de Tizi-Ouzou.

Conforme à une reconnaissance protocolaire, ce panorama introductif conduira à découvrir d’autres protagonistes issus des douars environnants, soit une quarantaine de peintres et sculpteurs convoqués à une fête inaugurale à laquelle collaborait aussi la lissière Khadidja Seddiki. Née à El-Bayadh, ex-Géryville, commune appartenant à une wilaya du même nom, elle a pour point d’attache les Hautes plaines steppiques, précisément la chaîne montagneuse Djebel Amour, laquelle se trouve à 350 kilomètres au sud-est d’Oran. Or, Nadia Spahis et Mustapha Sedjal ayant grandi quant à eux au cœur d’El Bahia, pourquoi, compte tenu du choix liminaire, sont-ils, comme plusieurs, écartés du projet ?

Pour quelle raison privilégier les liens étroits d’une tisseuse qui depuis "L’Hommage à Picasso" (1997) au Musée des Beaux-Arts d’El Hamma s’y est vue confier (la même année) la mission d’attachée d’étude, responsabilité conjointement suivie du rôle de conseillère au ministère de la Culture et du tourisme ? Les aides de quelques relations bienveillantes n’expliquent heureusement pas entièrement sa présence. La prestation "Oasis de paix", qu’elle accomplira du 18 septembre au 11 octobre 2009 à la galerie du sel de Sèvres, gage d’un cheminement constructif et cohérent. L’essentiel de la problématique relève par conséquent de la démarche sol-sol avancée dès le départ par des commissaires démunis de plans discursifs et auxquels devra à fortiori se substituer un professionnel appliqué à définir non pas de simples éléments de langage mais une solide herméneutique. Une modification identique sera à convenir au Musée d’art moderne d’Alger (MAMA) où la roue de secours Nadira Laggoune-Aklouche (à ce jour, aucun décret présidentiel ne l’intronise au poste de régisseuse) risque d’emprunter des sentiers battus tant sa taxinomie réplique les antiennes du pouvoir institutionnel. Occupant le champ artistique par défaut, l’autoproclamée historienne ou critique d’art, voire docteure en "on ne sait pas trop quoi", prorogera, avec la manifestation "Le design italien rencontre le design algérien", l’influence des instituts culturels étrangers puisque l’initiative revient à celui de l’İtalie.

C’est d’ailleurs via le créneau diplomatique que les autochtones arrivent à, plus ou moins, exister, tellement les critères d’évaluation sont beaucoup plus flottants que ceux exigés du côté d’analystes européens. Leur autonomie de décision les prédispose en effet à refuser les compromis, à imposer le dispositif mental ou conceptuel des performeurs soutenus, à établir les dispositions favorables à leur visibilité ou aura, dimensions à retenir prioritairement au sein d’un Musée d’art moderne d’Oran (MAMO) dont le désigné administrateur provisoire refusera d’offrir la part belle au street-artiste Yasser Ameur. Ses grands formats auraient pourtant pu répondre à ceux de Denis Martinez. L’un des invités d’honneur présenta récemment aux "Ateliers sauvages" d’Alger l’ouvrage "À peine vécues", livre retraçant justement trois interventions de rue entreprises entre 1986-1987 au centre de Blida, à la base Sonatrach d’İn Amenas puis de nouveau dans la Ville des roses mais cette fois à l’Université de Soumaâ. La confrontation aurait permis de déterminer si ces expérimentations pouvaient être appréhendées comme les prolégomènes de l’art urbain en Algérie. Au lieu de cela, le focus est essentiellement dirigé vers un des fondateurs du Groupe Aouchem (Tatouages) qui revendiquait en 1967 la prépondérance d’un "Signe" extrait indemne du magma archétypal, donc immunisé contre les "souillures culturelles" léguées par des civilisations exogènes ou le colonialisme et à ce titre vénéré comme la marque indélébile d’une identité pure.

Avec son Manifeste, le collectif (peintres et poètes) paraphrasait le discours ambiant, figeait l’éthique de singularité dans le cloître protectionniste de l’unanimisme officiel, sclérosait l’affirmation de soi par simple allégeance et suivisme idéologiques. En voulant tuer son "Autre", il se privait d’interlocutions esthétiques, de mémoires poreuses, de couches sédimentaires ne ramenant pas obligatoirement à l’unicité sanguine et mortifère de l’Açala (authenticité), celle que les salafistes confisqueront au nom d’Allah de façon à mieux corseter la société algérienne et l’épurer des supposées crasses intrusives du cosmopolitisme. Victime d’ostracisme, l’ancien Blidéen savait probablement vers quoi mène un tel confinement conservateur. Seulement, et sans doute de peur d’être oublié sur les registres de l’histoire de l’art, de retrouver le lot des excommuniés, il refusera la filiation pied-noir algérien, prendra la voie internationaliste de la culture combattante, exagérera comme Jean Sénac les traits partisans du régime de communauté tout en donnant l’impression de ne pas céder au "Moi-Je" égotiste de l’artiste-créateur.

En cette période taraudée d’interdictions brimant la parole des "Alphabets libres", d’arrestations de militants, de syndicalistes, de romanciers, caricaturistes et blogueurs, fallait-il vraiment, en acceptant de participer au coup d’envoi de l’espace limité de l’espéré Musée d’art moderne d’Oran (MAMO), cautionner parallèlement l’absence de chef opérateur et par là même de fil conducteur en mesure de livrer l’originalité des expressions plurielles et narratives ? Azzedine Mihoubi, l’actuel ministre de la Culture, a (indépendamment des feuilles de route fournies du côté des conseillers d’El Mouradia) en mains les prérogatives l’autorisant à interpeller les personnes idoines susceptibles de remédier aux incomplétudes thématiques. Dynamiques et attractives, leurs propositions démontreront la possibilité d’aménager des rendez-vous au fort potentiel visuel, de les transporter ou transposer sur le circuit mondial de l’art, et en l’espèce, de les rentabiliser plutôt que de les cantonner à la portion congrue de l’essentialisme ou du terroir.

Les restrictions financières empêchant de terminer les travaux d’aménagement prévus à l’intérieur des ex-Galeries algériennes des rues Larbi Ben M’hidi d’Oran et d’Alger, n’est-ce pas là une opportunité à saisir pour apostropher des investisseurs privés ? Les apports pécuniaires de ces mécènes assureraient ainsi une modification des statuts de structures artistiques ne pâtissant dès lors plus à l’avenir de l’emprise morale ou propagandiste des ministères des Affaires religieuses et des Moudjahidine.

Saâdi-Leray Farid. Sociologue de l’art Paris, le 22 mars 2017

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Commentaires (2) | Réagir ?

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gestion

verry nice post, thanks for share

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walid crsic

merci pour l'information