Ramdane Aissani, cette force tranquille, nous a quittés il y a déjà un an
Aujourd’hui j’ai une pensée pour mon ami Ramdane Aissani, un grand homme, hors pair, rassembleur et toujours sourire au coin. Une année au jour le jour est déjà bouclée depuis son enterrement à Montréal.
Le regretté Ramdane Aissani et sa femme n’ont pas invité chez eux que Sœurs Cecilia Bergeron et Madeleine Coté, missionnaires en Kabylie. Leur maison était une villa ouverte à tout le monde, et plus particulièrement aux personnalités kabyles/amazighes connues, chacun dans son domaine.
C’est ainsi que Ramdane Aissani a reçu et/ou partagé des moments d’échanges avec les Makilam, Youcef Allioui, Younes Adli, Ferhat Mehenni, Ali Amrane, Hacene Hireche, Belaid Abane, Hamou Amirouche, les frères Mohamed/Mustapĥa Saadi, Said Sadi, Omar Chafik (le fils de Mohamed Chafik), Ali Yahia Abdenour, Assam Mouloud, … pour ne citer que quelques-uns.
C’était notre plaisir d’échanger avec les uns et les autres dans le but de rassembler nos énergies autour de l’essentiel : Sauvegarder de notre patrimoine immatériel et retrouver notre spiritualité ancestrale.
Patrimoine immatériel et spiritualité kabyle étaient en effet notre sujet favori à chaque fois que nous nous rencontrions, et ce depuis notre première rencontre à Ottawa vers la fin des années 1990, ou nos cœurs et nos esprits ont connu un parfait plan de match. Complètement sur la même longueur d’ondes. Exactement comme disait Slimane Azem "Azger Yaɛqel Gma-s". Ce Slimane Azem dont il disait qu’il aurait pu jouer le rôle du prophète kabyle pour se déconnecter d’un monde mythique et virtuel qui nous étouffe.
A cette époque où je l’ai connu, fin des années 1990, Ramdane Aissani venait de quitter Nortel Network, le géant canadien de la téléphonie et internet, et moi d’y mettre les pieds. Tous deux nous partagions la même passion identitaire mais aussi la même profession: ingénieurs concepteurs dans l’industrie électronique et des télécommunications. C’était le boom, la bulle des dot com et des startups. Ramdane Aissani, très compétent, a saisi l’occasion pour établir sa propre compagnie Advansys Electronix. Son rêve était de réussir, devenir riche et faire bénéficier Taqbaylit en la boostant en avant vers le savoir, la technologie et l’éloigner des mythes fondateurs du mensonge et de bras cassés.
Cette kabylité (et amazighité) qui a la malchance d’avoir des enfants qui n’en ont aucunement le souci une fois devenus riches, il ne cessait de me dire Ramdane Aissani. Qu’ils soient kabyles, mozabites, chawis, chleuhs, ou rifains, doit-on vivre éternellement avec cette malédiction, ne cessait de me dire celui que mes enfants appelaient le Sean Connery kabyle, tellement la ressemblance est frappante avec l’acteur américain.
Ramdane Aissani avait toujours le sourire au coin même si son cœur était plein pour cause d’un ensemble de déceptions de tout genre qu’il n’est pas utile de déballer en public. Il était content à chaque lueur d’espoir qui pointe pour Taqbaylit.
Par exemple au début des années 2000, il s’est donné corps et âme à Montréal pour sauver Berbère TV durant le fameux téléthon organisé partout dans le monde. Je me rappelle nous avons fait ensemble du porte à porte et tous les commerçants kabyles/amazighs de Montréal pour les sensibiliser quant à la nécessité de contribuer financièrement pour sauver la seule chaine TV amazighe dont on dispose. Grace à sa force tranquille, la puissance de ses arguments et son look angélique, qui inspire confiance, il a réussi à convaincre, y compris parmi les commerçants kabyles de tendance islamiste. Dix ans plus loin, nous avons repris notre bâton de pèlerin pour ramasser les 1800 signatures nécessaires pour pouvoir intégrer Berbère TV au réseau canadien Bell/CRTC. A lui seul il a récolté une grande partie de signatures. Il était aux anges, une fois que Berbère TV était acceptée.
Ramdane Aisani suivait avec un grand intérêt mes émissions Akin i latlantik sur Berbère TV. Il me donnait même des idées sur le contenu à y mettre comme par exemple faire un voyage en Californie pour une émission sur les nouvelles technologies en kabyle. C’est ainsi que je suis parti en 2007 à San Jose, San Francisco et Los Angeles pour une série de reportages en kabyle sur quelques compagnies de haute technologie comme Google, Yahoo, … le but était de décomplexer les Kabyles et leur faire savoir qu’ils possèdent en Taqbaylit un trésor linguistique capable de concurrencer les grandes langues en termes de flexibilité pour décrire la science et la technologie. Nous y croyions très fort moi et Ramdane, au point que nous étions partis à Washington DC pour couvrir en kabyle une conférence internationale sur les énergies renouvelables. Une autre fois, c’étaient comme susmentionné pour faire une émission chez lui avec les deux sœurs québécoises Cecilia Bergeron et Madeleine Côté, parlant un parfait kabyle. Celles-ci ont passé une grande partie de leur vie dans le village de Ramdane à At Smail dans la localité de Bounouh (Boghni).
Ce sont là juste quelques souvenirs et moments passés ensemble sans parler des nombreuses occasions où il venait chez moi à Ottawa ou au Saguenay (2002-2009), ou encore quand à chaque fois je transitais par Montréal. Chez lui Ramdane, sa femme et ses trois enfants me réservaient un accueil chaleureux et une chambre pour pouvoir parler stratégie et comment faire face au monstre à 7 têtes qui planifie constamment notre anéantissement tout en tenant compte des contraintes de la vie et des personnes, parmi les nôtres, qui freinent la lutte.
C’est Ramdane qui m’a appris à en faire face avec le sourire et ne jamais se décourager ou répliquer aux coups bas et méchantes attaques, au risque de ralentir notre lutte. Il était pour moi une véritable école et j’étais son disciple qui a appris comment être la force tranquille pour contrer efficacement les obstacles de la vie, les déceptions et les trahisons des uns et des autres.
Ramdane en avait le cœur plein, mais il avait toujours gardé le sourire. Il était rassembleur et rassurant dans ses actions. Qui de nous n'a pas été déçu ? Mais il nous faut rester toujours dignes, souriant, rassembleur et positif comme Ramdane, afin de donner du courage et semer l’espoir auprès de nos jeunes, et leur apprendre à lutter autrement qu’avec les coups bas et les trahisons qui nous ont fait tant de mal depuis le tristement célèbre Boukous.
Repose en paix mon ami Ramdane, tu étais pour moi une véritable école de sagesse.
Makilam Grasshoh, chercheuse Kabylo-Allemande sur Ramdane Aissani: "Je n'oublierai jamais l'accueil de Ramdane et de sa femme lors de mon passage au Canada en octobre 2012. Ils m'avaient ensemble ouvert les bras et leur maison avec hospitalité, chaleur et une ouverture bien kabyle. Ramdane représentait l'homme kabyle dont nous ne pouvons qu'être fiers car il avait hérité de la sagesse de ses (nos) Ancêtres".
Racid At Ali uQasi
16 mars 2017
Commentaires (4) | Réagir ?
MERCI
danke schoon