"Penelopegate" : François Fillon pris dans les filets de la justice
François Fillon a déclaré mercredi qu'il se rendrait le 15 mars prochain à sa convocation devant les juges en vue de sa mise en examen dans l'affaire d'emplois présumés fictifs dont aurait bénéficié sa famille, désormais élargie à des faits de trafic d'influence.
A l'issue de son audition, les trois juges chargés de cette enquête pourront décider de le mettre en examen comme prévu, ou de le placer sous le statut intermédiaire de témoin assisté, en fonction de ses déclarations.
"Mon avocat a été informé que je serai convoqué le 15 mars par les juges d'instruction afin d'être mis en examen", a déclaré François Fillon lors d'une déclaration à son QG de campagne. "Je me rendrai à la convocation des juges (...) je ne désespère pas de la justice, même si ce que nous venons d'en voir n'est pas de nature à nous rassurer."
Le candidat de la droite à l'élection présidentielle dénonce une enquête menée "exclusivement à charge", et estime ne pas avoir été traité comme un justiciable comme les autres. Dans un communiqué, le ministre de la Justice rappelle que "les magistrats ne reçoivent aucune instruction individuelle, de qui que ce soit". "Ils prennent leurs décisions en leur âme et conscience et statuent en droit", écrit Jean-Jacques Urvoas. "Le travail en cours des magistrats n'a pas à être commenté."
Pour preuve de son traitement à part, François Fillon cite notamment la rapidité avec laquelle le Parquet national financier (PNF) a ouvert une enquête préliminaire, après la publication d'un article dans Le Canard enchaîné. Rappelons qu'au début le candidat Fillon demandait à la justice de faire vite. Maintenant que c'est le cas, il fulmine contre l'institution.
Ce n'est toutefois pas la première fois que le PNF ouvre une enquête rapidement sur le seul fondement d'un article de presse. Cela avait notamment été le cas pour les soupçons de prise illégale d'intérêts visant l'ex-conseiller de François Hollande Aquilino Morelle (une affaire classée sans suite), et pour les Panama papers. "L'ouverture rapide, c'est fréquent au PNF", dit une source judiciaire.
Pas de trêve judiciaire
François Fillon reproche également aux juges d'instruction, désignés vendredi soir dernier, de n'avoir pas pris convenablement connaissance du dossier avant de le convoquer. "Il est sans exemple dans une affaire de cette importance qu'une convocation aux fins de mise en examen soit lancée quelques jours à peine après la désignation des juges, sans qu'ils aient pris connaissance du dossier ni procédé à des investigations supplémentaires, sur la simple base d'un rapport de police manifestement à charge", a-t-il dit mercredi.
Pourtant, comme Reuters l'expliquait dès lundi, rien n'empêchait les juges de convoquer le député de Paris immédiatement, dès lecture du dossier.
Ils auraient pu décider de commencer par établir de nouveaux actes d'enquête, mais rien ne les y obligeait. Ils peuvent par ailleurs commencer par une ou plusieurs mises en examen puis poursuivre les investigations par la suite, quitte à reconvoquer les protagonistes dans un second temps, pour des mises en examen supplétives.
Enfin, l'hypothèse d'une "trêve" judiciaire qu'imposerait le calendrier électoral a été balayée dimanche par le ministre de la Justice, qui a rappelé que cet usage n'était nullement inscrit dans la loi.
"Si, dans le passé, pour l'audiencement d'une affaire, c'est-à-dire la fixation de la date du procès, il y a pu avoir des pauses électorales, cela n'a jamais concerné la conduite des enquêtes", disait Jean-Jacques Urvoas dans le Journal du dimanche, ajoutant qu'à ses yeux, "rien ne le justifierait".
Pas de recours possible
François Fillon accuse la justice d'avoir systématiquement écarté les moyens de droit avancés par ses conseils. Avant l'ouverture d'une information judiciaire, les avocats du couple avaient demandé au PNF de se dessaisir, jugeant son enquête "illégale". Mais cette question ne pouvait pas être tranchée dans le cadre d'une enquête préliminaire.
Une fois des juges désignés, ils ont donc demandé "que la chambre de l'instruction de la cour d'appel statue immédiatement sur les irrégularités nombreuses et graves de la procédure", ce qui leur a été refusé, a indiqué mercredi François Fillon.
Déposer un recours à ce stade de l'enquête est toutefois "juridiquement impossible", souligne une source judiciaire. "Cela ne peut être fait que par les parties". Or François Fillon ne sera "partie" à l'enquête, ouverte contre personne non dénommée, qu'une fois mis en examen ou placé sous le statut de témoin assisté.
En décidant de se présenter à sa convocation, François Fillon enlève une épine des pieds des juges. S'il s'y était refusé, les magistrats, privés de mesures coercitives en vertu de son immunité parlementaire, n'auraient pas pu le forcer à comparaître. Ils auraient alors dû demander au bureau de l'Assemblée la levée de son immunité, retardant de fait une éventuelle comparution.
En cas d'élection à la présidence, François Fillon bénéficiera de l'immunité présidentielle, et toute poursuite à son endroit sera suspendue. L'enquête pourra toutefois se poursuivre envers son épouse, ses enfants, et d'autres.
Avec Reuters
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