L’appel du président à un vote massif montre le désarroi du système

Les législatives ne changeront rien de fondamental au fonctionnement autoritaire et clientéliste du système.
Les législatives ne changeront rien de fondamental au fonctionnement autoritaire et clientéliste du système.

Croire ou tenter de faire croire que l’occupation des sièges dans les hémicycles ou les assemblées de wilayas et communes avec les partis de la coalition permettraient de constituer un contre pouvoir est un leurre. C’est une erreur d’appréciation que même les ténors de la révolution ont commis à un moment ou un autre.

D’abord feu Mohamed Boudiaf a cru en la sincérité de ses compagnons de lutte, il a accepté de revenir en Algérie. Mais lorsqu’il a voulu créer le rassemblement RPN pour contrecarrer le pouvoir et s’est attaqué aux intérêts du système, notamment les affaires de corruption, il s’est retrouvé au cimetière.

Plus tard, l’historique Ait Ahmed pensait qu’en prenant les rênes de la destinée du pays, il pourrait changer les choses. Il s’est porté candidat à la présidentielle de 1999 mais avant même qu’elle se déroule, il a terminé dans un hôpital.

Depuis pratiquement l’ouverture du champ politique après les émeutes sanglantes d’octobre 1988, seul un parti a tenté de chambouler, maladroitement d’ailleurs le système en vain : il s’agit du Front islamique du salut, le reste et ils sont nombreux se sont contentés de chauffer les sièges en s’accommodant avec l’establishment en place qui mène la barque à tous les niveaux. Si pour les premiers, leur traversée du désert de plus d’une quarantaine d’années ne leur a pas permis de bien inclure dans leurs analyses une distinction claire entre le pouvoir et le système qui le contrôle, les seconds se sont trop focalisés sur la personne de Bouteflika et son clan, une démarche qui, non seulement, arrange le système mais le met hors de toute turbulence. Pourquoi le système s’est-il affaibli ? Est-il immuable ? Comment l’opposition le fait perdurer ?

1- Quelles sont les causes de l’affaiblissement du système algérien ?

En dépit du rejet systématique de la politique des systèmes par les populations mondiales et l’hostilité à leur égard, certains régimes se maintiennent contre vents et marrés. En effet, de nombreux pays ont réussi à faire attirer les citoyens à leur démarche. Comment ? Ils ont développé une assise économique forte basée sur une technologie de pointe qui n’a rien à envier à celle du type occidentale. Les exemples ne manquent pas : l’Iran est une dictature qui investit dans la recherche technologique. Elle dispose, rien qu’aux Etats-Unis, de près d’un million de personnes qui forment une diaspora très tournée vers leur pays. Le Kazakhstan est un régime présidentiel autoritaire que les Kazakhs préfèrent de loin à la démocratie classique pour la simple raison qu’ils se sentent heureux. Cuba développe une médecine dont les Américains s'inspirent. 80% des Russes approuvent Vladimir Poutine par ses offensives diplomatiques. Et on pourrait citer une centaine de pays de la sorte.

En revanche, le système algérien n’a rien développé de solide pour tisser un lien avec sa composante. Une économie de rente fortement dépendante des hydrocarbures et des importations, une très faible créativité composée d’assistés qui attendent la bouche ouverte des aides de toutes sortes. Ce système noue ses liens par le noyautage, le clientélisme, le népotisme. Dans les institutions, il existe certes un lien organisationnel basé sur la subordination/coordination, mais dans la pratique c’est l’artifice je-te-tiens-tu-me-tiens-par-la-barbichette qui l’emporte. Chacun monte des dossiers sur l’autre dans un climat de totale suspicion. De part leur nature, ces liens sont muables mais pour perdurer ils doivent être constamment entretenus par des moyens matériels.

Ces dernières années, la crise des recettes hydrocarbures dans laquelle est plongée l’Algérie ne permet plus d’entretenir cet ordre établi qui a commencé à s’effriter. Il aurait pu l’être complètement si l’Instance de Concertation et Suivi de l’Opposition (ISCO) est arrivée à consensus pour laisser les partis au pouvoir seuls face à l’application de leur programme. Par leur participation massive, ceux qui y prennent part ont allongé la durée de vie de ce système qui était au bord de l’étranglement. La preuve, la récente sortie du ministre de l’intérieur au sujet des partis qui boycotteraient les prochaines élections législatives montrent incontestablement la gêne pour ne pas parler carrément de la déroute de l’establishment dans la démarche de leur poursuite dans la stratégie de continuité et surtout leur aveu d’échec de trouver un leader charismatique comme alternative. N’est-il pas allé jusqu’aux menaces ? Cette fois –ci à en croire le leader islamiste Menasra qui affirmait à la chaine Al Magharibia que c’est le pouvoir qui insiste pour que leur aile s’unisse et c’est ce qu’ils semblent faire pour satisfaire cette sollicitude.

2- Conclusion

Le sort de l’ordre établi qui arrangeait les différentes constituantes du système est scellé. C’est simplement une question de temps. Les tentatives de fertilisation pour perpétuer le système à travers les générations restent vaines. Les jeunes de facebook sont de plus en plus ouverts au monde extérieur. L’Analyse de l’expert français, Jean-Louis Guigou, ce spécialiste renommé de l’aménagement du territoire qui prédit un avenir prodigieux pour l’Algérie et qui a d’ailleurs emballé les réseaux sociaux a placé ses critères dans une équation vue d’un œil externe et notamment européen. Il est sorti du Forum Europe–Afrique qui s’est tenu le 4,5 et 6 décembre 2016 impressionné par les bluffs des conférenciers sur les projets pour le développement de l’Afrique comme le fameux gazoduc transsaharien ou celui qui relie le Maroc au Nigeria etc. Des projets stériles qui ne verront jamais le jour. Mais il n’a pas tord sur l’avenir de l’Europe dont uniquement les importations des denrées agroalimentaires des pays riverains qu’il cite font travailler plus de 2 millions d’agriculteurs de la France et des pays bas. Elle se robotise certes, mais déverse ses experts dans les pays africains dont l’Algérie.

Les Chinois quant à eux viennent en Algérie pour travailler dans les secteurs à forte croissance pour la partager avec les Algériens. Ils ne prennent aucun risque. La diaspora algérienne est très dynamique et a effectivement prouvé que l’Algérien dès qu’il quitte son pays, il devient créatif et startuper, mais contrairement aux Vietnamiens, Tunisiens, Turcs, Iraniens, Marocains, elle n’est pas tournée vers son pays. Ce pays non plus ne fait rien pour en bénéficier de son expérience. Est cela les signes prometteurs d’un "très grand pays" ?

Rabah Reghis, Consultant, Economiste Pétrolier

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Commentaires (22) | Réagir ?

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adil ahmed

merci

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msilaDSP DSP

MERCI

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