Boycotter pour s’opposer au régime ou pour pénaliser l’opposition ?
Dans une lecture politique simpliste qui ne se conjugue ni dans son contexte ni sa conjoncture, le boycott des élections est, à priori, perçu comme une opposition radicale au pouvoir en place. Dans le cas du régime algérien qui représente une particularité extraordinaire dans l’exercice du machiavélisme, il faut savoir lire et relire sa copie d’opposant à chaque échéance et à chaque conjoncture.
Il se trouve que dans un contexte bien défini comme celui des législatives du mai 2017 et quand on analyse en profondeur la donne politique de l’heure, le boycott n’est rien d’autre qu’un soutien objectif à la stratégie du pouvoir et surtout une volonté de pénaliser l’opposition démocratique qui participe.
Mettre en avant une imaginaire bipolarisation politique Boycotteurs-participants est la manière la plus ridicule d'accompagner le régime dans sa sale besogne qui projette la "clochardisation" de la pratique politique et surtout l’accompagner dans son objectif de mettre un terme au multipartisme principal acquit démocratique des sacrifices du peuple algérien de 1980 à 2001 en passant par 1988 et la macabre décennie noire.
Les partis ne convergent et ne divergent que par leurs idéaux et leurs programmes. Le passage de l'opposition à l’exercice du pouvoir ou bien de l’exercice du pouvoir à l’opposition est la chose la plus normale qui puisse arriver dans la vie d'un parti qui se respecte. Ça s'appelle l'alternance et c'est exactement ça le sens de la démocratie. Ceci dit, la diabolisation des partis politiques de l'opposition qui participent à la prochaine échéance électorale est le plus grand service à rendre aux partis-appareils de l’allégeance.
Le discours du genre "les irrégularités autour d'un scrutin sont normales, le pouvoir est dans son rôle" conforte le pouvoir dans sa logique de diaboliser l’exercice politique et de le vider de son sens. Pour certains, tout est justifié, il n y a que les démocrates qui participent aux législatives et qui respectent les règles du jeu qu'il faut dénigrer sinon les partis de l'allégeance sont "dans leur rôle". Voyez-vous à quel point le pouvoir compte sur le radicalisme fataliste dans ses stratégies machiavéliques ? il en profite et il en profite sans modération.
En s’opposant exclusivement à l'opposition qui participe aux législatives, l'opposition qui boycotte soutient objectivement les partis de l’allégeance.
Nous comprenons parfaitement que devant un pouvoir aussi autiste et méprisant de toute contradiction politique, il n y a pas plus aisé que de défendre la non-participation et d’être hostile à toute volonté de tenter de s’opposer de l’intérieur des institutions. Cette manière d’opter pour la facilité pour ne pas dire le populisme dans l’exercice politique ménage bien le pouvoir qui se retrouve maître de l’institution législative. Il se permet le luxe de la garnir avec des partis-appareils alibis.
Les instances des partis démocratiques qui ont décidé de participer aux législatives sont souveraines. Ce qui importe c'est le fait que les décisions se prennent dans un cadre démocratique et que ces partis fonctionnent d’une manière démocratique. Participer à une échéance électorale ou la boycotter relève, essentiellement, d’une stratégie politique conjoncturelle dans la vie d’un parti politique. Le Changement espéré s'inscrit dans la durée et dans la manière avec laquelle l'opposition pourrait converger sur un minima démocratique autour d’une alternative politique à la hauteur des défis de l’heure et de la complexité de la crise. L’assemblée populaire nationale peut constituer une tribune pour une opposition qui saura garder son autonomie et parmi les partis d’opposition qui participent, le RCD a démontré par le passé son opposition efficace au sein de l'APN et il a osé se retirer même du gouvernement quand il l'a fallu.
En 2008 quand Bouteflika a violé la constitution via l'APN, les députes du RCD ont réussi à faire de l’hémicycle un lieu d’opposition et de conscientisation du citoyen autour de la gravité d’un tel acte anticonstitutionnel.
Le boycott est avant tout une action à vocation de s’opposer au pouvoir. Au lieu de tenter de discréditer l’opposition qui participe, les boycotteurs feront mieux d’interpeller le pouvoir concernant les irrégularités qui commencent à entacher les élections bien avant leur déroulement. Ça sera plus rentable et pour la démocratie et pour le pays.
Moussa Nait Amara
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Merci bien
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