Faut-il vraiment demander la tête de Mohamed Raouraoua ?
Curieusement, tout le monde se demande quand est-ce que je vais rentrer à Alger ? On dirait que je fais l’objet de recherches, s’est exclamé le président de la FAF !
Depuis quelques jours, une féroce campagne médiatique est menée contre Mohamed Raouraoua, par des journalistes sportifs et aussi quelques "footeux" invités à médire sur l’homme sur les plateaux télés d’Ennahar et Echourouk notamment. A croire qu’il est devenu le seul prisme de leur pâle existence, leur seule motivation, leur seule valeur.
Du jour au lendemain, une horde de "one two threestes" se sont réveillés d’une longue sieste, pour devenir plus patriotes que leurs voisins. Pour défendre les Fennecs, ces combattants du désert, patrimoine des Algériens disent-ils. Ce n’est pas nouveau, et ce n’est pas uniquement propre aux Algériens ni certains médias notamment privés qui ravivent, invariablement, la flamme de la fierté collective : "one two three, viva l’Algérie !". Comment peut-on être fiers d’un exploit auquel on n’a pas participé ?
Il y a aussi cette publicité qui joue sur ce sentiment de fierté. Elle joue gros, elle joue gras ! Tout est fait pour s’approprier cette fierté, un peu, juste assez pour en tirer une larme et vendre son spot : "Chkoun Ahna ?", déclamait, pathétiquement et dans un drôle d’accent, Riyad Mahrez. Ridicule ? Oui, à croire les internautes qui lui ont répondu par un cinglant : "Eli ydji yerbahna !".
Il faut dire que la fierté collective particulièrement dans le domaine du football fonctionne quand ça nous arrange. Pour les victoires. Quand il y a échec, on cherche un bouc émissaire. On croit l’avoir trouvé en la personne de Mohamed Raouraoua. Le héros, dit-on, sera lâché par ceux qui avaient tant loué sa réussite : les politiques, les médias, le monde des affaires, les supporteurs des Verts. Tous ? Peut-être pas ? Par exemple, son meilleur "ennemi" Noël Le Graët, président de la Fédération Française de Football qui, lui rendant hommage, disait de lui : "C’est un personnage reconnu dans le bon sens du terme, bien évidemment. Il s’impose par ses connaissances. C’est un homme juste, il connait bien le foot, mais il va au-delà. C’est un personnage international qui a fait de l’excellent boulot dans sa fédération".
Jusque-là, écrivait un éditorialiste d’un journal en ligne, rien d’anormal. Mais la puissante campagne médiatique qui aspire à résumer les problèmes de l’Algérie à un seul homme, à savoir Mohamed Raouraoua, soulève moult interrogations. Aujourd’hui, il y a bien une chasse à l’homme dont l’origine serait plus à chercher du côté des politiques que du côté du monde sportif.
En effet, si d’aventure le patron de la FAF venait à postuler pour un mandat supplémentaire en mars 2017, il n’aura aucun problème à se faire réélire, grâce aux membres de l’Assemblée générale qui lui sont totalement acquis et qui, sont d’ores et déjà prêts à adopter son bilan moral et financier. En revanche, trois motifs ont, incontestablement, pollué son parcours :
Le premier tient à sa personnalité. Une grande gueule comme on les déteste en Algérie, avec marqué sur le front et par devers lui : pognon, magouille, embrouille. Sa réussite a toujours été considérée par ses adversaires comme suspecte. En même temps, imaginer Mohamed Raouraoua dans le rôle d’une victime paraît donc inconcevable, lui qui ne cesse de répéter, partout qu’il est le plus fort.
Le deuxième tient à sa supposée proximité avec les tenants du pouvoir. Ceux dans l’opposition n’ont pas apprécié. L’un d’entre eux, le député islamiste Hassan Aribi, intervenant sur la chaîne Ennahar Tv, s’est fondu d’une diatribe d’une rare violence contre le patron de la FAF qu’il a accusé de tous les maux de l’Algérie !
Le dernier motif : Raouraoua est un symbole à abattre ! Le ministre de la Jeunesse et des Sports compte "lui demander de lui rendre des comptes", et celui de la Communication, estime que l’intéressé "a certes réussi en 2014, mais il a échoué en 2017". Ces deux ministres feignent d’ignorer que l’intéressé n’a de comptes à rendre qu’à l’assemblée générale de la FAF.
L’homme, faut-il le dire, ne laisse pas indifférent. On pourra toujours critiquer ses défauts, son supposé affairisme, son bluff, son arrogance, son imprudence, son insolence, sa façon de transformer tout ce qu’il touche en or (loi des Bahamas), puis en mouise (la sortie peu glorieuse des Fennecs au premier tour de la CAN), puis après avoir pesté un peu, par jalousie, contre son parcours et sa supposée fortune, il reste néanmoins une personnalité exceptionnelle du paysage sportif et médiatique et, pour n’avoir pas accepté de démissionner de son poste, bien avant la CAN, il va peut-être se brûler les ailes, comme Icare.
Un vrai gâchis pour tous ceux qui, comme lui, ont utilisé "l’ascenseur social" pour grimper vers les cimes, car l’ascension de l’homme n’a pas été aisée. Natif de la Casbah, jeune fan de l’USM Alger, il réussit ensuite, à intégrer l’équipe dirigeante, tout en menant en parallèle une carrière professionnelle plus qu’honorable. Il fît son entrée à la FAF, grâce à de solides appuis, avant d’être stoppé par Yahia Guidoum qui lui préféra un illustre inconnu, Hamid Hadadj qui, à l’évidence, n’était pas fait pour le job. Sa pugnacité et sa combativité ont encouragé "El-Hadj" comme le surnomment, respectueusement, ses amis, à revenir à Dely-brahim et avec lui de nombreux sponsors, au grand dam de ses adversaires. Mohamed Raouraoua était donc devenu l’une des personnalités sportives les plus médiatiques en Algérie, en Afrique et au sein de la FIFA où il a réussi à se faire élire. C’est vrai aussi qu’il n’avait cessé d’intriguer et de rappeler sa proximité avec ceux d’en haut.
C’est stupéfiant car dans le reste du monde, sauf peut-être en Corée du Nord, le succès est admiré, les milliardaires sont encensés, les patrons sont remarqués comme des hommes exceptionnels et les "self made men" comme le patron de la FAF sont considérés comme des héros.
Mais il faut se l’avouer, le charivari qui a pollué la sortie des Verts et le pseudoéchec du patron de la FAF n’avait pour toile de fond que l’argent. Celui de la fédération, des sponsors, des footballeurs, trop grassement payés. En dollars ! Pour de piètres résultats, dit-on.
L’argent que l’on ait, c’est bien. Mais ne penser qu’à cela, c’est épouvantable ! Pourtant, cela fait partie des mœurs algériennes : la bonne moralité veut qu’on n’en fasse surtout pas étalage, car cela exciterait les bas instincts des autres, la rancœur des moins talentueux ou moins chanceux parmi les adversaires de Raouraoua, jaloux de sa position aujourd’hui, comme ils l’étaient, hier, pour Rebrab ! Celui-là même qui aligne un chiffre d’affaire impressionnant de 4 milliards de dollars, une position de premier groupe privé en Algérie, premier groupe agro-industriel en Afrique, 26 filiales sur 3 continents et aussi 18000 employés. Il faut arrêter de stigmatiser la performance et la réussite économiques.
Cette vision, inspirée de la lutte des classes, trouve sa source dans un vieil héritage marxiste qui considère que la réussite des uns, se fait au détriment de la réussite des autres. Cela a des conséquences tragiques pour notre pays. Un entrepreneur qui réussit se sent tellement, peu valorisé, que son premier reflexe est de vendre et de fuir le mauvais climat des affaires, la bureaucratie et la jalousie.
Sur l’argent justement, Nicolas Sarkozy écrivait six ans avant son élection en 2007, dans son livre Libre : "le succès n’est pas ressenti ni accepté comme une valeur positive, au lieu de mobiliser la société à travers de ceux de ses membres qui ont réussi, on préfère l’exciter contre celui qui a plus que l’autre, sous entendu parce qu’il a pris, volé ou arracher à d’autres !".
Le paradoxe, évidemment, est que la crise financière n’a pas vraiment fait souffrir les algériens. Mais elle est un bon prétexte pour retourner aux vielles habitudes, à la condamnation des riches, et du secteur privé, source de tous les maux du pays, disent-ils.
Une fois qu’on aura épuisé les colères contre Raouraoua, qu’y a-t-il à ajouter ? Passées la coupe d’Afrique et ses déceptions vient de l’écrire un éditorialiste, passée la vindicte médiatique contre joueurs, entraineurs, et particulièrement contre le président de la FAF, passé donc le «machin» qu’on appelle football, qui n’est, en définitive, qu’un jeu, même si ces derniers temps, on veut nous faire admettre le contraire, les citoyens reviendront à des choses autrement plus sérieuses : les difficultés de la vie reprendront, fatalement, le dessus accentuées par les effets corrosifs de la crise économique qui, nous dit-on, commence à peine à s’installer. Et à ce moment là, que faut-il faire ? Chercher un autre bouc émissaire ? Allumer un contre-feu ? Ou se remettre à travailler sérieusement pour sortir le pays du marasme ?
Cherif Ali
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verry nice post, thanks for share
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