Chakib Khelil 2017 : le retour du sauveur ou du filou ?
Dès son investiture en 1999, le président Bouteflika se tourne vers ses amis arabes des pays du Golfe pour les inviterà venir investir en Algérie. Il y a eu quelques effets d’annonce pour des investissements colossaux d’hommes d’affaires arabes qui se sont présentés les poches vides, mais sans plus.
Le nouveau modèle économique
Qu’à cela ne tienne, Abdelaziz Bouteflika n’a plus besoin de l’argent de ses anciens bienfaiteurs car l’Algérie décroche le jackpot avec un prix du pétrole qui n’a pas arrêté de grimper durant ses trois premiers mandats. C’est lui qui va se montrer très généreux vis-à-vis de ses amis arabes, avec l’argent de l’Etat. Mais, hélas pour son peuple, la manne pétrolière ne sera pas utilisée pour bâtir une croissance durable indépendante de la fluctuation des prix du pétrole et créer de nouveaux emplois stables. Bien au contraire, elle a surtout contribué à alimenter la corruption et à étouffer les activités de production nationale.
Au plan politique, l’avènement du multipartisme n’a pas empêché le régime qui a coopté Bouteflika de le proclamer Président à vie. C'est sa récompense. Flanqué d’un bras droit américain, "l'enfant adultérin d'un système grabataire et d'une démocratie violée" a su utiliser la rente pour combler en priorité toutes les attentes de ses parrains. Cherif Messaadia l’avait prédit : "Bouteflika, c’est d’El-Mouradia à El-Alia, sans escale". Le clan présidentiel en profite pour renforcer son contrôle sur les médias. Cette stratégie d’infiltration est élargie à plusieurs partis et aux syndicats importants. Le régime s’enrichit, tisse sa toile et commence à croire que la rente est éternelle. Il restreint les libertés élémentaires des citoyens etignore les leçons du passé. Il oublie que le verrouillage des libertés avait poussé le peuple à s’exprimer violemment dans la rue, un 5 octobre 1988.
La baisse prévisible et durable des prix du pétrole, durant le 4e mandat, créé un nouveau paradigme qui ébranle dangereusement les alliances constituées durant les quinze premières années autour du partage de la rente pétrolière. Imperturbable mais très affaibli, Bouteflika rassure : "L’Algérie traversera sans difficultés majeures les graves perturbations du marché international des hydrocarbures". C’est un message à sa garde prétorienne, indiquant qu’il ne modifiera pas sa politique économique et sociale car les dés sont jetés et qu’il ne peut plus revenir en arrière. Bien entendu, en ignorant la crise, il alimente un climat de défiance au sein du sérail. Des éléments proches du système affirment publiquement que le président n’est plus en état de gouverner. Il faut absolument resserrer les rangs et montrer que Bouteflika, malgré son handicap de santé, est aux commandes pour éviter toute mutinerie au sein de la grande muette. Plusieurs généraux hostiles sont mis en retraite et certains potentiellement dangereux ou trop critiques sont embastillés. La leçon est vite comprise et tout rentre dans l’ordre une fois de plus. La télévision officielle a la lourde tâche de témoigner, une fois par mois, à travers quelques images furtives, parfois pénibles à regarder, que le président est bien vivant.
Privés d’arguments pour défendre le statu quo du "nouveau modèle de croissance économique", les mentors du système peinent à rassurer leurs apparatchiks. Ils éludent les questions importantes et clament haut et fort que le gouvernement sera en mesure de faire face à la crise financière en tablant sur une remontée miraculeuse des prix du pétrole. Ouyahia déclare que la crise financière qui secoue le pays ne durera pas plus de deux ans. Comment interpréter cette déclaration quand tout le monde sait que l’Algérie ne peut pas équilibrer son budget avec un prix du pétrole inférieur à 110$/bbl?
La solution qui consiste à épuiser les réserves de change et à recourir à l’endettement externe a ses limites. Que fera la cigale insouciante en 2019 quand elle aura épuisé ses réserves sachant que la fourmi (prononcer FMI) n’est pas prêteuse sans conditions ? Quel sera le prix à payer en plus de la vente des bijoux de famille ?
D’autant plus que le monde de la finance internationale sait que la situation financière de l’Algérie va s’aggraver d’ici cinq ans, avec la baisse programmée (par l'ingénieur américain) des exportations d’hydrocarbures.
Par contre, tout indique que plusieurs légataires du régime ignorent que la crise énergétique est à nos portes. Pour ces derniers et tant d’autres, le Conseil des ministres, après sa réunion du 06 octobre 2015 présidée par le président Bouteflika, décide de jouer cartes sur table en publiant dans les détails, une première en Algérie, les niveaux de nos réserves d’hydrocarbures (communique). Le chiffre de 2700 milliards de m3 de gaz naturel n’a pas perturbé nos pseudo-experts qui continuent à faire référence aux 4500 milliards de m3(réf. 2014) que l’on retrouve dans les revues internationales spécialisées.
Moins d’un mois après ces révélations alarmantes du gouvernement, Chakib est officiellement réhabilité à Washington, en prévision de son retour en Algérie. Certains proches du régime présentent ce retour comme celui du sauveur qui va sortir l’Algérie de la crise financière.
Chakib Khelil, le fou du roi ?
Chakib Khelil est la pièce maîtresse du grand échiquier de Bouteflika. Le citoyen lambda ignore que notre richissime ex-ministre de l’Energie et des Mines a dépouillé en 2005 Sonatrach de ses missions stratégiques pour les confier à une coquille vide, conçue à Washington, appelée Alnaft, un prélude à la privatisation du secteur de l’énergie. Il faut revenir en arrière et se rappeler que Bouteflika avait, en 1999, affiché le principal objectif de sa feuille de route, en présence de Sidi Saïd : "Il y a une chose à laquelle vous n'allez pas échapper: la privatisation de Sonatrach" (réf. le démantèlement de Sonatrach). Le fou du roi a confirmé cet objectif en 2001, en présence du PDG Bouhafs, du syndicat de Sonatrach et de l’ensemble des cadres supérieurs de Sonatrach. Il disait avec un sourire malicieux : "c’est dans votre intérêt, vos salaires vont augmenter".
Pour arriver à ses fins, Chakib Khelil, en mission en Algérie, a remplacé tous les cadres dirigeants de Sonatrach par des cadres connus pour être "accommodants" qui ont vite accepté de participer à des opérations préjudiciables aux intérêts nationaux. L’Algérie est probablement le seul pays au monde où tous les membres du comité exécutif d’une société étatique stratégique ont été écroués par la justice pour association de malfaiteurs. Mais on n’a pas arrêté les donneurs d’ordres qui, après avoir bloqué le cours de l’instruction judiciaire et libéré tous les détenus (même ceux ayant des comptes en banque personnels de plusieurs millions de dollars à l’étranger), se permettent aujourd’hui de relancer d’autres opérations de corruption et de sabotage. Il est essentiel pour le clan de montrer qu’il est au-dessus des lois pour rassurer ses nombreux agents au sein des entreprises, en prévision de nouvelles malversations. La survie du clan semble dépendre de sa capacité à provisionner des comptes off-shore qui serviront à verser des dividendes aux forces de l'ombre qui le soutiennent.
Le montant de 198 millions de dollars de pots-de-vin révélé par la presse italienne dans le procès Saipem-Sonatrach, qui connaît son énième report à Milan, n’est que la partie visible de l’iceberg. Chakib Khelil a engrangé de manière illicite des milliards de dollars grâce aux 3% prélevés sur les contrats de service surfacturés à Sonatrach et Sonelgaz par Saipem, Haliburton/BRC, Petrofac, SNC-Lavalin, General Electric et tant d’autres. On le surnomme le grand argentier de la maffia. Plusieurs personnes ont dénoncé, sans résultats, les actes malveillants de ce personnage, bien avant ses déboires avec la justice (lettre ouverte). C’était peine perdue car on apprendra assez tôt que Chakib Khelil et ses hommes de main réfugiés dans les monarchies du Golfe sont des employés intouchables. C’est le fou du roi, il peut tout faire sans craindre d'être sanctionné, à la condition de garder ce sourire railleur. Les "Panama Papers" ont révélé que son homme de confiance, Habour, recherché par la justice italienne dans le scandale de Saipem (et dont les biens immobiliers en France ont été saisis), a créé, entre autres, un montage financier au bénéfice de la fille du premier ministre algérien. Il est probable que certains juges étrangers en charge des commissions rogatoires internationales connaissent les noms des nombreux bénéficiaires de ces détournements. On peut supposer que ces secrets d’Etat seront utilisés "à bon escient", en temps voulu, pour faire pression sur le gouvernement algérien.
Après le retrait de son projet de loi sur les hydrocarbures, Chakib Khelil a mis au point un nouveau mécanisme d’extorsion de la rente gazière où sont impliqués, entre autres, Sawaris, Vilar Mir, Bahwan et aujourd’hui Haddad. Il prélève le gaz vendu à long terme aux Européens pour le céder à un prix symbolique aux usines d’exportation d’engrais d’Arzew et d’Annaba gérées en partenariat avec les amis arabes et espagnols du président. Ceci n’est plus de la simple corruption, ce sont des actes de prévarication qui ont nécessité la mise en place d’une longue chaîne de complicité au niveau des responsables des sociétés étatiques. C’est le plus grand scandale de l’Algérie car le préjudice économique pour le pays est abyssal. On parle ici d’un détournement d’environ 5 milliards de m3 de gaz par an, soit 100 milliards de m3 sur la durée de vie moyenne des installations industrielles.
En 2010, la dilapidation et le gaspillage des ressources gazières avaient fait réagir la CREG (Commission de régulation du gaz et de l’électricité) qui a publié un rapport édifiant dont les conclusions ont été reprises par le quotidien Liberté (Algérie cessera d'exporter du gaz en 2017). Heureusement pour l’Algérie, plusieurs projets industriels de "diversification aux exportations de gaz naturel" (nouvelles usines d’aluminium, d’ammoniac avec Fertiberia, de méthanol..) ont été gelés après le départ de Chakib Khelil, ce qui a retardé l’échéance de la crise énergétique, mais ce n’est que partie remise.
La partie d'échec a redémarré. Il n’y a qu’à voir comment se déplacent les pièces sur l’échiquier pour comprendre ce qui se trame en coulisse. Le fou du roi a la voie libre car ses ennemis sont neutralisés. Les dossiers judiciaires le concernant et les juges qui les ont instruits sont remisés au placard. Il bénéficie d’une garde rapprochée dans ses déplacements. Les chaines de télévision et les journaux lui déroulent le tapis rouge et diffusent ses prêches.
En fait, pour les joueurs aguerris, le retour au pays de Chakib Khelil n’est pas fortuit. Le déplacement du fou du roi intervient après le mouvement du pion Bouchouareb qui annonce la signature de contrats impliquant Asmidal pour la réalisation d’une 4eme usine d’ammoniac (Bouchouareb partenaire indonesien). Après un intermède de cinq ans, le Clan revient au programme d'extorsion de la rente gazière. La crise financière est donc le dernier des soucis du gouvernement puisqu’il fait tout pour l’aggraver de manière sournoise.
Le décor est planté. Chakib Khelil revient pour nous donner le coup de grâce en réactivant la feuille de route machiavélique conçue par ses patrons. Il va pousser à l’endettement de l’Algérie en privilégiant des investissements étrangers non rentables financés par la dette publique (ils l’ont déjà fait pour les unités d’engrais, et tant d’autres projets d'exportation en partenariat!) et faiblement créateur d’emplois, de préférence énergivores pour rapprocher la date fatidique de la fin des exportations d’hydrocarbures. Certains avancent qu’il est en service commandé (confessions d'un assassin économique) depuis sa participation au plan Valhyd au début des années 70 (plan Valhyd). Son immunité auprès des tribunaux italiens et américains, malgré toutes les preuves de corruption, incite à entériner cette thèse.
Les hommes du sérail savent qu’il n’a jamais été très loin des décisions prises à Alger et qu’il a continué, après son départ en 2010, à contrôler à distance le secteur de l’énergie à travers les managers inamovibles qu’il a nommé à Sonatrach, Sonelgaz et au niveau des agences.
Pour faciliter la main mise sur Sonatrach, la rumeur dit qu’il a fait nommer comme PDG un jeune directeur inexpérimenté qui n’a jamais assumé la responsabilité de cadre dirigeant. Ceux qui le connaissent bien ont reconnu sa marque de fabrique! On chuchote aussi que Boutarfa qu’il avait nommé PDG de Sonelgaz en 2004 lui doit sa promotion au poste de ministre de l’Energie (jeuneafrique noureddine boutarfa).
Le ministre de l’Energie, dans ses dernières déclarations, reprend les grandes lignes de la politique de Chakib Khelil. Il annonce des investissements capitalistiques risqués (en pleine crise financière) dans la pétrochimie en oubliant de préciser que les deux complexes pétrochimiques construits à Skikda, à l’arrêt la plupart du temps comme El Hadjar, sont des gouffres financiers. Il manifeste l’intention d’investir massivement dans des raffineries implantées loin des ports sans s’inquiéter ni de leur rentabilité, ni de la baisse de production de pétrole brut. Enfin, le plus important aux yeux de son mentor, il déclare son intention de réviser la loi sur les hydrocarbures pour la "rendre plus attractive".
En avril 2016, M. Badache, Président de l’agence de régulation du marché de l’électricité et du gaz (CREG) fraîchement nommé, met les pieds dans le plat en annonçant aux invités du groupe britannique Oxford Business (OBG), en présence de ministres algériens, que l’Algérie connaitra une pénurie de gaz naturel au-delà de 2030. M. Badache n’a fait que tirer la sonnette d’alarme pour informer les citoyens algériens que l’Algérie a moins de dix ans pour réussir une transition énergétique. Cette annonce lui a coûté son poste alors que l’indéboulonnable Président d’Alnaft, nommé par Chakib Khelil en 2005, n’a toujours pas réussi à "promouvoir les investissements dans la recherche et l'exploitation des hydrocarbures".
En résumé, Sonatrach malmène les gisements d’hydrocarbures existants pour produire plus de gaz, Alnaft ne renouvelle pas les réserves d’hydrocarbures consommées sans retenue et Sonelgaz retarde sciemment la transition énergétique, alors que l’heure tourne. (A suivre)
Sid Kaci
Commentaires (4) | Réagir ?
verry nice post, thanks for share
http://virtuelcampus. univ-msila. dz/inst-gtu/
En quelques mots, après lecture de cet excellent rapport ! Il s'agit là, assurément, de haute trahison ! De crime économique mettant en danger le pays aujourd'hui et demain voire pour plusieurs générations. Le pays n'appartient plus aux Algériens mais aux étrangers ! Qui pourrait arrêter cette grande braderie ?
Qui peut stopper les dérives prédatrices de ceux qui sont aux commandes de cette politique suicidaire ? Peut-être qu'un jour proche, la faim, la mal-vie les échecs subis par la plèbe elle seule, s'allumera le feu qu'il sera difficile d'éteindre. Mais gardons l'espoir qu'il reste encore des hommes capables de sauver ce pays, du moins de ce qui en reste.
Bonjour Monsieur KACI, votre rapport est très bien documenté et vos arguments sont sans équivoques . Comme monsieur ATLAL, je suis de son avis : cette histoire est belle et bien :un complot contre le pays tout entier et aussi une très haute trahison contre ce peuple endormie à ce jour. bouteflika à infiltré le clan d'Oujda, il à berné Boumediène et tous les autres maquisards, mais son seul objectif est la colonisation de l'Algérie après le départ de la France.
Il à mis du temps, mais il à réussie son plan satanique ?. Rabi Youstor Bledna et nos compatriotes sans distinction. Bonne journée à vous et mil mercis à Monsieur KACI et Si REGHIS qui nous éclairent de leurs patriotisme et leurs actions bénéfique pour tout les Algériennes et Algériens.