Accidents de travail mortels : entre fatalité et prévention

Les entreprises sont tenues d'assurer les meilleures condition de travail à leurs salariés pour leur éviter les accidents.
Les entreprises sont tenues d'assurer les meilleures condition de travail à leurs salariés pour leur éviter les accidents.

Aujourd’hui, le 09 janvier de cette année 2017, là où je travaille, nous venons de perdre un collègue. Un jeune homme en bonne santé et plein de vitalité vient de décéder accidentellement sur son lieu de travail. Anéanti à la fleur de l’âge suite à une électrocution. Ce n’est peut-être qu’un accident de travail mortel parmi tant d’autres, mais c’est un de plus. Une personne, qui disposait de toute la vie devant elle et ayant tant à donner pour son pays, se fait fauchée, accidentellement, par la faucheuse. Cet accident tragique est-il exceptionnel ? Malheureusement, non. En effet, l’Algérie enregistre annuellement et ce, depuis cinq ans, 600 décès sur les 50 000 accidents de travail recensés. Un chiffre communiqué en fin de décembre 2016 par le directeur général de la Caisse nationale des assurances sociales (CNAS), Hassen Tidjani Haddam. Mais les accidents de travail mortels sont-ils une fatalité devant laquelle nous ne pouvons rien y faire ? Mais la question la plus importante, à mon sens, est : comment s’en prémunir ?

Suivant la Loi n° 83-11 du 2 juillet 1983 relative aux assurances sociales (JORA N° 28 du 05-07-1983) est considéré comme accident de travail tout accident ayant entrainé une lésion corporelle imputable à une cause soudaine, extérieure, et survenu dans le cadre de la relation de travail. La notion d’accident n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Le terme "accident" inspire un évènement imprédictible, qui ne peut donc pas être avisé. Le plus souvent le mot accident est associé à un autre mot "traumatisme", défini par l’OMS, Organisation mondiale de la Santé comme : "Le dommage physique causé à une personne lorsque son corps a été soumis, de façon soudaine ou brève, à un niveau d’énergie intolérable". Cette définition élargit le champ de l’accident à un grand nombre de problèmes de santé de survenue soudaine. Les accidents mortels d’origine professionnelle peuvent survenir dans des conditions très variées tels que sur le lieu de travail ou en mission sur la route en cas d’activité professionnelle nécessitant des déplacements…

Au-delà du drame humain que représente un accident, mortel ou non, auquel s'ajoute l'impact psychologique sur l'ensemble des collaborateurs, l'enjeu financier pour l'entreprise peut être dramatique. En effet, le coût d'un accident du travail, grave ou mortel, se situe à deux niveaux. Direct, d'abord: la Sécurité sociale répercute, en effet, sous forme d'une cotisation. Indirect: on l'évalue généralement à deux ou trois fois le coût direct, car il entraîne l'arrêt momentané du travail, la réorganisation de l'activité, des délais supérieurs de livraison du produit, un rendement affaibli, ainsi que l'embauche d'un autre salarié à former. Pour prévenir ce genre de tragédie, différents acteurs entrent en jeu afin de mettre en œuvre des mesures capables de prévenir les accidents de travail. La maîtrise des risques professionnels et la prévention des accidents de travail en entreprise s’appuient à la fois sur le suivi de recommandations émises par des acteurs de la prévention ainsi que sur quelques règles de bonnes pratiques.

L’employeur a le devoir d’assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Pour cela, il doit : réaliser des actions de prévention des risques professionnels, réaliser des actions d'information et de formation et mettre en place une organisation et des moyens adaptés. Pour prévenir et réduire les accidents sur le lieu de travail, il doit suivre les principes suivants : évaluer les risques qui ne peuvent être évités , combattre le risque à la source , adapter le travail au salarié , planifier la prévention et prendre des mesures de protection collective avant les mesures de protection individuelle. L’évaluation des risques constitue la première étape de la démarche de prévention. Les trois autres étapes de cette démarche sont les suivantes : l’élaboration d’un programme d’action, la mise en œuvre des actions et l’évaluation de la démarche de prévention. L'article n°6 de la loi n°88/07 du 26 janvier 1988 stipule qu'en fonction de la nature de l'activité et des risques, le travailleur doit bénéficier de vêtements spéciaux, équipements et dispositifs individuels de protection d'une efficacité reconnue. De ce fait, l'employeur est tenu de mettre à la disposition de ses salariés les équipements de protection individuelle (EPI) appropriés. Parmi eux, on citera : le casque qui doit être léger et s'adapter à chaque morphologie grâce à la présence d'une coiffe textile réglable. Bien ventilé, il intégrera, si possible, des protections auditives et visuelles ; Les gants qui à chaque risque sa paire de gants. Certains protègent du froid, d'autre de la chaleur, des produits toxiques ou encore des chocs. Souples et léger, en fonction de l’activité ils doivent éliminer, sinon limiter, la transpiration, maintenir la main à une température satisfaisant et ne pas irriter la peau ; Les chaussures qui doivent être dotées d'un embout capable de résister à un poids de 20 kg tombant d'un mètre et d'une semelle anti-perforation en matériau composite. Le caoutchouc de la semelle doit offrir une bonne résistance à l'abrasion, la chaleur et aux agressions chimiques.

Plus concrètement, l’employeur doit afficher un certain nombre d'informations et de consignes de sécurité. Elles doivent, en outre, être expliquées aux salariés afin qu'ils aient une connaissance des modes opératoires comme l’utilisation et la maintenance des équipements de travail ou la conduite à tenir en cas d'accident. La signalisation de santé et de sécurité peut se faire au moyen de panneaux, mais aussi de couleurs, de signaux lumineux ou sonores. Une bonne gestion du registre de sécurité permet aussi de concilier conformité aux exigences réglementaires et management des équipes. Il doit être mis à la disposition des services de l'Inspection du travail et de la Caisse nationale des assurances sociales (CNAS) qui peuvent le consulter lors de visites de contrôles. Tout registre de sécurité doit consigner les rapports d'intervention concernant les vérifications périodiques des appareils ou machines. Ces vérifications peuvent être réalisées par un salarié ayant une compétence spécifique, acquise par l'expérience ou par des formations.

Les salariés doivent également prendre part à la démarche de prévention des accidents du travail en entreprise. Ils doivent prendre soin de leur santé et de leur sécurité ainsi que de celles des autres salariés. Dans ce cadre là, ils doivent : réfléchir avant d'agir, préparer tout le matériel nécessaire avant d'effectuer une tâche, travailler en équipe, surveiller l’environnement, se prévenir du danger, penser à un itinéraire ou une zone de repli ou d'évacuation, respecter les procédures opérationnelles et rendre compte.

Des acteurs internes et externes à l'entreprise sont pareillement impliqués dans la prévention des accidents de travail. Ainsi, le médecin du travail joue un rôle essentiel dans la prévention. Il a pour mission de sensibiliser les employeurs et les salariés aux accidents du travail et de les conseiller. Il est donc nécessaire de travailler avec lui en partenariat et de suivre ses recommandations. Aussi l’inspecteur du travail est chargé de veiller au respect des règles de santé et de sécurité au travail. Les instances représentatives du personnel, telles le Comité d’Hygiène de Sécurité contribuent à la protection de la santé et de la sécurité des salariés ainsi qu’à l’amélioration des conditions de travail. Elles sont notamment consultées avant toute décision d’aménagement important. Les organismes de Sécurité sociale conseillent également les entreprises et les incitent à prévenir les risques professionnels.

Cependant, la prévention ne doit pas se réduire à une somme de textes réglementaires. Au contraire. L'enjeu pour l'entreprise est de transformer ces responsabilités, souvent vécues comme des contraintes, en opportunités pour fidéliser ses salariés et gagner de nouveaux marchés en améliorant son image. La sécurité est avant tout un mode de management qui considère les salariés en tant que denrées rares qu'il faut préserver en leur offrant de bonnes conditions de travail. La démarche de progrès liée à la sécurité est un outil de motivation et de fidélisation. En effet, c’est connu que lorsque les salariés perçoivent que l'on s'occupe d'eux, ils se sentent mieux et apportent alors davantage d'attention à leur métier, à leur sécurité et à leur entreprise. Enfin, la prévention des risques appartient aussi bien au chef d'entreprise qu’aux salariés eux-mêmes.

Mohamed Bentoman

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Commentaires (2) | Réagir ?

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Hend Uqaci Ivarwaqène

La majorité des accidents mortels sont sans gravité.

Comme tidi ya Khouya, après exégèse: " C’est un de plus. Mais ce n’est peut-être qu’un accident de travail mortel parmi tant d’autres".

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cherif cherfaoui

au contraire je trouve que l'article montre qu'il ne faut pas prendre ce sujet à la légère