L'âne berbère et le cheval dit "arabe'' !
Ce qui suit n'est pas un traité de zoologie !
Depuis des siècles, voire des milliers d'années, l'âne d'Afrique du Nord continue de faire son travail, depuis les montagnes du Rif jusqu'aux confins du Nefoussa, en passant par les palmeraies d'At Isgen et les sentiers escarpés de l'Ouarsenis, de la Kabylie ou de l'Aurès. Il a vu passer des milliers de carcasses de Juva 4 Renault, de camionnettes Peugeot 403 et 404 et, ces dernières années, des Toyota et autres pick-up Mazda et Mitsubishi. Lui, il est toujours là, peinant sans se plaindre pour son grand pays. Une seule fois, il a été évoqué dans l'histoire, lors des grands bouleversements en ces années 1960 et de la course au pouvoir. On chuchotait alors, à l'insu de la milice du néo-FLN : "Ana mir, wenta mir, chkoun isewweg lehmir !"(1) (je suis chef et tu es chef, mais au final qui conduira l'âne?). Il s'agissait, bien évidemment de lmir (le maire), celui qui est chargé de gérer la cité et d'améliorer la vie de ses concitoyens, pas de ''l'émir islamiste'', missionné pour tuer et détruire la cité des Hommes.
Contre tout, l'Equus Mauritanicus, l'aghyoul (ou lehmir) bien de chez nous, résiste encore aux mutations politico-religieuses depuis les époques lointaines des gravures rupestres de l'Atlas.
Contrairement à son cousin, le cheval berbère (nommé aussi ''cheval barbe''), qui a été l'élément déterminant de l'efficacité de la cavalerie numide et maure pendant des siècles et de la stratégie de contournement mise en œuvre par Hannibal sur tous les champs de bataille, a failli disparaître en Afrique du Nord, non par extinction de la race mais par la magie de la négation et de la ''mutation génétique propre à l'arabo-islamisme'', où seul le ''cheval arabe'' a droit d'exister en pays musulman ! La nature reprenant toujours ses droits, le cheval amazigh reprend sa place dans son pays.
Malheureusement, il n'y a pas que les animaux qui ont subi cet effet de ''Rehmet Rebbi'' de la mystification bédouine ; les hommes, les lieux, les textes fondamentaux et les politiques des États d'Afrique du Nord ne sont pas épargnés.
Heureusement, il n'y a pas que l'âne amazigh qui résiste, les hommes aussi refusent les faits accomplis. Il y a plusieurs années, les citoyens de Takhemart, petite ville de la wilaya de Tiaret avaient failli subir le diktat des arabo-baâthistes, militants de la kasma du néo-FLN. Ils avaient décidé de changer le nom de leur ville. Ils trouvaient alors que Takhemart (jardin potager, en tamazight), n'était pas assez arabe à leurs oreilles. Ils avaient décidé de la baptiser ''Ain Khedra''. Beaucoup d'esprits éclairés de la ville avaient alors réagit énergiquement et se sont opposés aux militants zélés de l'arabo-baâthisme. Longue vie à Takhemart et à ses habitants !
Dans le même registre, un étudiant en histoire de l'université d'Oran avait interpelé sa professeure pour qu'elle leur donne ''le nom arabe'' du roi Jugurtha, qu'elle présentait comme leur ancêtre. Il trouvait que ce nom, Yougherta, n'avait aucune signification et donc ce personnage devait nécessairement s'appeler Mohamed, Ali ou Abdellah. La professeure, selon ses propos, avait eu du mal à faire admettre à ce jeune étudiant que Jugurtha avait vécu plus de 7 siècle avant le prophète Mohamed, que Jugurtha était amazigh et que son nom a une signification en tamazight : Yugar-iten (il est plus grand qu'eux).
Le diktat de l'arabo-islamisme n'a malheureusement pas le monopole de l'absurde et de l'arabisation contre-nature en Afrique du Nord. Nos colonisateurs avaient impulsé très tôt, volontairement ou par ignorance, cette stratégie de négation.
Dans plusieurs sources bibliographiques et encyclopédiques, la falsification historique est diffusée sans retenue. Ainsi la signification du mot ''Maure'' (ou Moros) (Amazighs de l'ouest nord-africain, de la Maurétanie Tingitane, Maurétanie Césarienne, Maurétanie sétifienne, aujourd'hui le Maroc et la moitié ouest de l'Algérie) est souvent traduit par : ''arabe''.
La perle de l'arabisation à tout prix et de la manipulation historique revient au célèbre écrivain français Gustave Flaubert, qui s'est mis sur les pas de Napoléon III (rappelons que ce dernier avait déclaré un certain septembre 1860 à Alger : "Notre possession d'Afrique (ie. l'Algérie) n'est pas une colonie ordinaire mais un royaume arabe"(2)(3).
Gustave Flaubert, lors de l'écriture de son célèbre roman, Salammbô, racontant la révolte des mercenaires contre Carthage entre 241 et 238 avant J.C., avait décidé de donner un nom arabe à l'un des acteurs du conflit. Naravas, prince numide qui était venu au secours de Carthage avec ses milliers de cavaliers, n'avait pas satisfait M. Flaubert. Il décida de l'orthographier : ''Narr Havas'', qui signifierait en arabe, selon lui, ''Nar-el-haouah'', feu du souffle(4).
Gustave Flaubert avait ainsi décidé de déplacer l'Arabie vers l'Afrique du Nord, 9 siècles avant l'entrée de l'islam et de la langue arabe en cette même Afrique du Nord. Méconnaissance grossière de l'histoire ou volonté de manipulation en cette année 1863 ?
On dit que c'était ce même Flaubert qui avait lancé, avec son roman, la mode de l'orientalisme pour les écrivains et artistes de l'Occident. On connaît les dégâts que cela a causé… autant que ceux que commettent aujourd'hui nos compatriotes arabo-islamo-baâthistes, ceux qui sont aux commandes comme ceux, tapis dans l'ombre, qui attendent leur heure pour en commettre encore plus !
Aumer U Lamara
Notes :
(1) "Ana mir, wenta mir...", expression en dardja. Curieusement, il n'y a pas eu, à notre connaissance, de version en tamazight.
(2) Napoléon III avait déclaré le 19 septembre 1860, lors de sa visite à Alger, au bas de l'amirauté : "Notre possession d'Afrique n'est pas une colonie ordinaire, mais un royaume arabe".
(3) Napoléon III ne dit pas plus que la constitution algérienne : "l'Algérie est un pays arabe et africain...".
(4) G. Flaube rt se justifie, dans son débat avec l'archéologue Froehner, de l'orthographe qu'il choisit de donner ''au nom numide de Naravasse'' : «j'écris Narr'havas, de Nar-el-haouah, feu du souffle», le 21 janvier 1863. Corresp. T. III, p. 294. in. Salammbô, éd. Poche 2011, p. 61.
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