Laurence Biava : "Notre identité est construite sur les bases de l’universalisme"
Ecrivain, chroniqueuse littéraire, Laurence Biava vient de publier un livre où elle raconte sa passion de François Mauriac. Elle fait également partie du mouvement En marche d'Emanuel Macron. Elle nous donne, ici, sa vision des lettres et de la politique.
Le Matindz : Vous venez de publier un livre sur François Mauriac : de quoi s'agit-il ?
Laurence Biava : Il s'agit d'un Duetto, un écrivain raconte sa passion jamais déçue pour un autre écrivain. C’est une jeune collection des Editions Nouvelles Lectures, maison d’édition spécialisée dans le format numérique, dirigée par Dominique Guiou. Le Duetto est un genre nouveau. Son prototype, en raison de son format court, séduit tous les écrivains. J’ai voulu parler de Mauriac – raconter mon Mauriac, plus précisément - parce qu’il est l’écrivain qui depuis mes 17 ans, m’a le plus touchée, émue. Parce que sa poésie et sa tendresse m’ont bercée. Parce qu’il me préserve du doute et du leurre depuis toujours. Parce qu’il me transporte et que pour de multiples raisons qui tiennent à l’éthique, à mes croyances personnelles, à mes convictions profondes, à mon éducation, et à la fidélité que je place en à peu près tout, je continue de me nourrir de lui, de me reconnaître et de me lire en lui. Je me demande souvent ce qu’il aurait dit devant tel fait de société, comment aurait-il réagi à telle parole ? Qu’aurait-il pensé de cette société écartelée, malheureuse, anéantie ? Je pense qu’il se serait bien gardé de soubresauts ou de résidus inutiles tant il était un exemple de pondération et de justesse de ton : je sais aussi qu’il n’aurait jamais trahi quiconque ou quoi que ce soit, comme il le fît toujours, sans renoncer pour autant à exprimer ses certitudes, sans renoncer à ses engagements. C’est cette approche artistique du verbe que je propose au lecteur avec ce Duetto que je lui consacre et que j’ai tenu à dédier à Emmanuel Macron et Antoine Gavory, en raison de notre passion partagée pour Mauriac.
Pouvez-vous en quelques mots nous présenter vos livres précédents ?
Je publie mon prochain livre – "Rhapsodie hongroise" - (le 6e) l’été prochain. La publication en format papier du 4e – A Pôle-Emploi, récit d’une expérimentation - co-écrit avec une ex-collègue, me tient également à cœur. Il raconte toute l’année 2015 pendant laquelle je vécus une expérience formatrice, forcément intéressante : redevenir salariée à temps plein en contrat unique d’insertion (CUI-CAE) pendant un an à l’intérieur d’une grande agence Pôle-Emploi tout en demeurant demandeur d’emploi. Ce double profil nous permît de raconter un angle particulier du chômage. Nous l’avons vécu de l’intérieur : je le compare à une plate-forme étrange. C’est le turn-over ingrat de la précarité. Nous voulions témoigner du contact avec toutes les populations, la remise à niveau nécessaire parfois, les échanges multiples avec les conseillers de l’agence, l’interdiction de toute forme de discrimination, l’empathie, la charité, et la violence aussi, morale, physique, verbale, parce que nous en avons tiré nous-mêmes quelques vastes enseignements. Nous voulions mettre des mots sur ces moments de rupture, de doute, d’attente, voire d’effroi. Douloureux de se sentir mis au ban de la société, totalement largué du milieu de l’entreprise…et ces épreuves ne nous ont pas épargnées. Toutes ces situations sont aussi injustes que complexes. Alors, il nous a fallu raconter pour naturellement, panser aussi nos propres plaies.
Les précédents livres sont très différents : ce sont des fictions autour du conditionnement littéraire. Des formes d’auto-analyse. Elles traitent de ma passion et de mon imprégnation au cœur du milieu littéraire. De ces complicités intellectuelles qu’exige la relation entre les écrivains et leurs lecteurs.
Ecrivain, chroniqueuse littéraire, vous êtes aussi agent littéraire : pouvez-vous nous parler de cette activité ?
Je suis devenue micro-entrepreneur pour me tirer d’affaire. Agent d’auteurs n’est certes pas un nouveau métier. C’est un métier autre en raison du sens dans lequel je l’aborde et l’envisage. Il s’agit, en premier lieu, de proposer en amont une prestation de services à part entière avant la présentation du texte de l’auteur à l’éditeur. Cela signifie et nécessite un travail approfondi et soigneux de lecture, de relecture, de corrections, de mise en page et de design proposé au futur auteur avant l’envoi de son manuscrit à la maison d’édition : celle-ci est même souvent à l’aube d’autres projets, elle cherche de nouveaux auteurs pour faire le pari du futur et de l’originalité. Je conseille des maisons reconnues pour leur rigueur, leur professionnalisme, leur pluralisme, leur indépendance souvent. Cette proposition de prestations de services souhaite éloigner l’auteur du process néfaste engendré par l’auto-édition, et des divers stratagèmes malveillants que répètent à l’infini des éditions à compte d’auteur.
Je souhaite orienter l’auteur vers des maisons d’éditions ciblées, dont je connais la politique éditoriale et économique, l’histoire, le format, les intentions, et dont les critères de sélection correspondent au style et à la forme de son ouvrage, afin de lui faire économiser pertes de temps et d’énergie souvent suscitées à son insu en raison d’un emballement moribond. Quant à l’éditeur, je souhaite le dégager de manuscrits inadéquats. Je lui propose l’exercice d’une activité complémentaire, dans les créneaux de distribution, de diffusion et de service de presse, en accord avec l’auteur concerné.
Enfin, je propose une activité juridique strictement axée sur des traductions et autres travaux destinés à des transferts de droits en relation avec des maisons d’éditions étrangères.
Vous faites partie du mouvement En marche d’Emmanuel Macron : pourquoi cet engagement ?
J’ai rejoint En Marche fin mai 2016, à l’époque où je venais de quitter Pôle-Emploi (depuis trois mois). J’avais créé ma micro-entreprise tournée vers un des métiers de la littérature. Pendant cette année professionnelle qui s’est écoulée de mars 2015 à février 2016, j’eus le temps de potasser certains textes législatifs, avec ce sentiment permanent de devoir agir au cœur de l’économie de mon pays. Je voulais acquérir des connaissances, comprendre les postures et les rouages de ma situation professionnelle perturbée. En vérité, j’étais déjà une citoyenne en action, en marche. Je l’ai toujours été, y compris en littérature, où je revendique un certain "militantisme". Le mouvement d’Emmanuel Macron produisit alors un effet loupe, qui survenait à brûle-pourpoint. Il m’interpellait, me questionnait, valorisant toutes mes polyvalences, éveillant ma curiosité : les premiers préambules répondaient en partie à mes interrogations fort légitimes de jeune cinquantenaire légèrement déboussolée.. L’idée novatrice et transpartisane du process En Marche me séduisit, il incarnait, en quelque sorte, ce que j’avais toujours cherché. Bien que femme de gauche, je n’étais jamais parvenue à me poster à un point fixe, à me définir totalement. Je m’engageais sans hésiter pour la première fois en politique et rejoignis les rangs –tardivement-- de la Grande Marche.
En Marche est un gigantesque Collectif politique, mobilisé, désenclavé, transgressif, éclectique, passionné, qui semble tout emporter avec lui. En Marche ou une histoire française qui se vit au quotidien, et c’est la raison pour laquelle j’en écris l’histoire collective avec quelques Marcheurs. On voit battre en rappel des groupes de travail, de réflexion, naître des comités locaux puis des ateliers, s’épancher des animateurs, des référents départementaux, des relais territoriaux : Voici toute une mosaïque de personnes – élus, colistiers de la société civile, jeunes entrepreneurs - qui se scinde, s’organise et structure le mouvement. Il s’élargit, s’amplifie, monte en puissance, prenant de court et de vitesse les concurrents. C’est une endurante course de fond que réalisent les meilleures volontés progressistes de tous azimuts, rassemblées autour de ce même projet commun - la refondation totale du pays – voulue par son inventeur visionnaire. Le désir de changement est énoncé. Ce que défend En Marche, c’est une véritable alternative qui déstabilise les apparatchiks déjà en place. En Marche ou ce potentiel à fédérer, pour réconcilier liberté et progrès : c’est d’une force inouïe. Sa symbolique est forte, et c’est cela aussi qui plaît. La Marche représente un signe des temps. Un signe des temps futurs, dont Macron est le héraut, le porte-flambeau. J’invite tous les passéistes, les nostalgiques et les défaitistes à se pencher sur cette Marche, ils finiront bien – je l’espère - par se sentir concernés par ce qui nous porte, nous, les Marcheurs, peut-être même par y faire allégeance. En fait, c’est l’histoire d’une génération en colère – la mienne - qui a de plus en plus de mal à supporter que les castes politique et médiatique soient étroitement mêlées et que leurs tutelles entretiennent la confusion. Le succès d’En Marche tient également au fait que les trois-quarts des politiciens ne s’intéressent plus aux problématiques du pays : ils brillent par leur manque de civilité, de probité, j’allais dire : c’est leur despotisme qui les incarne. Les concitoyens en ont assez des pratiques anciennes, des vieux tableaux. Il faut que cela change pour que renaisse l’espoir, et l’espérance : notre mélancolie, notre déprime sont des signes inquiétants, nés de nos pertes de repères, de notre manque de maîtrise des situations. En Marche signe un travail de re-construction permanente, authentique, nécessaire. Pour les générations futures. J’ai une certaine idée du monde et je souhaite mettre de la signifiance où il n’y en a plus. Je veux d’un monde où il est noble de travailler, de chérir l’Europe, de voyager, d’aimer autrui dans sa différence, n’importe où et jusque dans la façon dont il pratique sa religion sans être montré du doigt. C’est dans ce monde tolérant dans lequel je veux vivre et faire grandir nos enfants.
Quels sont, selon vous, les atouts d’Emmanuel Macron dans cette course à la Présidence de la République ?
Il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas mesurer les propositions fortes, le charisme, la détermination, les visions d’Emmanuel Macron. C’est un homme solaire, un homme «nouveau» habité – selon moi - par un idéal romanesque, une forme de héros moderne, qui parle d’espérance. Il est dissident, passionné. Extra-ordinaire, rebelle. C’est le jeune trublion qui sort des rails. Alors, forcément, il dérange. Suscitant ce qu’il produit : engouements ou réactions épidermiques. Les observateurs attentifs savent que les cénacles politiques de tous bords n’avaient jamais eu le sentiment de voir se fissurer autant leurs certitudes autrement qu’en maugréant sur l’arrivée du plus jeune des candidats. Depuis Bobigny où il est enfin définitivement entré en campagne, il apparaît libéré de certaines contingences. Porte de Versailles, le 10 décembre, il était dépouillé, ému, déposant véritablement son cœur sur la table. Chaque fois, il porte haut le verbe pour faire entendre le souffle de cette révolution démocratique que nous allons faire avec lui. Son héritage philosophique, son catholicisme de gauche transpirent par les pores de sa peau. La feinte et apparente décontraction due à sa jeunesse trahissent quelque chose dans son attitude qui est empreinte de religiosité. De bienséance. D’éducation. De civilité exemplaire. Voici donc, grâce à lui, un Mouvement qui émeut, qui agrège avec bonheur les consensus, défait les habitacles, élabore d’autres protocoles et permet de reconsidérer l’échiquier politique. Oui, il y a quelque chose qui a pivoté depuis le 10 décembre. Les plus hésitants ont enfin compris l’intelligence et le concept novateur du projet En Marche. C’est la richesse de contenu qui marque autant que la manière naturelle d’aborder les débats d’idées. C’est la réflexion de haute tenue qui imprime. Ce sont les débats de fond passés au tamis qui suscitent intérêt et désir de cohésion…C’est la cohérence de la pensée. L’humilité. L’authenticité. Et la façon dont il Marche droit, Emmanuel Macron. L’expression est franche, sans esquive, sans détour. On parle les coudées franches.
A chaque meeting, l'avenir d’une politique pertinente est clairement cernée, sans faiblir...Sans complaisance. Les engagements sont objectifs, la prise de risques est déterminante, permanente. On sait que le modèle socio-économique actuel est moribond, désuet, qu’il faut clarifier cette nouvelle offre politique -en totale rupture avec celle du Parti Socialiste- afin qu’elle soit adaptée à toutes les mutations que notre siècle va supporter. L’offre idéologique et intellectuelle de son fondateur est la seule en laquelle je crois. Par ses vertus pédagogiques, les discours du «candidat du travail» convainquent "le peuple réel de gauche". Encore un signe de ces temps agonisants : L’esprit de méthode et le moralisme de l’individu accentuent notre capacité à nous laisser convaincre. Quant aux regards concis qu’il porte sur les sujets fondamentaux, notamment le bouclier social, ils sont exacts, et sans faux-semblants.
Les atouts ? La puissance de la pensée. La vive acuité. La densité spirituelle. C’est vrai qu’il faut refonder corpus et formats socio-économiques existants depuis l’après-guerre, en revoir les paradigmes, afin d’affiner nos priorités. C’est vrai qu’il faut «déplacer les curseurs» et changer les acteurs de notre vie économique afin d’assurer une meilleure protection sans discrimination à tous les individus. C’est vrai que notre organisation sociale est trop cloisonnée, et que le marché du Travail tel qu’on l’envisage depuis les trente dernières années ne permet pas de couvrir les risques des personnes face aux changements. (ce n’est pas moi qui vais vous dire le contraire !). C’est vrai que notre liberté de conscience doit être préservée. Emmanuel Macron a mille fois raison de brandir Aristide Briand et les marqueurs de 1905. Dernier point : leader des bouleversements à venir, il incarne une partition citoyenne exigeante dépliée et déployée sur plusieurs niveaux. Sa façon directe de s’expliquer, d’élaborer des argumentaires nourris tranche avec le reste de la classe politique. Ce sont des beaux discours humanistes républicains, pointant la fierté de notre histoire, de notre passé, de nos valeurs. Ces allocutions disent l’épaisseur et l’envergure de l’Homme d’état qu’il est. Récemment, en octobre, son fil narratif l’amena à définir le futur président. Il serait «jupitérien», c’est-à-dire, à l’image de ce prototype gaullo-mitterrandien, qui ressusciterait l’unité d’un corps sociétal délétère, qui renouerait dans sa pure tradition avec les figures historiques d’antan. Je pense qu’Emmanuel Macron est cet Homme là. S’il est élu, la France sera à nouveau fière d’elle-même.
Le populisme gagne du terrain en Occident, qu'est-ce qu'il y a lieu de faire pour contrecarrer ce courant politique ?
Oui, c’est un drame, le populisme. Je ne supporterais pas longtemps que ma vie démocratique soit affaiblie de toutes les manières par ceux qui sont hostiles à l’esprit républicain, par ceux qui jouent sur les peurs, alimentent les tensions, crée des conflits inutiles, répandent un fiel permanent sur autrui. Notre identité est construite sur les bases de l’universalisme. Pour contrecarrer ce courant, il faut continuer d’éduquer, de parler, d’expliquer, comme le font les progressistes que nous sommes.
Il faut parler pour rassurer : les gens sont perdus, on leur a trop menti. Le chômage, les crises financières depuis 2008, le Brexit, les incertitudes sur notre vaillance européenne, le rejet total chez beaucoup du continent européen, les comportements hostiles des politiciens véreux, l’élection de Trump, toutes les formes de terrorisme déployées ici et là expliquent en partie la défiance de certains occidentaux qu’on croirait atteints du syndrome de Stockholm, et la résurgence des spectres. Je n’ai pas envie de me réveiller chaque matin inquiète à l’idée d’avoir Marine le Pen au second tour. Je n’ai pas du tout envie de revivre les événements de 2002 ou ceux des régionales de 2014. A En Marche, j’ai l’impression d’avancer plus vite que les autres. Là, nous tentons de contenir ces mauvaises passions en proposant un projet qui redore le blason de notre belle démocratie. Parce que nous sommes des montres de bienveillance.
Propos recueillis par Youcef Zirem
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Merci
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