Assassiner la liberté n'est pas une solution
Après une longue grève de la faim, le journaliste algérien, Mohamed Tamalt, est mort le 11 décembre dernier.
Arrêté au mois de juin, quarante-huit heures après son retour de Londres où il vivait depuis 2002, il avait été condamné à deux ans de prison pour ses écrits sur facebook visant les dirigeants algériens. Ce tragique événement vient, à bien des égards, souiller la mémoire des 70 journalistes algériens assassinés durant l'exercice de leur métier pendant la guerre contre les civils de 1992 à 2000. La corporation des journalistes s'était battue pour la liberté de dire. La presse privée, dite indépendante, n'avait vu le jour en Algérie qu'après la grande révolte du mois d'octobre 1988 où l'armée avait tiré sur la population faisant plus de 500 morts.
Le système en place depuis le mois de juillet 1962 s'était alors relativement ouvert en tolérant, entre autres, des associations à caractère politique. Mais dès le mois de janvier 1992, avec l'arrêt du processus électoral des législatives, il avait commencé à tout verrouiller. Le pays avait alors plongé dans un cycle infernal de violences multiples qui avait coûté plus de 200 000 morts. Les islamistes et les militaires avaient ainsi pris le pays en otage n'offrant aucun espace au dialogue et à la construction politique. Porté à la tête de l'état depuis le mois d'avril 1999 par quatre mascarades électorales successives, Abdelaziz Bouteflika est toujours en place malgré sa maladie. Durant les années 2001-2003, les gendarmes et les policiers avaient tiré à balles réelles sur la population en Kabylie : plus de 126 personnes avaient été tuées dans cette région et les assassins ne sont jamais passés en justice.
La fin du règne de l'ancien ministre des Affaires étrangères du colonel Houari Boumediene est porteuse de nombreuses interrogations. Le pays entier semble avoir perdu ses repères ; l'Etat n'ayant plus les capacités financières d'acheter la paix sociale, le pire est à craindre. C'est dans cette ambiance délétère que de nombreux détenus politiques croupissent injustement en prison : c'est le cas du militant des droits de l'homme, Kameleddine Fekhar et ses compagnons, de Slimane Bouhafs ou encore de Hacène Bouras.
Dans un pays où la corruption est un sport national, où la justice est souvent aux ordres, où le tribalisme revient en force, où la misère touche de larges couches sociales, où presque toutes les forces politiques de l'opposition ont été domestiquées, où la religiosité est à chaque coin de rue, il est difficile d'envisager un avenir serein. Et ce n'est pas en assassinant la liberté qu'on trouvera la solution.
Youssef Zirem
Youcef Zirem est écrivain (son dernier roman "La Porte de la mer", est paru chez les éditions Intervalles, 2016 )
Commentaires (4) | Réagir ?
Nice post, and thanks for sharing this with us
merci bien pour le site