Sans parler
Il y a plusieurs manières de parler de l’émigration algérienne. Un texte poétique est une.
Sans parler
moi et la mère,
nous nous sommes embrassés,
évitant de nous regarder.
Sans parler,
je suis parti,
accompagné par mon père
sur sa vieille mobylette d‘ouvrier.
Sans parler,
nous avons fait le long voyage
jusqu'à l'aéroport.
Sans parler,
moi et le père,
nous nous sommes enlacés,
les yeux baissés.
Puis je me suis éloigné.
Je ne me rappelle pas si je m'étais retourné,
une dernière fois pour le saluer,
le père au cœur déchiré.
Quand l'avion dans lequel je me suis fourré
a pris son envol,
j'étais seul, effaré.
Une boule me noua la gorge.
Me voici émigré.
Vaincu.
J’ai pris le chemin
des miséreux à la recherche de pain,
et des opprimés en quête de liberté.
J’ai conservé dans mon cœur
le souvenir de ceux qui sont restés dans le malheur.
Ils ne savent pas comment se délivrer de la prison
qui a l’imposture de se donner comme nom
"démocratique et populaire".
J’ai également vivants dans l’esprit
ceux qui ont le courage
de demeurer sur place malgré leur dépit.
Ils préfèrent lutter dans le pays,
au risque d’être assassinés.
Ils ont l’honneur de semer
l’amour de la dignité
et de tenir haut levé
le flambeau de la liberté.
Kadour Naïmi
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