Notre jeunesse veut un pays "normal" !
C'est démoralisant pour un jeune de mon pays de toujours vivre en situation de précarité, tourner en rond et croupir dans cette prison des jours qui se ressemblent. Encore faut-il que ce dernier sache bien se mettre à distance, calmer sa colère, refouler son désespoir et montrer que tout va s'arranger avec le temps si les autres tentent vraiment de lui tendre la main. L'assister... le réconforter. Ces autres qui le fuient pourtant chaque matin parce qu'ils le considèrent comme inutile à lui-même et à sa société.
Dur, très dur quand on n'a qu'un café pour lieu de loisirs, un marché aux puces pour usine de travail et un quartier où tout marche à l'envers pour point de chute. Dur, d'autant plus que, dans l'autre côté de la rive de cette misère, la course malhonnête de beaucoup de nos "faux nantis" vers le profit est engagée en permanence afin de faire exactement le contraire de ce que vit ce jeune dans sa chair: nager dans l'opulence. En effet, le vocabulaire de l'amertume qui vient des bas-fonds de notre société s'étoffe, se colore du gris et prend du gras au fil des années. On dirait que l'Algérie fabrique des déprimés qui ne savent guère où donner de la tête. Derrière la glace sans teint qui la borde, on ne voit malheureusement que des nervures de la brume. Et toutes les dégradantes épithètes y passent.
Bref, la jeunesse a honte de s'être fait avoir de la sorte, servant uniquement de jouet qui distrait des élites capitulardes et comble les vides de leur piètre gouvernance. Crier, ne pas s'arrêter de crier à l'heure présente son ras-le-bol est légitime. Dire que rien ne va, sinon, tout va mal et que ça va péter un jour ou l'autre si l'on n'y prend pas garde est lucide.
Et puis, sommes-nous sûrs de ne pas être passés à côté de la plaque des challenges de notre époque, en sacrifiant cette jeunesse-là ? Ne portons-nous pas tous la responsabilité de cet énorme gâchis ? La société algérienne de nos jours est-elle par exemple capable d'accoucher des géants révolutionnaires comme ceux de novembre 1954, d'un génie comme Kateb Yacine, une référence comme Abdelkader Alloula, une intelligentsia forte, solidaire et engagée ? Pas sûr ! Or, tout aurait été plus simple, plus clair et plus logique si on avait déjà associé nos jeunes aux grandes décisions qui concernent la nation. Il se passe, à vrai dire, quelque chose d'irrémédiablement pitoyable chez nous. En plus d'avoir négligé tous les secteurs (culture, économie, éducation, etc.), nos gouvernants ont pratiqué une politique sociale dispendieuse mais sans effets réels sur le quotidien de nos compatriotes. Observons bien comment des milliards sont gaspillés récemment pour rien dans des plans ANSEJ sans utilité ni pour les jeunes eux-mêmes, ni pour le contribuable, encore moins pour la société ou l'Etat.
C'est comme si on oublie que l'insertion sociale n'est pas seulement une affaire de moyens et de sous mais surtout d'éducation et de prise de conscience. Aucun centime ne doit normalement sortir des caisses du Trésor public si on ne sait pas là où il va ni comment il devrait être exploité. C'est le principe de la rationalité qui devrait présider à l'élaboration des plans sociaux et non pas les visées électoralistes étriquées et à courte durée.
Kamal Guerroua
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