Nos petits Papon
Demain, ils diront : "Nous ne savions pas...". Et il se trouvera des âmes tolérante pour accorder crédit à leurs pleurnicheries.
Hamid Grine, Amara Benyounès, Abdelmadjid Sidi-Saïd, et j'en passe, réputés être du camp républicain, incarnent la déchéance qui frappe soudainement ceux qui, entre l'honneur de servir leur patrie dans la dignité et le déshonneur de servir un clan dans l'indignité, choisissent non seulement la seconde solution mais, pire, vont au-delà, rivalisant de zèle et d'obsquiosité comme pour démontrer à leur nouveau maître qu'il ne subsiste rien de leur ancienne vie et qu'ils sont désormais des soldats entièrement acquis à leur nouvelle mission. Ils en rajoutent contre leurs propres compagnons, contre leurs propres idées, contre la morale et ce qui fut leur idéal. Ils exécutent une besogne hideuse qui consiste à se prêter à une entreprise d'abaissement du pays et à prêter, le temps d'une compromission, le temps d'un pillage, d'un écrasement de la dignité algérienne, leur crédit de "démocrate".
"Nous ne savions pas...", diront-ils. Ils ne savaient pas que la mafia menait le pays à la faillite. Il ne savaient pas que l'Algérie s'engageait vers une autocratie archaïque sans égale dans l'histoire de la nation ; ils ne savaient pas que Chakib Khelil avait organisé le système de pillage de ce pauvre pays, ils ne savaient pas que ce même pays était dirigé par une kleptocratie... Non, ils ne savaient pas. Ils ont juste fait leur "travail". Ainsi parlait Maurice Papon lors de son procès : je ne savais pas que les autorités allemandes destinaient les prisonniers que je leur envoyais, au four crématoire. Il ne savait, lui non plus. Il a juste rempli les véhicules de milliers d'enfants de femmes et d'hommes qu'il a livrés, pieds et mains liés, aux bourreaux. A une échelle beaucoup plus modestes, bien sûr, ces "républicains" sont nos petits Papon. À force de jouer au diable, ils sont devenus diaboliques ; à force de jouer avec les mots ils sont devenus charlatans. Maurice Papon aussi était un jeune haut fonctionnaire brillant et ambitieux à la préfecture de Bordeaux. La seule chose qui le guidait, c'était bien faire son travail en préservant au mieux son avenir." Son seul avenir, pas celui des autres.
Quand Sidi Saïd déclare, sans retenue, qu'il porterait Bouteflika sur ses épaules, il ne voit que son avenir, son propre salut. Quand Benyounès appelle à un cinquième mandat pour Bouteflika, il ne défend que son bout de gras. Au diable l'Algérie et son peuple de gueux ! Ils agissent en hommes de main et parlent en esprits libres. A sa prise de fonction, Hamid Grine, le ministre de la Communication, constatait que seule une vingtaine de journaux privés étaient viables parmi les 160 qui paraissent. Il annonçait alors un plan d'assainissement de la presse.
"Si un journal n’est pas viable économiquement et financièrement et s’il a une mauvaise gestion, il faudrait qu’il arrête. C’est évident." De quels journaux s'est occupé le ministre depuis cette fracassante déclaration ? De la vingtaine qu'il considéraient comme viables ! Les autres, pas touche ! C'est la presse du harem, celle qui désinforme au service du pouvoir. "La répartition de la publicité institutionnelle prendra en compte la capacité de tirage des journaux, leur rayonnement et leur impact.», avait expliqué le ministre. Fadaises ! Les journaux qui ont été arrêtés sont ceux qui n'ont pas soutenu le quatrième mandat de Bouteflika. La publicité d'Etat continue d'enrichir les journaux baltaguia, ceux qui défendent le régime, sans considération de leur "capacité de tirage des journaux, leur rayonnement et leur impact".
L'argent de l'ANEP n'a jamais autant servi à rémunérer les servilité des journaux baltaguis que ces deux dernières années. Ceux qui assurent la partie indispensable du mensonge au service du régime.
"En 1942, si vous aviez choisi de démissionner, de quitter la préfecture de Bordeaux et prendre un autre chemin, votre goût du pouvoir aurait pu être satisfait ailleurs, vous auriez pu aussi être préfet, ministre et couvert de décorations, mais vous ne seriez pas ici, en face de moi", avait dit le magistrat à Papon, lors du procès.
Il est des choses qui ne s'effacent pas avec le temps.
Didou
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merci
thank you