Cotation du dinar algérien et réserves de change : reflets d'une économie rentière
Comme le taux de croissance, le taux d’emploi, via la dépense publique, le niveau des réserves de change la valeur, la valeur du dinar algérien dinar, est fonction directement et indirectement à plus de 70% de la rente des hydrocarbures, qui représente avec les dérivées plus de 97% des exportations en devises.
De ce fait, tenant compte de la structure démographique, et d'une économie rentière, l'alimentation des Caisses de retraite en est dépendante. C'est un sujet très sensible d'où l'importance d'une transparence dans les décisions et surtout d'un dialogue social soutenu
1.- Evolution de la cotation du dinar algérien et des réserves de change
Il est intéressant de connaitre l’évolution de la cotation du dinar algérien de 1970 à 2016, en rappelant que par le passé en référence au franc français nous avions 1 DZD = 1FRF en 1971 et 1DZD = 0,84 FRF en 1985.
1970 : 4,94 dinars un dollar
1980 : 5,03 dinars un dollar
1985 : 5,03 dinars un dollar
1989 : 8,03 dinars un dollar
1990 : 12,02 dinars un dollar
1991 : 18,05 dinars un dollar
1994 : 36,32 dinars un dollar
1995 : 47,68 dinars un dollar
1996 : 54,74 dinars un dollar
1997 : 57,71 dinars un dollar
1998 : 58,76 dinars un dollar
1999 : 66,64 dinars un dollar
2001…69,20 dinars un euro 77,26 dinars un dollar
2002…75,35 dinars un euro -69,20 dinars un dollar
2003…87,46 dinars un euro 77,36 dinars un dollar
2004…89,64 dinars un euro 72,06 dinars un dollar
2005…91,32 dinars un euro 73,36 dinars un dollar
2006…91,24 dinars un euro 72,64 dinars un dollar
2007…95,00 dinars un euro 69,36 dinars un dollar
2008…94,85 dinars un euro 64,58 dinars un dollar
2009..101,29 dinars un euro 72,64 dinars un dollar
2010..103,49 dinars un euro 74,31 dinars un dollar
2011..102,21 dinars un euro 72,85 dinars un dollar
2012..102,16 dinars un euro 77,55 dinars un dollar
2013..105,43 dinars un euro 79,38 dinars un dollar
2014..106,70 dinars un euro 80,06 dinars un dollar
2015..108,60 dinars un euro 99,50 dinars un dollar
Le 30 octobre 2016 110,10 dinars un dollar et 120,98 dinars un euro
Les réserves de change fonction des recettes d’hydrocarbures, 97/98% directement et indirectement avec les dérivées des recettes en devises, ont été estimées entre 199/2016 avec une dette extérieure évaluée à 23,203 milliards de dollars au 31 décembre 2003
- 1999, 4,4 milliards de dollars,
- 2000, 11,9 milliards de dollars
- 2001, 17,9, milliards de dollars
- 2002, 23,1, milliards de dollars
- 2003, 32,9 milliards de dollars
- 2004, 43,1 milliards de dollars
- 2005, 56,2 milliards de dollars,
- 2006, 77,8 milliards de dollars
- 2007, 110,2 milliards de dollars
- 2008, 143,1 milliards de dollars
- 2009, 147,2, milliards de dollars
- 2010, 162,2, milliards de dollars
- 2011, 182,2, milliards de dollars
- 2012, 190,6 milliards de dollars,
- 2013, 194,0 milliards de dollars
- 2014, 179,9 milliards de dollars
- 2015, 144,1 milliards de dollars
- fin septembre 2016 à 121,9 milliards de dollars
- Selon le rapport du FMI clôtureront à 113,3 mds usd fin 2016 et 92,3 mds usd en 2017.
- La Banque mondiale dans un rapport global pour la région MENA de fin juillet 2016 prévoit des réserves de change fin 2018 de 60 milliards de dollars.
Le dinar algérien tient donc grâce aux réserves de change via les hydrocarbures. Toute baisse des réserves de change entraine automatiquement une dévaluation rampante du dinar à l’instar de bon nombre de pays pétroliers à fortes population, les USA ayant malgré leur importante production une économie très diversifiée où la part des hydrocarbures dans le PIB est relativement faible. Par exemple, le pétrole représente 50 % des recettes de la Russie et les deux tiers des exportations du pays et le rouble a subi une sévère dévaluation avec l’effritement des réserves de change, la Russie ayant été contrainte de vendre une fraction de ses réserves de change en dollars pour soutenir sa monnaie. Les pays du Golfe, à très faibles populations, et certains ayant une économie diversifiée, avec des recettes élevées en plus des importants fonds souverains sont une exception. Si demain les réserves de change algériens tendaient vers zéro, le gouvernement serait contraint à une très forte dévaluation pour 200 dinars un euro et sur le marché parallèle l’échange se ferait à 250 dinars un euro. Pour se prémunir contre cette dépréciation qui engendre inéluctablement l'inflation, et donc la détérioration du dinar algérien, l'Algérien ne place pas seulement ses actifs dans le foncier, l'immobilier ou l'or, mais une partie de l'épargne est placée dans les devises. C'est un choix de sécurité dans un pays où l'évolution des prix pétroliers est décisive.
2.- Mécanismes de la cotation du dinar
Selon la banque d’Algérie «le taux de change du dinar vis-à-vis des principales devises est déterminé de manière flexible sur le marché interbancaire des changes, en fonction des conditions de l’offre et de la demande» et de préciser que «la valeur externe du dinar est fixée au taux du marché interbancaire des changes où la dépréciation de la valeur du dinar, par rapport à l’euro et le dollar, est le résultat du différentiel entre le taux d’inflation enregistré en Algérie et celui constaté dans le reste du monde». Or paradoxe le taux d’inflation dans les pays développés entre 2013/2015 est inférieur à ½%,, le dérapage du dinar continue et les produits importés ne connaissent pas de baisses sensibles. La valeur d’une monnaie et donc du dinar est fonction de la confiance et d'une économie productive. L'économie algérienne étant une économie fondamentalement rentière, contredisant les lois élémentaires de l'économie où toute dévaluation en principe devrait dynamiser les exportations. En Algérie le dérapage du dinar a produit l'effet contraire montrant que le blocage est d'ordre systémique. L'économie du pays étant dépendante des hydrocarbures à 98% des exportations et important 70/75% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d'intégration ne dépasse pas 15%, une réévaluation de la monnaie algérienne générerait inévitablement une tension inflationniste tirant à la hausse des importations par la consommation interne, puisque la valeur du dinar algérien et le pouvoir d'achat fictif dépendent à 70% de la rente des hydrocarbures. D'une manière générale, les investisseurs tant étrangers que locaux se méfient d'une monnaie administrée dépendante des fluctuations des hydrocarbures. La valeur réelle de la monnaie, n'est qu'un signe, un moyen d'échange, les tribus d'Australie utilisaient les barres de sel comme monnaie d'échange, où nous sommes ensuite passés de la monnaie métallique, aux billets de banques, puis aux chèques et ensuite à la monnaie électronique. Thésauriser ne crée pas de valeur. C'est le travail par l'innovation continue, s'adaptant à ce monde de plus en plus interdépendant, turbulent et en perpétuel bouleversement qui est la source de la richesse d'une Nation. La valeur de la monnaie dépend de la confiance en le devenir de l'économie et du politique, de la production et de la productivité, comme nous l'ont montré les analyses des classiques de l'économie sur " la valeur". Paradoxe pour l’Algérie, contredisant les règles économiques élémentaires, lorsque le cours du dollar est en hausse et le cours de l'euro baisse, la Banque d'Algérie dérape pour des raisons politiques à la fois le dinar par rapport tant au dollar que vis-à-vis de l'euro alors que le dinar dans une véritable économie de marché devait s'apprécier par rapport à la monnaie dont la valeur baisse au niveau du marché international. Pourquoi cet artifice comptable ? La raison essentielle est qu'en dévaluant le dinar par rapport au dollar, nous aurons une augmentation artificielle de la fiscalité des hydrocarbures qui fluctue, en fonction des cours, traduisant le fondement d'une économie rentière. Car les recettes des hydrocarbures sont reconverties en dinars, passant par exemple de 70 dinars à 100 dinars un dollar actuellement. Il en est de même pour les importations libellées en monnaies étrangères, les taxes douanières se calculant sur la partie en dinars, cette dévaluation accélérant l'inflation intérieure. Le dérapage du dinar par rapport à l’euro et au dollar gonfle tant la fiscalité hydrocarbures que la fiscalité ordinaire (importation en euros) et donc voile l'importance du déficit budgétaire, l'efficacité réelle du budget de l'Etat à travers la dépense publique et a gonflé artificiellement par le passé le Fonds de régulation des recettes calculé en dinars algériens qui s’est pourtant épuisé fin 2016. L'inflation étant la résultante, cela renforce la défiance vis à vis du dinar algérien où le cours officiel administré se trouve déconnecté par rapport au cours du marché parallèle qui traduit le cours du marché. Selon un rapport de l'OCDE, la productivité du travail de l'Algérie est une des plus faibles au niveau du bassin méditerranéen. La non proportionnalité entre la dépense publique et le faible impact, le taux de croissance moyen n'ayant pas dépassé 3% (il aurait dû dépasser les 10%) est source d'inflation et explique la détérioration de la cotation du dinar.
3.- Raisons de la distorsion du dinar entre marché officiel et parallèle ?
Le square Port Saïd à Alger, certaines places à l'Est et à l'Ouest sont considérées comme des banques parallèles à ciel ouvert fonctionnant comme une bourse où le cours évolue de jour en jour selon l'offre et la demande et les cotations au niveau mondial du dollar et de l'euro. En fait, l'essence de cette situation réside dans les dysfonctionnements des différentes structures de l'Etat du fait de l'interventionnisme excessif de l'Etat qui fausse les règles du marché ce qui contraint les ménages et opérateurs à contourner les lois et les règlements. Ainsi lorsque les autorités publiques taxent (fiscalité excessive) et réglementent à outrance ou en déclarant illégal les activités du libre marché, il biaise les relations normales entre acheteurs et vendeurs. Lorsqu'un gouvernement veut imposer des règles et des lois qui ne correspondent pas à l'état réel de la société, cette dernière enfante ses propres lois qui lui permettent de fonctionner. Le fondement d'un contrat doit reposer sur la confiance. Au niveau de la sphère informelle existe des contrats informels plus crédibles que ceux de l'Etat car reposant sur la confiance entre l'offreur et le demandeur. Devant le fait accompli, l'Etat officiel a souvent régularisé ces contrats (notamment dans le domaine du foncier et de l'immobilier). L'Etat doit se cantonner dans son rôle de régulateur stratégique et non fausser les règles de libre concurrence. Ce marché noir joue comme assouplisseur à un contrôle des changes trop rigide. Je recense, cinq raisons essentielles de cet important écart entre le cours officiel et celui du marché parallèle, bien entendu en plus de la faiblesse de la production créée localement analysée précédemment. Premièrement, l'écart s'explique par la diminution de l'offre du fait que la crise mondiale, combinée avec le décès de nombreux retraités algériens, a largement épongé l'épargne de l'émigration. Cette baisse de l'offre de devises a été contrebalancée par les fortunes acquises régulièrement ou irrégulièrement par la communauté algérienne localement et à l'étranger qui font transiter irrégulièrement ou régulièrement des devises en Algérie. La reconversion de ce capital argent bien acquis ou mal acquis l'argent jouant sur la distorsion du taux de change en référence à l'officiel, vous me facturez 130 au lieu d'une marchandise achetée 110 euros avec la complicité d'opérateurs étrangers, opérations plus faciles dans le commerce et le poste services qui a implosé passant de 2 milliards de dollars en 2002 à près de 11/12 milliards de dollars annuellement entre 20112015, montre clairement que le marché parallèle de devises est bien plus important que l'épargne de l'émigration.. Ces montants fonctionnant comme des vases communicants entre l'étranger et l'Algérie, renforcent l'offre. Il existe donc un lien dialectique entre ces sorties de devises dues à des surfacturations et l'offre, sinon cette dernière serait fortement réduite et le cours sur le marché parallèle de devises serait plus élevé, jouant donc, comme amortisseur à la chute du dinar sur le marché parallèle. Deuxièmement, la demande provient de simples citoyens qui voyagent : touristes, ceux qui se soignent à l'étranger et les hadjis) du fait de la faiblesse de l'allocation devises dérisoire. Mais ce sont les agences de voyages qui à défaut de bénéficier du droit au change recourent elles aussi aux devises du marché noir étant importateurs de services. Majoritairement elles exportent des devises au lieu d'en importer comme le voudrait la logique touristique comme en Turquie, au Maroc ou en Tunisie. Troisièmement, la forte demande provient de la sphère informelle qui contrôle 40% de la masse monétaire en circulation (avec une concentration au profit d'une minorité rentière) et 65% des segments des différents marchés; fruits/légumes, de la viande rouge /blanche- marché du poisson, et à travers l'importation utilisant des petits revendeurs le marché textile/cuir. Il existe une intermédiation financière informelle (des banques informelles) loin des circuits étatiques. Quatrièmement, l'écart s'explique par le passage du Remdoc au Credoc crédit documentaire qui a largement pénalisé les petites et moyennes entreprises représentant plus de 90% du tissu industriel en déclin (5% dans le PIB). Le Crédoc n'a pas permis de juguler comme cela était prévu la hausse des importations qui ont doublé depuis 2009, a renforcé les tendances des monopoleurs importateurs où selon l'officiel 83% du tissu économique global est constitué du commerce et des petits services à faible valeur ajoutée. Nombreux sont les PME/PMI pour éviter les ruptures d'approvisionnement ont dû recourir au marché parallèle de devises. Le gouvernement a certes relevé à 4 millions de dinars, au cours officiel, la possibilité du recours au paiement libre pour les importations urgentes de matières premières ou pièces de rechange, mais cela est resté insuffisant, expliquant les dernières mesures contenues dans l’avant projet de loi de finances 2017. Cinquièmement, beaucoup d'opérateurs étrangers utilisent le marché parallèle pour le transfert de devises, puisque chaque algérien a droit à 7200 euros par voyage transféré, utilisant leurs employés algériens.
4.- Urgence de profondes réformes condition pour une économie diversifiée
La période 2017/2020, quant au relèvement du prix du pétrole, n’incite guère à l’optimisme selon un rapport de la banque mondiale étendu à la grande région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord), Un rééquilibrage s’opèrerait sur le marché mondial du pétrole au début de l’année 2020, à des prix d’équilibre compris entre environ 53 et 60 dollars le baril, encore qu’avec la réunion d’Alger en attendant la réunion de Vienne le 30 novembre 2016, il est à souhaiter un prix d’équilibre entre 50/55 dollars ( le FMI prévoyant une moyenne de 53/55 dollars pour 2017). Mais tout dépendra de la croissance de l’économie mondiale, et notamment de la Chine et surtout de la nouvelle configuration de la consommation énergétique mondiale 2020/2030 reposant sur un Mix énergétique, le cours s’étant établi le 28 octobre 2016 à 49,76 dollars pour le Brent et 48,76 dollars pour le Wit avec un cours bas du dollar 1,09 dollar un euro. La solution pour l’Algérie réside en une nouvelle gouvernance, de nouveaux mécanismes de régulation, qui conditionnent la dynamisation de la production locale dans des segments à valeur ajoutée au sein de filières internationalisées.
Cela passe par des entreprises performantes (coûts-qualité) nécessitant de s'insérer au sein de grands ensembles dont les espaces africain et euro-méditerranéen sont les espaces naturels de l'Algérie. Une économie diversifiée passe par la débureaucratisation de la société, la refonte des systèmes financiers et socio-éducatifs, de résoudre l’épineux problème du foncier avec ses utilités, les taxes douanières et les subventions devant être ciblées. Afin de faire face aux ajustements économiques et sociaux douloureux mais nécessaires pour éviter le drame des impacts des années 1986, s’impose un front social interne solide, une meilleure gouvernance, la libération de toutes les énergies créatrices loin des emplois rentes, mettant au cœur du développement l’entreprise et l’économie de la connaissance en évitant les idéologies négatives par assouplissement de la règle des 49/51% aux segments non stratégiques avec une minorité de blocage pour éviter les délocalisations sauvages, où l’Algérie supporte actuellement tous les surcoûts.
Le véritable nationalisme se mesurera quant à la capacité de toutes les Algériennes et Algériens, sans exclusive, à contribuer à la valeur ajoutée interne loin des aléas de la rente éphémère. Ce sont les conditions pour améliorer la production et productivité interne, devant être sous tendue par une nette volonté politique des réformes structurelles, une libéralisation maîtrisée grâce à l’Etat régulateur, condition de l’amélioration de la cotation du dinar algérien et non par des mesures techniques conjoncturelles.
Dr Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités, expert international
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merci
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