Ali Benflis renvoie le pouvoir à ses responsabilités dans la crise actuelle
Déclaration de M. Ali Benflis, Président de Talaie El Hourriyet à l’occasion de la célébration du 62 ème anniversaire de la glorieuse Révolution du 1er novembre 1954
A la veille du 62e anniversaire de l’épopée du 1er Novembre 1954 que nous nous apprêtons à célébrer dans le recueillement et dans l’exaltation du souvenir de ses glorieux artisans, je tiens à vous adresser mes félicitations les plus chaleureuses et à former pour vous et notre pays mes vœux les plus sincères de quiétude, de prospérité et de progrès.
En cette occasion marquante de notre histoire nationale contemporaine nos premières pensées vont toujours à nos glorieux martyrs qui ont donné leur vie pour que revive cette Nation fière et rebelle à tout compromis lorsque sont en cause sa liberté et sa grandeur ; nos glorieux martyrs qui ont généreusement irrigué de leur sang chaque parcelle de cette terre bénie dont l’Histoire plusieurs fois millénaire témoigne qu’elle ne sait pas composer avec la soumission et l’oppression ; nos glorieux martyrs dans lesquels s’incarnent à jamais de manière insurpassable le don de soi, le sens du sacrifice et l’amour de la patrie.
Nos pensées vont aussi à nos vaillants Moudjahidines que nous saluons en cette occasion avec déférence et respect ; eux qui ont enseigné à nos générations et aux générations à venir comment une Nation comme la nôtre pouvait surmonter l’adversité coloniale la plus cruelle et revenir à la vie parmi les autres Nations du monde ; eux qui ont fait la démonstration la plus éclatante de ce qu’un peuple comme le nôtre ne pouvait sombrer dans l’oubli et disparaitre car il a toujours su entretenir en lui la flamme de la liberté, le refus inentamable de la domination et de l’oppression et l’attachement à la libre maitrise de sa destinée quoi qu’il arrive et quoi qu’il en coûte.
C’est en cela que s’incarne l’esprit de la Grande Révolution de Novembre car cette révolution est unique en son genre ; elle n’est aucunement assimilable aux autres mouvements de libération nationale dans le monde dont le siècle dernier a été le témoin et qui ont clos ce chapitre sinistre que représente la colonisation dans le livre de l’Histoire humaine. Dans le cas de notre Nation il ne s’agissait pas seulement de récupérer une terre arrachée à ses légitimes propriétaires, de la prédation des ressources nationales a laquelle il fallait mettre fin ou de simple droits politiques, économiques et sociaux que l’ordre colonial foulait aux pieds et qu’il importait de réhabilité. Non, la Grande Révolution de Novembre avait des buts plus élevés et plus ardus à atteindre. Il s’agissait d’un peuple, le peuple algérien, dont l’ordre colonial niait l’existence et qui devait combattre pour sa survie ; il s’agissait aussi d’une société, la société algérienne, que l’ordre colonial ne reconnaissait pas mais dont il n’a pu éteindre l’esprit de résistance à tout ce qui attentait à ses racines, à ses valeurs et à sa personnalité propre ; il s’agissait, enfin, d’une Nation, la Nation algérienne, que l’ordre colonial s’assignait pour but d’oblitérer de la face de la terre mais qui a su trouver en elle tous les ressorts de la survie et de la pérennité.
Un peuple, une société et une Nation qui ont pu surmonter de telles épreuves donnent toute la mesure de leur capacité de résistance, des trésors de résilience qu’ils portent en eux et de la volonté indomptable de se tenir debout face à l’adversité avec tous les défis qu’elle leur impose.
Comme chacun le sait, comme chacun le voit et comme chacun le constate, notre pays passe actuellement par une phase de grande épreuve. Il est à la croisée des chemins et il importe qu’il détermine la voie qu’il entend suivre ; il vit un moment des grands choix et il importe que son choix soit de ceux qui ouvrent de nouvelles perspectives et offrent de nouvelles ambitions. Ses principaux adversaires sont aujourd’hui, l’immobilisme, l’inertie et la totale absence d’un projet national rassembleur et inclusif.
Notre pays fait face à une impasse politique manifeste. Il vit une crise de régime dans tous les sens, constitutionnel, institutionnel et politique de ce concept. Le système politique national a fait son temps et il n’est plus à la hauteur des enjeux déterminants auxquels le confrontent les mutations nationales et l’accélération des transformations que connait son environnement mondial.
Notre pays fait aussi face à une crise économique d’une exceptionnelle gravité.
Le devoir de vérité envers nos concitoyennes et nos concitoyens nous impose de reconnaitre que cette crise est plus grave que toutes celles que nous avons connues auparavant. La première responsabilité dans cette crise n’est absolument pas à imputer à un retournement de la conjoncture énergétique mondiale. Elle est plutôt imputer à une gouvernance politique qui a laissé l’économie nationale les mains nues face à ce retournement de la conjoncture énergétique mondiale. Cette gouvernance politique défaillante car elle a accentué le caractère clientéliste et rentier du système économique national et parce qu’elle s’est révélée être le plus grand frein à la diversification des sources de la richesse nationale et qu’elle n’a pas été au rendez-vous de la correction des grands dysfonctionnements structurels de l’économie nationale que l’embellie financière des dix dernières années permettait à un moindre coût.
Notre pays fait, enfin, face à une montée des tensions sociales préoccupante et angoissante pour l’ensemble de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Cette montée des tensions sociales dirige une lumière crue sur la défaillance de la gouvernance politique et sur l’échec patent de la gouvernance économique dans notre pays. Une gouvernance politique sans légitimité, sans crédibilité et sans confiance n’est certainement pas la plus rassurante par les moments de grande crise. Une gouvernance économique sans vision claire, sans projet cohérent et sans capacité de mobilisation n’est pas non plus celle à laquelle l’on peut s’en remettre pour espérer un renouveau économique et social dans notre pays.
Notre pays fait actuellement face à la simultanéité de trois grandes crises : une crise politique, une crise économique et une crise sociale. Ces crises ne se gèrent ni ne se règlent par l’inertie et par l’immobilisme mais par la rénovation et le changement. De ce point de vue, le régime politique en place, de par son bilan et de par l’état dans lequel il se trouve est le moins indiqué pour conduire cette rénovation et ce changement.
Le retour à l’esprit de la grande Révolution de novembre 1954 est l’une des exigences du moment. Et qu’est-ce que l’esprit de Novembre sinon l’unité pour l’action. L’unité que dictait l’amour de la patrie, le don de soi pour elle, la réponse à son appel et pour cela l’effacement des intérêts catégoriels devant l’intérêt national, le rassemblement autour d’objectifs communs qui sont ceux de la nation toute entière et non ceux de clans, de factions ou de couches sociales particulières et la mobilisation autour d’un seul mot d’ordre et d’une seule bannière, ,celle de la libération nationale. L’action quant à elle n’avait alors pour autre but que celui de restituer à notre peuple la liberté et à le restaurer dans l’intégralité de ses droits nationaux et celui de rendre à notre nation son indépendance, sa souveraineté et sa place méritée parmi les autres nations du monde.
C’est de cette unité que nous avons besoin aujourd’hui pour embrasser d’autres causes et les faire prévaloir, ceux de la modernisation de notre système politique, la rénovation de notre système économique et des reformes à conduire pour accompagner les mutations profondes de notre société.
Quant à l’action son but est de parvenir à la réalisation de ces objectifs de manière ordonnée, graduelle et apaisée.
Oui, notre pays a un besoin vital de changement. Les changements les moins couteux, les moins éprouvants et les plus rentables et bénéfiques sont ceux qui s’obtiennent par le dialogue et non par la confrontation ; ce sont ceux qui visent à surmonter les épreuves et non à ajouter d’autres épreuves nouvelles aux épreuves existantes ; et ce sont ceux qui améliorent l’ordre des choses et non ceux qui participent à sa complication, à son exacerbation et à sa dégradation. Les meilleurs changements ne sont pas ceux qui divisent des peuples et des nations contre eux-mêmes mais bien ceux qui les unissent et les rassemblent en emportant leur intime conviction quant à leur impérative nécessité.
C’est de ce changement là que notre pays à un besoin urgent et pressant. Et c’est de ce changement là que nous voulons pour notre pays. Il ne s’agit pas moins que d’une unité nationale pour une action démocratique orientée vers l’avènement d’un état de droit dont la construction n’a que trop tardée et dont dépend l’avenir d’une Algérie de progrès, de prospérité et de quiétude.
Ali Benflis
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