Machiavélisme de l’Administration fiscale algérienne !
Les dessous du rétablissement de l’Impôt sur les Plus-values Immobilières Civiles, par les dispositions du Projet de la Loi de finances pour 2017.
En l’absence d’une politique de lutte contre le phénomène de la spéculation dans le domaine de l’immobilier, la démarche de l’administration fiscale a consisté à proposer une imposition au taux de 5% qui, à première vue, parait être modéré.
A rappeler qu’avant 2009, l’impôt ainsi que son régime d’imposition étaient régulièrement gérés par les dispositions des articles 2, 77, 78, 79, 80, 80 bis, 93 et 104 du Code des Impôts directs. Pour les non-initiés à la matière fiscale, il est question d’une mesure toute ordinaire visant le rétablissement d’un impôt catégoriel supprimé, en prévoyant un taux d’imposition adapté de l’ordre de 5%.
Détrompez-vous Messieurs de la majorité silencieuse représentative de la classe moyenne car, la réalité est tout autre et qu’il faut bien se méfier de ce leurre de l’administration fiscale. En effet, de la lecture des dispositions des articles 2 et 3 du projet de Loi de Finances, tendant à rétablir cet impôt exceptionnel, il résulte beaucoup de zones d’ombres à éclaircir qui sont:
1- Le régime d’imposition qui consiste à déterminer le revenu net taxable, consacré par les dispositions abrogées des articles 77, 78, 79, 80 et 80 bis du code des impôts directs, a été complètement remodelé, ce qui dégage une pression fiscale phénoménale et un élargissement surdimensionné de l’assiette.
Cette situation est invraisemblable s’agissant d’un revenu exceptionnel et aussi, d’un impôt sensé frapper les plus-values issues d’opérations de spéculation qui sont caractérisées par une durée de jouissance très courte et par l’élément répétitif des transactions.
2- L’article 77 réinstauré, introduit une nouvelle exonération des plus-values réalisées dans le cadre d’opérations de crédit-bail immobilier qui profitera à des particuliers et aussi, à des établissements de crédits du secteur privé.
3- L’article 78 réinstauré, occulte sciemment les charges suivantes, en ce qui concerne le régime d’imposition de ce revenu exceptionnel :
- Le prix de cession est à réduire des frais supportés à l’occasion de la cession.
- Le prix du bien cédé est à actualiser forfaitairement, à raison de 8% l’an, pour tenir compte de la dévaluation, frais d’acquisition, entretien et améliorations.
- Les frais justifiés sont à admettre à concurrence de 30% du prix du bien et lorsque, le contribuable ne peut les justifier, ils sont évalués à concurrence de 10%,
- Les droits réels immobiliers se rapportant aux biens cédés (possession, usufruit et servitudes) sont à évaluer à concurrence de (40%, 30% et 5%) a été occultée.
4- L’article 79 réinstauré, a sciemment occulté les abattements de 80%, 60%, 40% et 30% qui tiennent compte de la durée de jouissance du bien cédé. Il est à préciser que, plus la durée de jouissance est grande, plus l’abattement est conséquent, et inversement proportionnel, plus la durée de jouissance est courte, plus l’impôt est important. Ainsi, au sens du droit fiscal, une opération de cession exceptionnelle n’est pas appréhendée de la même manière qu’une opération spéculative.
5- Les articles 80 et 80 bis relatifs à l’assiette, exigibilité et recouvrement de l’impôt ont été abrégés, ce qui risque de provoquer une cassure dans la gestion de cet impôt car, le système fiscal Algérien est déclaratif,
6- L’article 2 du code des impôts directs modifié, occulte “les droits afférents aux plus-values de cessions immobilières“ qui sont la possession, l’usufruit et enfin, la servitude,
7- Les articles 77 à 80 sont “institués“ par les dispositions de l’article 3 du Projet de Loi de Finances et non pas “rédigés“ ; ces articles ayant été abrogés par les dispositions de la Loi de Finances pour 2009,
8- L’article 78 du code, réinstauré par l’article 3 du Projet de Loi de Finances, occulte les dispositions des articles 281 bis, ter et quater du Code des Impôts ddirects qui traitent de la notion de valeur vénale.
En effet, conformément aux dispositions de ces articles, l’évaluation des biens est à la diligence de la Commission Interministérielle composée des représentants des services du ministère de l’intérieur et des collectivités locales, du ministère des finances et du ministère de l’habitat.
9- L’article 104 du code, modifié par les dispositions de l’article 2 du Projet de Loi de Finances, soumet à l’impôt ces plus-values au taux de 5%. Justement, il faut se méfier de ce taux qui symbolise l’arbre qui cache la forêt car, la modification du régime d’imposition de ce revenu est exceptionnel, impliquerait une pression fiscale surdimensionnée.
Il résulte de ce qui précède que l’administration fiscale, au lieu de mettre au point une politique de lutte contre la spéculation dans le domaine de l’immobilier, elle a opté pour la facilité en élargissant d’une manière démesurée l’assiette et ce, au lieu de se limiter à appréhender les opérations de cessions répétitives caractérisées par une courte durée de jouissance.
Par ailleurs, il est primordial à ce que le principe de taxation à la TAP, TVA et IRG des opérations de cessions, à cause du caractère répétitif et du but lucratif, soit codifié afin de permettre la lutte contre le phénomène de fraude qui consiste à substituer le régime d’imposition propre aux opérations spéculatives, par celui des plus-values civiles.
L’administration fiscale, en usant de son droit de communication, est en mesure de recouper au niveau du domicile fiscal du vendeur, les transactions répétitives et à buts lucratifs passibles de l’impôt suivant le régime général. En attendant, la mise en œuvre d’un tel dispositif, sanctionner lourdement à travers ces nouvelles mesures, une transactions immobilière exceptionnelle, contredit franchement le principe universel d’équité fiscale.
Messieurs les députés, méfiez-vous de l’adage de Monsieur Artur Laffer qui dit : "Trop d’impôt tue l’impôt".
Docteur L. Mahiou
Consultant senior en droit des affaires
Oran le 27/10/2016
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