Ce qui nous manque à nous autres...
Un regard bien droit, clément et sans mépris d'un responsable au guichet, un sourire même à peine esquissé sur les lèvres, un salut ou un bonjour chaleureux au petit matin, la ponctualité, la disponibilité, la sympathie ne coûtent sûrement rien ! Ça crée la confiance, ça ouvre l'appétit au dialogue ; l'empathie ; l'entente ; la bonhomie, etc.
Ça décompose l'air empesté de notre quotidien, ça remonte le moral, ça rafraîchit et ranime l'ambiance alourdie sous l'effet de cette paperasse futile de la bureaucratie, ça donne envie de vraiment partager avec les autres le fardeau de ces soucis qui nous pèsent sur le cœur, vivre intensément chaque moment qui passe dans un élan compréhensif ; convivial ; fraternel... Combien d'entre nous en manquent-ils tant, aujourd'hui, dans nos administrations, les bureaux de poste, les services municipaux et dans tous ces lieux où l'on va souvent demander un petit quelque chose à même d'alléger un petit peu, qui sait, nos galères à n'en plus finir? Combien d'entre nous qui, après avoir pesté devant les multiples bouchons de circulation, les feux rouges, les stops, les ronds-points, les intersections, les dos-d'âne, les interdictions de stationnement qui parsèment nos routes se voient-ils, tristement, opposer une fin de non-recevoir injustifiée à leurs demandes ou doléances dans un bureau d'impôts, une caisse de retraite, une agence d'assurances ou une succursale d'A.A.D.L? Sans doute beaucoup... beaucoup!
Mais ces derniers peuvent-ils supporter tous ces désagréments-là et tant d'autres encore ? Comme ces bruits sourds en bas des barres d'immeubles mal entretenus, l'insalubrité dans les couloirs, le manque de savoir-vivre dans nos rues, la ruralisation sauvage des comportements, la vulgarité des délinquants qui y font parfois la loi? Et aussi les ascenseurs toujours en panne, les portes qui claquent, les nuisances sonores, le linge étalé anarchiquement sur des balcons, en parallèle avec des tubes cathodiques qui amochent l'image urbaine de nos quartiers, les pots d'échappements de motos qui détonnent même au milieu de la nuit, ces klaxons pour rien, l'insécurité inquiétante dans des cités-dortoirs périphériques et sans commodités, la promiscuité, l'indiscrétion de certains voisins et leurs palabres à voix forte, les quelques énergumènes hypocrites qui molestent les filles qu'ils jugent "impudiques" parce que simplement non-voilées, les "parkingueurs" au verbe acerbe, à la mine de voyous et au "couteau" facile qui soutirent à chaque coin de l'argent aux automobilistes, les kidnappings d'enfants...? La liste de nos ennuis est un interminable chapelet dont les périls nous attendent partout. L'Algérien ne peut-il pas, d'ailleurs, se nommer lui-même "attente" ? Ça paraît bizarre pour certains mais c'est comme ça! Car, ce dernier aurait probablement appris à «attendre» que tout ça s'arrange seul, miracle divin aidant, sans qu'il fasse aucun effort. Attendre juste pour ne pas mourir d'angoisse alors qu'une autre voix intérieure qui se cache en lui, rouspète, fulmine et le harcèle, sans cesse, pour aller dans le sens contraire.
S'il manifeste, en effet, un air de joie, ce n'est que pour couvrir une colère volcanique permanente. Preuve en est que, dès que l'on s'en approche, il se met à énumérer et à pérorer avec assurance tous les maux qu'il croit fièrement avoir surmontés. Ah! quel vilain défaut que d'être médiocrement fier. L'Algérien l'a toujours été hélas, l'a vécu et l'a même revendiqué contre lui-même, contre les autres, contre la société. Ne soutient-il pas, somme toute, que "el khobz we'lema, rassi fes'sma" ? (le pain nu avec l'eau mais la tête haute comme jamais).
Kamal Guerroua
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