"Jour de feu" d'Ali Malek : les bonheurs possibles de l'existence
Le roman "Jour de feu" d'Ali Malek est paru chez les éditions Barzakh, en octobre 2016.
Ecrivain discret, Ali Malek sait revenir vers ses lecteurs : d'année en année, il publie ses savoureux textes, en France ou en Algérie. Enfant de la Kabylie profonde, il vient de sortir un nouveau roman agréable à lire : "Jour de feu" qui paraît à Alger aux éditions Barzakh. C'est le huitième livre d'Ali Malek après "Les Yeux ouverts" (récit, 2000), "Bleu mon père, vert mon mari" (nouvelles, 2002), "Les Chemins qui remontent" (roman, 2003), Le Chien de Titanic (roman, 2006), Une Année sans guerre (roman, 2009), tous parus chez justement cet excellent éditeur Barzakh qui marie allègrement les mots bien ficelés et des maquettes exquises, et "Une Terre bénie des Dieux" (roman, 2008), "La Mise à pied" (roman, 2014), sortis à Paris aux éditions Non-Lieu.
Dans "Jour de feu", Ali Malek revient vers ces thèmes favoris : le questionnement de l'existence des petites gens dans des systèmes qui les broient, le temps qui s'avère dans bien des cas un fardeau à gérer, les rêves impossibles, les rapports humains qui se disloquent, le désert sentimental, les manipulations sans fin des plus forts. "C'est ainsi : tout est de la faute du pétrole et sur ce point, elle a constaté aujourd'hui combien tout le pays est d'accord avec elle. Sans cette maudite manne, les femmes garderaient leurs maris, les forêts ne seraient pas condamnées à brûler absurdement, et les hommes s'entre-tueraient moins", pense Aldjia, l'épouse d'un ingénieur qui travaille au sud du pays et qui est souvent loin de chez lui. Comme elle, les habitants de Chirfa, ce bourg de Kabylie que raconte cette fiction s'attendent au pire : le feu s'est, une nouvelle fois, déclaré sur le Mont.
Dans la mémoire collective des habitants de la région, dès que le feu prend sur ces hauteurs-là, il génère des catastrophes. Un crime vient d'être commis : un patron se fait tuer par un de ses employés, le commissaire connaît d'avance le meurtrier, il sait même où il se cache. Affairiste véreux, le commissaire envoie deux de ses éléments pour récupérer à son profit la valise contenant l'argent, mobile du crime. Le malheureux employé sera liquidé dans les Vavites, un établissement où se côtoient luxe, femmes, alcool et chimères.
Dans le passé, Les Vavites furent également une dynastie de bédouins qui avaient usurpé le pouvoir en se servant, entre autres, de la religion. "Quand il prend le fourgon-taxi tôt le matin, il aime contempler les forêts des deux côtés de la route qui serpente. Chaque arbre lui semble être la touche d'un clavier, et les notes, jointes les unes aux autres, finissent par former une mélodie : c'est en écoutant la forêt chanter que Komo a aimé. Partout où il ira, les silences de la vie lui rappelleront à jamais la silhouette d'une jeune fille quand elle tressaille", écrit Ali Malek quand il met en scène Komo, ce vendeur de journaux, fou amoureux d'une lycéenne qu'il connaît très peu.
En revanche, Salem qui garde désormais les chèvres a eu une vie de fonctionnaire et surtout le désir d'écrire. Et c'est après cinq longues années d'attente qu'il reçoit, enfin, la réponse positive d'un éditeur. Mais c'est, peut-être, déjà trop tard pour lui.
A bien des égards, tout est déjà trop tard pour tous les habitants de ce bourg perdu. Comme tous les textes d'Ali Malek, "Jour de feu" vaut le détour : c'est un roman qui remet au goût du jour la simplicité des choses. Et il n'y a, en vérité, que cette simplicité qui nous donne les bonheurs possibles de l'existence.
Youssef Zirem
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merci bien pour les informations