Les Colombiens disent "non" à l'accord de paix avec les Farc
Les Colombiens ont rejeté dimanche l'accord de paix avec les Farc, plongeant le pays dans l'incertitude et infligeant une défaite majeure au président Juan Manuel Santos.
La victoire surprise du "non" douche les espoirs de la communauté internationale qui avait salué à l'unanimité, de la Maison blanche au Vatican, la fin de 52 années de conflit armé.
Le "non" l'emporte avec 50,21% des voix contre 49,78% pour le "oui", selon les derniers résultats, portant sur la totalité des bulletins. La participation n'a été que de 37%. Des pluies torrentielles se sont abattues sur le pays dimanche. Le gouvernement et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) se sont empressés d'assurer qu'ils continueraient à poursuivre la paix.
Le président colombien, Juan Manuel Santos, a reconnu sa défaite, tout en annonçant que le cessez-le-feu serait maintenu. Il rencontrera lundi les responsables politiques partisans du "non" et enverra à Cuba le chef des négociations pour discuter avec la direction des Farc.
Le chef des Farc, dit Timochenko, a lui aussi fait une annonce favorable à la poursuite du processus de paix depuis La Havane. "Les Farc réitèrent leur disposition à n'utiliser que les mots comme armes pour construire le futur", a dit Rodrigo Londono, connu sous le nom de guerre de Timochenko. "Au peuple colombien qui rêve de paix (je dis), comptez sur nous, la paix triomphera", a-t-il poursuivi.
Les sondages donnaient le "oui" largement gagnant et le président Santos avait déclaré qu'une victoire du "non" signifierait une reprise du conflit. Les opposants à l'accord signé lundi dernier à Carthagène par le président et le chef des Farc jugent le texte trop favorable aux rebelles.
En échange d'un dépôt des armes, l'accord prévoyait un retour à la vie civile des rebelles et leur aurait permis de former un parti politique et d'éviter des peines de prison. "J'ai voté non. Je ne veux pas apprendre à mes enfants que tout peut être pardonné", rapporte Alejandro Jaramillo, un ingénieur de 35 ans qui fait partie de la majorité.
Les opposants à l'accord réclament sa renégociation, pour obliger les chefs rebelles à purger des peines de prison et les empêcher d'être représentés au Parlement colombien. "C'est un message clair (...) Je demande à tous les citoyens de nous faire confiance pour savoir gérer la situation sans agitation. Nous allons travailler avec le gouvernement pour refaire cet accord", a déclaré l'ancien vice-président Francisco Santos, chef de file des partisans du "non". Bien que le camp du "non" mette en valeur de nouvelles négociations, les Farc ont exclu de revenir à la table pour accepter d'être mis en prison.
Les régions encore en proie aux violences, notamment les provinces pauvres de la côte Pacifique et des Caraïbes, ont voté en majorité en faveur de l'accord. L'intérieur du pays, pacifié sous la présidence d'Alvaro Uribe, qui rejetait l'accord de paix, a soutenu le "non" en majorité.
Les rangs des rebelles, décimés par les offensives militaires, ne comptaient plus que 7.000 personnes ces dernières années. L'accord leur aurait permis de se présenter aux élections présidentielles et législatives de 2018 et leur garantissait en outre 10 sièges au Parlement jusqu'en 2026.
Les Farc avaient promis en échange de déposer les armes, d'abandonner le trafic de la drogue et de participer au renouveau des régions rurales de Colombie.
En vertu du texte signé, nombre de chefs de la guérilla responsables de massacres, d'attentats à la bombe ou de déplacements de populations auraient comparu devant un tribunal spécial susceptible de prononcer des sanctions alternatives à leur encontre, comme des missions de déminage sur d'anciennes zones de guerre.
Près de 220.000 personnes ont été tuées pendant le conflit, et des millions de personnes ont été chassées de chez elles.
"L'Histoire se souviendra de ce jour comme du moment où la Colombie a tourné le dos à ce qui aurait pu mettre fin à une guerre qui a dévasté des millions de vies pendant plus de 50 ans", estime la directrice pour l'Amérique du groupe Amnesty International, Erika Guevara-Rosas.
Reuters
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