A nous le futur !
Vouloir comprendre le fonctionnement du système politique algérien c’est comme tenter de grimper l’Everest avec des sandales en caoutchouc en plein mois de janvier. Aucun analyste politique ne peut expliquer, encore moins justifier, la pertinence d’un troisième mandat pour un président vieillissant, physiquement affaibli et moralement décrédibilisé.
On aimerait tant croire que Bouteflika dispose encore, si tant est qu’il l’ait déjà eu, de ce feu sacré qui pousse les grands hommes politiques à vouloir continuer à servir leurs peuples parce qu’ils ont des raisons de croire qu’ils sont toujours porteurs d’un projet d’avenir consensuel et fédérateur. On aimerait aussi croire que, les réserves financières aidant, Bouteflika se sente mieux armé pour faire ce qu’il n’a pas pu faire en une décennie de règne absolu: refonder les institutions de l’état républicain en redistribuant le pouvoir entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire, libérer le champ médiatique, réformer le système éducatif, créer un environnement propice au développement économique et social, réduire le chômage, assurer l’autosuffisance alimentaire, améliorer le système de santé, développer les services, réduire la bureaucratie, assurer la paix et la sécurité des citoyens, mener une guerre sans merci contre la corruption, rendre leur fierté aux algériens, etc...
Les dix dernières années nous ont hélas démontré que son désir de rempiler pour un troisième mandat n’a rien à voir avec une quelconque volonté d’inscrire l’Algérie au palmarès des pays émergeants du 21ème siècle.
Bouteflika n’est pas Franklin D Roosevelt qui hérita d’un pays en lambeaux, laminé par la crise de 1929 et en fit, grâce à son ‘’New Deal’’, la première puissance économique et militaire du monde que l’on connaît aujourd’hui. Il n’est pas non plus Olof Palme qui porta la voix antimilitariste et antiraciste de la Suède aux confins de l’Amérique et de l’Afrique tout en réalisant sur le plan interne d’importantes réformes qui font encore aujourd’hui de la social-démocratie suédoise un modèle inspirant pour le reste du monde.
Bouteflika est simplement le dernier avatar d’un viol historique commis à l’endroit de la révolution algérienne et il est décidé, au crépuscule de sa vie, à continuer l’œuvre diabolique de ceux qui, à titre posthume, l’ont consacré roi sans couronne au nom d’une ‘’légitimité historique’’ fantasmagorique.
Notre peuple a des bleus à l’âme, pour reprendre une jolie expression québécoise. Il a perdu ses ressorts, ses repères et sa confiance en des lendemains qui chantent. C’est un gros bateau, avec à bord 35 millions de personnes, qui dérive dangereusement vers des rivages incertains. Le capitaine est sans boussole et le gouvernail ne répond plus!
Mais si Bouteflika fait ce qu’il veut au péril de nos vies, c’est qu’en face de lui, il n’y a ni lieutenants aguerris, ni marins hardis qui peuvent ou qui veulent lui reprendre ce maudit gouvernail.
L’opposition est émasculée ou incompétente et la société civile, cette arlésienne bien de chez nous, écrit cyniquement l’oraison funèbre qu’elle déclamera juste avant le choc final.
Flashback sur les partis politiques
Le FFS est dans une logique d’opposition passive qui passe son temps à débiter des rodomontades éculées, tirées du lexique intemporel de l’internationale socialiste. C’est un parti vidé de sa substance qui a succombé à la tentation du zaimisme abscons de son chef. Il est définitivement sur la trajectoire peu enviable du PPA de Messali Hadj.
Le RCD qui incarna à un moment donné l’espoir d’un renouveau politique apparaît de plus en plus comme un parti opportuniste. Depuis 1999, il tente par une rhétorique vaine de nous convaincre que la participation sous condition à l’élection présidentielle est plus productive que l’abstention elle-même. En matière d’entrisme, on ne peut faire mieux monsieur Saadi! Par ailleurs, quand on a l’affront de réclamer la présence d’observateurs internationaux pour superviser les élections d’avril 2009 comme condition suffisante de la participation aux élections, on doit, soit avoir une piètre estime de l’intelligence de ce peuple, soit être complètement dépourvu de jugement, auquel cas monsieur Saadi ne se qualifierait pas pour occuper les plus hautes charges de l’État. Ce n’est pas moi qui apprendrais à monsieur Saadi qu’il existe 40.000 bureaux de vote et 9.000 centres de vote répartis sur un territoire de 2,4 millions de km2. Où irait-il chercher 49,000 observateurs internationaux quand on sait que pour les élections législatives de Russie de 2007, l’OSCE qui est l’autorité en charge de la supervision des élections en Europe ne pouvait déléguer que 1,200 observateurs internationaux alors même que ce pays est 7 fois plus grand de l’Algérie (17 millions de km2 et 4 fuseaux horaires) et 4 fois plus peuplé que l’Algérie (142 millions d’habitants) ? Comment peux-t-il oser participer aux élections alors que son parti est incapable de déléguer 49,000 militants pour veiller à ce que les urnes dans tous les coins du pays ne soient pas bourrées au soir du vote? C’est simplement débile monsieur le psychiatre!
Le parti des travailleurs de Louisa Hanoune est une incongruité dans le paysage politique algérien. Se réclamant des théories ‘’lénifiantes’’ de son fondateur, elle devrait méditer longuement cette pensée épique de Trotski ‘’ la révolution est une grande dévoratrice des gens de caractère. Elle pousse les plus courageux à leur extermination et elle vide les moins résistants’’ dont acte!
Le discours de ‘’Hanouna’’, taillé dans la plus pure des langues de bois est une architecture soporifique de quelques 500 mots interchangeables pour ergoter indistinctement sur les problèmes internes ou sur les grandes questions internationales. Elle peut bien se briser les cordes vocales en évoquant la fameuse ‘’main de l’étranger’’ pour expliquer la résurgence des émeutes populaires. Elle peut bien s’époumoner à réclamer plus de pouvoir d’achat pour les travailleurs, cela ne fait pas d’elle une candidate crédible même dans l’opposition. Il y a un minimum de bases à avoir en politique et en économie ‘’Hanouna’’. Augmenter les salaires sans augmenter la productivité, c’est dresser le tapis rouge à l’inflation et c’est ce que nous avons fait depuis le début des années 80. La ménagère lambda sait aujourd’hui qu’avec un billet de 1000DA on ne remplit pas son couffin alors que ce même billet représentait plus que le SMIC du temps de Chadli. On peut bien tirer sur la planche à billet mais on ne sera jamais assez riche si on doit payer la baguette de pain à un milliard de DA.
Le MSP incarne supposément la voix et la voie de l’islam politique. Il est dirigé par un marabout sans relief qui agit, en toute conscience, comme le faire-valoir par excellence du pouvoir en place. Il est le produit infâme de la DRS qui voulait un pendant à l’activisme intégriste du FIS des années 80. Son président est définitivement discrédité par le scandale Khalifa dont il fut l’un des protagonistes et de ce fait, il ne peut plus se prévaloir d’une moralité qui fait défaut à ses opposants.
Le FLN depuis 1962 s’est révélé comme un repaire de bandits de grands chemins. Il est la matrice essentielle qui donne naissance, année après année, à des lignées prolifiques de chauves souris qui n’ont en jamais assez du sang du peuple. C’est le monde interlope par excellence! C’est l’underground dans toute sa sophistication! La famille ‘’révolutionnaire’’ qui est son vivier principal a pris le peuple à la gorge et n’entend pas desserrer l’étau jusqu’à ce que la dernière goutte de sang ait été sucée!
Le RND est comme chacun le sait l’enfant bâtard du FLN. Son président est l’une des personnalités les plus fourbes de l’histoire contemporaine de l’Algérie post indépendance. Donner à Ouyahia de l’or et il en fera du bronze avec le sourire en prime! Homme retors, il est en mission commandé au service de la DRS qui le garde comme atout majeur dans son jeu déjà truqué. Ouyahia fera de ce pays un bantoustan, qu’à Dieu ne plaise, si d’aventure on lui confiait les rênes du pouvoir. Sous sa signature ont été exécutés les meilleurs cadres de ce pays et son travail de sape est d’une continuité exemplaire.
Je ne parlerai pas beaucoup du FNA, du PRA et consorts tant leur opportunisme n’a d’égal que leur médiocrité. Ces gens là naissent et meurent dans l’indifférence générale. De temps à autre, on braque sur eux les projecteurs pour faire illusion. Ils reviennent dans l’ombre sitôt le spectacle terminé. Chez ces gens là monsieur, on ne parle pas la bouche pleine, on mastique!
Alors que reste t-il à faire dans ce décor d’épouvante digne des films de Hitchcock? D’aucuns diront Rien tant l’équation dans sa complexité apparaît insoluble. Ce faisant, ils attendent le fracas final de la coque contre les récifs avec l’espoir qu’ils seront de ceux qui constateront les dégâts. D’autres peuvent encore y croire même s’ils sont traversés cycliquement par un scepticisme somme toute compréhensible. Ils pensent, et j’en suis, que le peuple est capable de se ressaisir et de dépasser sa propre inhibition pour écrire la plus belle page de sa jeune histoire. Il écrira cette page avec une encre de sang et la gardera comme une précieuse relique qui inspirera les générations futures et leur apprendra à vivre debout et à mourir debout dans la quiétude et dans l’adversité.
Notre chemin est long, escarpé, douloureux. Il demande du courage et un sens du sacrifice à toute épreuve. Nous ne construirons jamais un pays dans 5 ans ou même dans 10 ans tant les dégâts sont énormes. Nous devons travailler d’arrache-pied pour bâtir une société juste qui balisera le chemin pour les générations futures. Pleurnicher devant les caprices de la mercuriale ne fera pas de nous des citoyens responsables. S’organiser en émeutes pour brûler des édifices est avant tout un crime car non seulement nous ne règlerons aucun problème mais il faudra bien un jour rebâtir ce que nous avons détruit avec de l’argent qui aurait pu servir à autre chose. S’organiser en rébellion armée est un crime encore plus grand. Les 200,000 morts que nous avions enterrés depuis les années 90 resteront, à jamais, une plaie indélébile dans notre mémoire collective.
Notre salut est dans la résistance pacifique pour dire NON, NON et NON au viol de la constitution et à un troisième mandat pour Bouteflika. Notre salut est dans le refus civique de dire que cette fois-ci nous ne voulons pas simplement le départ de monsieur Bouteflika et de sa garde rapprochée mais nous voulons aussi et surtout le démantèlement de ces structures de l’ombre et de ces partis politiques véreux qui conjuguent, pour nous, le verbe rêver à l’imparfait. Nous voulons inscrire au fronton de la république future que l’acte de naissance de l’Algérie nouvelle est rédigé par le peuple souverain qui en ce jour du 24 avril de l’an de grâce 2009 a décidé avec courage, discipline et beaucoup de sacrifices de laver un demi-siècle d’affronts et de mesquineries en tous genres.
Il faudra dès à présent, tous comme un seul homme, prêcher la bonne nouvelle pour que le 24 avril 2009 l’abstention soit plus forte que jamais et que les isoloirs de Bouteflika entendent la sourde colère du peuple. Dix mille personnes pourront convaincre chacune une dizaine de membres de leurs familles et de leurs amis. 110 000 mille personnes feront pareil et nous serons tout à coup 1 100 000 personnes à dire Non. 1 100,000 personnes continueront le travail et nous serons bientôt 11 millions à dire NON. Un tour plus tard et nous dépasserons la liste des 18,000 000 d’inscrits au corps électoral.
Si malgré cela, on nous sort du chapeau un président dont le peuple ne veut pas, alors il faudra passer à la vitesse supérieure, celle qui consiste à paralyser, par une grève illimitée, tous les secteurs d’activité du pays, refuser de payer les impôts, les factures d’électricité, les loyers, le téléphone sans jamais attenter à la vie de quiconque, sans jamais brûler le moindre édifice, sans jamais donner l’impression que nous sommes des hordes de sauvages.
Bien sûr la DRS peut nous rejouer le scénario d’octobre 88 et tirer sur la foule, qu’il y ait prétexte ou non. Nous en sommes conscients et nous devons accepter ce risque car un système pareil ne partira pas en chantant. Nous avions par le passé connu l’OAS et nous avions eu raison de son barbarisme. Ce ne sera pas différent cette fois-ci.
Dans son discours d’investiture de mars 1933, le président élu Franklin D Roosevelt mesurant les défis énormes qui attendaient son gouvernement dit ceci ‘’ the only fear we can fera is the fear itself’’. Traduit, cela donne à peu près ceci ‘’ La seule crainte que l’on peut craindre, c’est la crainte elle-même’’. On ne peut mieux conclure.
Larbi Chelabi
Commentaires (25) | Réagir ?
Votre pensée est bien belle et séduisante, celle d’une révolution de velours qui consistera à léguer pour la première fois le pouvoir au peuple sans verser de sang. Etant donnée que tous les partis politiques qu’ils soient de la coalition présidentielle ou de l’opposition sont à damner, qui seront les garants de cette éventuelle mutation politique dans notre pays ?
Votre analyse est parfaite mais vous avez oublié quelque chose le peuple qu’on peut facilement manipuler j’habite en France j’ai vu des émigrés précipité pour voté pas pour des raisons politique mais seulement ils ont peur qu’on ne leur livre pas le passeport pour passer des vacances en Algérie. Alors Le Parti FLN a une longue vie devant lui