Nouria Benghebrit entre le savoir-être algérien et le vouloir-être français
Je commence mes idées par un passage d’Honoré de Balzac "Si le gouvernement avait une pensée, je le soupçonnerais d'avoir peur des supériorités réelles qui, réveillées, mettraient la société sous le joug d'un pouvoir intelligent. Les nations iraient trop loin trop tôt, les professeurs sont alors chargés de faire des sots. Comment expliquer autrement un professorat sans méthode, sans une idée d'avenir ?"
Honoré de Balzac parle de Madame Firmiani dans la comédie humaine. Madame Firmiani tenait pour les flâneurs une espèce d’auberge sans enseigne. Madame Firmiani est une femme mystérieuse… Ce prototype de femme existe chez nous.
Je rappelle à Madame Firmiani que la tête de nos enfants n’est ni un package expérimental ni un champ de bataille idéologique. La maladresse politique peut l’agiter. L’agitation dans la boîte pensante entraine un futur perturbé. Le peuple est frappé par la bizarrerie politique qui remue cette boîte. La boîte pensante est secouée de partout. Elle résume le malsain de la situation actuelle. Les bruits des tiroirs vides du ministère de Benghebrit et les rumeurs des couloirs de ses directions d’éducation se font entendre dans le monde de la rue. La rue parle de la réforme de l’école algérienne et du génie de la deuxième génération et se demande d’où vient cette idée trop extravagante.
L’expérience nous enseigne que toute réforme apporte dans son vent une tension de peur de l’avenir accompagnée d’un malaise immédiat. Généralement, les experts initiateurs des réformes et les décideurs politiques impliqués sont conscients des effets secondaires de leurs actions. Ils ont intérêt à prendre leur précaution et faire attention à ne pas renverser les forces de stabilité dans la tête de nos enfants. Il est important de souligner que les résistances au changement naissent des inexpériences des faiseurs des réformes. Ils sont plus politisés qu’experts dans le domaine. Il ne faut pas non plus trop s’étonner du fait que la réforme actuelle du système éducatif menée par Nouria Benghebrit et son entourage cause de nombreuses critiques. Des critiques provenant de sources différentes. Ces sources sont toutes d’accord que application des réformes exige plus de temps de préparation et d’organisation. Une bonne éducation ne s’improvise pas et les réformes ne se résument pas dans un ouvrage pédagogique fait à la va-vite, en cachette et sans évaluation d’experts. L’histoire nous fait leçon. Les relations diplomatiques entre la Chine et le Japon ont failli être coupées quand le Japon voulait modifier un texte dans un manuel scolaire. Ce texte touchait à l’histoire chinoise. Chez nous, Benghebrit veut changer tout un système scolaire et personne ne dit mot.
La problématique vient du fait que Benghebrit représente le décor restant des ruines de Benzaghou et ses réformes. Des ruines coloniales qui recherchent des rénovateurs dans un monde éducatif détruit par l’incompétence, la démagogie et le mauvais sens.
L’année 2016 est l’année de la réforme de l’éducation en France comme en Algérie. Les Français réforment le collège. Les Algériens reforment l’école. Cette action est bien dite dans l’adage chaoui : quand Kaddour taille ses moustaches, Kouider rase sa barbe.
En France, Najat Vallaud-Belkacem, la ministre de l’Education entame la réforme du collège. Chez nous, Benghebrit fait la même chose dans nos écoles. Avec ses deux femmes, l’Algérie et la France ont réellement connu un problème d’éducation. Voici ce que pense les français de la reforme de Najat Vallaud-Belkacem :"C’est une réforme foncièrement bureaucratique, conçue et imposée du sommet, pétrie d’idéologie post-bourdieusienne, dont les racines conceptuelles plongent plutôt dans feue la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne du grand timonier Mao Zedong, la terreur en moins, que dans les idéaux émancipateurs de Jules Ferry et Ferdinand Buisson. Il s’agit de forcer la majorité du peuple, dont le souci principal est de donner à ses enfants une éducation de qualité et les armes du savoir pour affronter le monde qui vient, à accepter le principe d’une école où les meilleurs élèves, les plus doués, seront freinés dans leur progression, pour ne pas laisser ceux qui le sont moins sur le bord du chemin". Les algériens disent la même chose des reformes de Benghebrit mais dans une langue différente.
Les éducateurs algériens se souviennent de la déclaration de Najat Vallaud-Belkacem, en visite en Algérie, Octobre 2015. La ministre française a démontré que son département intervenait non seulement dans la formation des instituteurs algériens, ou encore la formation des formateurs, mais aussi et surtout dans le contenu des matières pédagogiques. Deux ou trois mois avant cette visite, Noura Benghebrit chantait tout haut : les reformes de l’école sont faites par des Algériens sans aucune aide étrangère. Benghebrit avait peut-être raison. Dans son esprit, le coup de main français n’est pas considéré comme une main étrangère. Je pense que les deux dames prennent leurs idées d’une même source. Elles marchent mains dans la main vers le désastre intellectuel.
Tout ministre aime être applaudi même quand sa solution complique l’approche au problème. Le plus intelligent ne se précipite pas. Il attend. Il analyse le monde qui l’entoure. Il pèse le risque derrière une décision précoce ou non réfléchie. Le monde autour de nous bouillonne. Nous devons faire attention. Messaoud Boudia et Ahmed Khaled peuvent nous dire où va Benghebrit avec ses reformes discourtoises. Nous imaginons leur réponse et nous continuons notre imagination.
A l’école noyée, comme dans le stade marécageux où les hurlements politiques font échos, comme dans l’usine brûlante, sous le toit d’un palais frémissant sous les complots, se prépare aujourd’hui une nouvelle gouvernance. Dans cette gouvernance, les problèmes les plus durs de l’économie et de l’organisation politique seront débattus l’un après l’autre. Espérons que la nouvelle gouvernance prendra place dans la paix et le calme. Les maitres de la nouvelle Algérie mettront en place un conseil supérieur de l'éducation. Ce conseil décidera du sort de notre école. Les membres de ce conseil ne seront pas nommés par Benghebrit, Sellal ou autre. Ils seront élus par les maitres de l’éduction loin des tendances politiques. Dans ce conseil les vrais problèmes de l’école seront discutés et trouveront leurs solutions. Des solutions nouvelles seront dictées par le sentiment de justice et de droiture. Les compétents et les sages dans ce conseil soigneront les plaies de la société. De nouveaux espoirs se dessineront, de nouvelles conceptions de gouvernance apparaitront. Une idée nouvelle entrera facilement dans les esprits des jeunes algériens comme un rêve américain. Elle attire les désespérés. Des désespérés qui cherchent à améliorer leur train de vie.
Dommage pour ma belle-mère ! Elle ne fera pas parti de ce conseil. Elle va applaudir les nouveaux maitres et lancer des youyous de délivrance pour exprimer sa liberté.
Puisque nous ne sommes pas encore dans ce nouveau monde, ma belle-mère pense que l’école va perdre tout ce qu’elle possède après les reformes accélérées et non étudiées que Benghebrit veut imposer. Pour cette raison, elle n’aime pas Noria. Elle pense que Benghebrit veut insister sur les valeurs algériennes en ignorant la réalité algérienne. Comme la majorité des maitres d’écoles, ma belle-mère pense qu’entre le savoir-être algérien et le vouloir-être français Noria a perdu le Nord. Elle veut renaitre dans une autre sphère pour apparaitre comme Najat Vallaud-Belkacem.
Un enseignant dans mon village décrit cette dame. Benghebrit n’a pas la patience de l’enseignant. Il doute fort qu’elle a touché un morceau de craie dans sa vie. Elle se trompe de pays. Elle nie sa culture et se berce d'illusion. Il lui rappelle les paroles du soufi Djalâl ad-Dîn Rûmî «Vous prétendez venir de cette âme qui est l'origine de toutes les âmes. Vous êtes de cette ville qui est la ville de ceux qui sont sans ville. Le chemin de cette ville n'a pas de fin. Allez, perdez tout ce que vous avez. C'est cela qui est le tout.»
Benghebrit nous dit qu’il est important de ne pas choquer l'écolier avec une langue arabe littéraire. Elle pense que cette langue est une nouvelle langue pour nos enfants.
Le français était une langue nouvelle pour le père de Benghebrit. Noria n’a jamais été choquée par cette langue étrange quand elle était écolière. Devenue responsable de l’éducation elle prend le masque du réformateur qu’elle portait pendant les années 70 quand elle militait dans Comité de Volontariat de la Révolution agraire (CVRA). Venue du néant, elle prend le devant de la scène, adresse aux algériens les opérations de ses changements éducatifs. Devant cette situation lamentable et consternante, les discours les plus légitimes, celui de l’exercice du bon sens, de l’analyse technique, du pragmatisme de l’efficacité, de la culture du résultat, les uns à la suite des autres, se sont prononcés contre l’excès de zèle de Noria. Un excès de zèle en adéquation avec la conjoncture du monde actuel.
En conclusion : Nouria Benghebrit est le sergent qui cache le bataillon français qui combat la Chine en terre africaine. La France voulait rester "le partenaire économique majeur" de l'Algérie. Elle a été détrônée par la Chine. La France dispose 620 collèges et lycées qui permettent à leurs élèves d’apprendre la langue de Confucius. Chez nous, la langue chinoise est ignorée par notre sergent. Dire que les parents en savent assez sur l’éducation de leurs enfants c'est avouer qu'on veut les tromper. C'est la dégradation éducative sous la vaine apparence d'un sérieux hypocrite qui nous fait prendre la patate de Mascara pour des truffes de Laghouat. Nouria pense que nous évitons à nos enfants un choc culturel élastique quand on ne leur parle pas en chinois ou en arabe littéraire. D’après les conseillers de Benghebrit, l’énergie produite dans ce choc forcera nos enfants à se braquer et se refermer sur eux-mêmes. Drôle de raisonnement !
Professeur Omar Chaalal
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