Kasdi Merbah, "le Boussouf boy" assassiné

Kasdi Merbah avec le général Giap.
Kasdi Merbah avec le général Giap.

De son vrai nom Abdellah Khalef, Kasdi Merbah est né à Ath Yenni. Une région qu’il a vite quittée pour rejoindre le Maroc où sa famille exploitait une ferme.

L’homme de l’ombre des années Boumediene a été tué avec quatre de ses proches par un mystérieux groupe armé. C’était le 21 août de la sanglante année 1993. Ce début de soirée-là, la route que Kasdi Merbah a prise était étrangement déserte. Pourtant c’est l’été et en cette période, Alger-plage était très fréquentée par les Algérois. Merbah conduisait sa Honda, à son côté il y avait son fils, Hakim. Derrière les suivait une seconde voiture dans laquelle ont pris place son chauffeur Hachemi Ait Mekidèche (30 ans), son frère Abdelaziz (42 ans) et son garde du corps Abdelaziz Nasri.

Le traquenard était manifestement bien préparé. Postés des deux côtés de la route, le commando de tueurs n’a laissé aucune chance de survie ou de résistance à Merbah et ses proches. Un déluge de feu s’abat sur les deux véhicules, laissant pour morts les cinq personnes. Kasdi Merbah avait 55 ans, les autres beaucoup plus jeunes que lui.

Une bio succinct de Kasdi Merbah

L’homme a dirigé la terrible SM de 1962 à 1979. Il était craint et détenait aussi beaucoup de secrets. Il aura participé à maintenir sous éteignoir l’opposition algérienne et surtout joué un éminent rôle dans la protection du régime de Boumediene.

Il rejoint les rangs de l’ALN à la faveur de la grève générale des étudiants le 19 mai 1956. Affecté au MALG, il fera partie de cette génération d’espions qu’on surnomme les Boussouf Boys. C’est dans ce contexte qu’il prend part à la lutte acharnée que mènera le MALG contre les opérations clandestines du SDECE et la main rouge.

Très vite le destin de Merbah se lie à Houari Boumediene. En 1960, le colonel Boumediene montre ses premiers signes de rébellion contre le GPRA. A Ghardimaou, QG de Boumediene, Kasdi Merbah est le patron des renseignements de l’Etat-major général. Sans doute sur décision du patron de l’EMG, Kasdi Merbah prend part, comme expert militaire, aux négociations secrètes entre le GPRA et les représentants du général De Gaulle qui ont eu lieu aux Rousses en décembre 1961.

Pendant le coup de force mené par l’EMG à l’indépendance contre le GPRA, Kasdi Merbah se range tout naturellement comme tous les autres membres de l’ancien MALG au côté de celui qu’on surnommera le groupe d’Oujda. Homme de l’ombre et fidèle collaborateur de Boumediene, Kasdi Merbah aura été de tous les coups du colonel. Même si l’on ignore encore les détails, il a participé activement au putsch contre Ben Bella le 19 juin 1965. Son nom a été associé aux coups tordus de cette période.

Dans les années 1970, la sécurité militaire avait les yeux et les oreilles partout. Rien ni personne ne bougeait en Algérie. Elle était présente dans les organisations de masse, les universités, les entreprises. Elle a imposé une terrible chape de plomb sur la société algérienne. Ses limiers surveillaient les moindres mouvements de l’opposition algérienne à l’intérieur et à l’étranger. Il sera là pour parer à la tentative de putsch menée par Tahar Zbiri. A la création du MDRA, le parti de Krim Benkacem, «il demande à l’un de ses agents, Rabah Zerari, plus connu sous le nom de guerre de «commandant Azzedine» de rallier avec d’autres espions, le MDRA. Le rôle de cet ancien baroudeur consiste à informer Kasdi Merbah sur les contacts de Krim Belkacem, sur ses relais en Algérie,…» (1) En avril 1969, l’ancien chef de la délégation du GPRA à Evian est condamné à mort par contumace. Boumediene donne l’ordre d’éliminer l’opposant qui, fort de son parcours historique, pouvait représenter, à ses yeux, un danger réel pour le régime» (2).

Pendant les négociations avec les autorités françaises sur la nationalisation des hydrocarbures, Merbah et ses espions s’emploient à obtenir des renseignements sur les visées françaises. Grâce à l’un de ses agents en France, Merbah obtiendra de précieux documents sur les intentions françaises. C’était un véritable coup de maître. Rachid Tabti, connu sous le pseudo de«Tony» l’agent de la SM a réussi à séduire l’assistante de Jean-Pierre Brunet, patron de l’Erap, entreprise qui exploite les gisements pétroliers en Algérie au profit de la France. L’assistance remettra plus de 4000 documents à «Tony» qui fera par la suite tout parvenir à Kasdi Merbah.

A la mort de Houari Boumediene, il était au centre du pouvoir, il a participé à la fameuse réunion du l’Enita et donné son aval à la désignation de Chadli Bendjedid pour succéder de Boumediene. Son soutien à Chadli aura été déterminant pour l’emporter sur ses concurrents, Abdelaziz Bouteflika et Yahiaoui. C’est à cette période qu’il sort pour la première fois de l’ombre depuis l’indépendance pour devenir vice-président du IV congrès du FLN. Pourtant, il sera vite débarqué de la redoutable sécurité militaire. Le tout puissant Merbah deviendra le 5 mai 1979, SG du ministère de la Défense. Un poste étrangement subalterne par rapport son précédent. Promus colonel le 28 juillet suivant, il perd cependant son poste de membre du BP du FLN.

A partir de mars 1980, Kasdi Merbah est écarté du secrétariat du ministère de la Défense. C'est le début de "la déboumediénisation". Finis les postes stratégiques. Il est nommé néanmoins le 15 juillet par Chadli vice-ministre de la Défense chargé de la logistique et des industries militaires. Rien de politique dans la fonction.

Deux années plus tard, en juillet 1982, il sera ministre de l’industrie lourde. Il occupera par la suite plusieurs postes ministériels. Après la sanglante répression d’octobre 1988, Chadli le charge de former le premier gouvernement du pluralisme naissant. A peine 9 mois plus tard, il est limogé pour "tiédeur", a-t-on justifié. Un an après, il crée son parti le MAJD et se lance pour la première fois en politique en dehors des structures du FLN.

H.A.

Sources :

(1) "Algérie 200 hommes de pouvoir", de Louis Blin, Nourredine Abdi, Ramdane Redjala et Benjamin Stora.

(2) "Histoire secrète de l’Algérie indépendante" de Mohamed Sifaoui, Edition Monde.

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Commentaires (13) | Réagir ?

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gestion

MERCI

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fateh yagoubi

oui

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